Le Diable de la Tamise, roman policier d’Anneline Wendeberg

Diable-TamiseEncore une histoire de Sherlock Holmes ? Au début, quand j’ai entendu parler de ce livre, je dois avouer que j’étais dubitative : les romans mettant en scène le célèbre détective de Baker Street et écrit par d’autres plumes qu’Arthur Conan Doyle sont devenus légion. Pour autant, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Difficile pour les auteurs de restituer fidèlement le personnage et de faire la part des choses entre l’objectivité et la vision fantasmée. Du coup, pour les lecteurs un peu tatillons (j’avoue que j’en fais partie), la déception guette et ça devient un peu agaçant de voir pour la énième fois un romancier jouer les apprentis sorciers. Pourtant, en lisant le résume de ce nouveau roman, Le Diable de la Tamise, je dois dire que j’ai été tentée. Tentée parce que l’histoire avait l’air bien, parce que l’auteur respectait l’époque mais se permettait d’introduire un nouveau personnage principal… Bref, il y avait des éléments rassurants. J’ai donc décidé de faire confiance à Anneline Wendeberg, la romancière qui a écrit ce livre, et aux Presses de la Cité, qui en général ne publient pas n’importe quoi. J’ai pris un risque et devinez quoi ? J’ai eu raison !

Londres en 1830 n’est pas encore la ville moderne que l’on connaît. Bien au contraire, les quartiers pauvres sont plus que jamais dans des conditions insalubres, et le crime rôde dans la ville, parfois en toute impunité. Anna Kronberg profite de ce manque de lucidité de ses contemporains pour exercer une profession qui, normalement, est interdite aux femmes : la médecine. Spécialisée en bactériologie et déguisée en homme, elle enseigne dans une école de médecine londonienne et rend parfois service à la police. Scotland Yard fait justement appel à ses compétences pour un cas troublant : le cadavre d’un homme a été retrouvé dans un bassin d’eau potable en amont de Londres. Les premières constatations laissent penser que l’homme est mort du choléra, une maladie non seulement mortelle mais surtout hautement contagieuse. Anna, une fois sur les lieux, se rend compte qu’elle n’est pas la seule spécialiste à laquelle on a fait appel : Sherlock Holmes est déjà là, et il a déjà une théorie sur la question. Son sens de l’observation et son intelligence ne tardent pas à percer le secret d’Anna. Mais loin de la dénoncer, le détective ne tarde pas à en faire son équipière pour résoudre l’enquête. Il faut dire que depuis le mariage du docteur Watson, il a bien besoin d’être secondé par quelqu’un de compétent. Et le don d’Anna pour le travestissement pourrait bien l’aider à infiltrer une dangereuse organisation responsable de morts suspectes…

Voilà, le décor est planté et il n’y a pas la moindre ambiguïté : nous sommes bien dans une histoire de Sherlock Holmes ! Dès les premières pages du Diable de la Tamise, on sent bien qu’on plonge dans l’atmosphère victorienne si typique. Evidemment, c’est un grand bonheur parce que rien que ça représente déjà un motif de satisfaction. Ensuite, l’histoire est bien amenée, et je dois dire que c’est un régal. Anneline Wendeberg a l’idée de situer son histoire juste après le mariage du docteur Watson, ce qui explique son absence et le fait que Sherlock travaille de nouveau seul. Du coup, ça permet de glisser facilement le personnage d’Anna comme acolyte pour notre cher détective. Les pièces du puzzle s’enclenchent parfaitement et à aucun moment je n’ai eu envie de crier au scandale. Pour une lectrice fidèle au canon comme moi, je dois dire que le tour de passe-passe est très bien orchestré. L’histoire se lance de manière fluide et la création du tandem Sherlock/Anna fonctionne très bien.

Pour ce qui est du personnage d’Anna, je l’ai trouvé intéressant mais j’ai tout de même quelques réserves. C’est très intéressant d’aller inventer un personnage de femme obligée de se travestir en homme pour pouvoir travailler comme médecin. D’ailleurs, à ce niveau la contextualisation de l’histoire est très bien faite puisque la romancière rappelle le sort réservé aux femmes qui pratiquent une profession interdite (indice : ça n’a rien de joyeux). Toute cette partie professionnelle est très réussie et j’ai beaucoup adhéré. En revanche, la partie personnelle m’a moins emballée, notamment la relation entre Anna et son père. J’ai trouvé que ça n’apportait pas grand-chose ni à l’histoire ni au personnage. Mais sincèrement, c’est le seul bémol que je puisse trouver à ce roman.

Pour ce qui est de la partie cruciale, à savoir l’intrigue, je dois dire qu’Anneline Wendeberg a fait un travail remarquable. On voit qu’elle est bien documentée sur la propagation des épidémies à l’époque et qu’elle maîtrise son intrigue sur le bout des doigts. Le Diable de la Tamise dévoile une histoire est passionnante, avec beaucoup d’intensité, et on la suit avec beaucoup d’enthousiasme. A plusieurs reprises, je me suis même surprise à me dire qu’Arthur Conan Doyle (qui était médecin lui-même) aurait pu écrire ce genre d’histoire. Il y a du réalisme mais on sent aussi le souffle du roman. Pour résoudre le mystère, l’enquête passe par plusieurs phases et le lecteur a droit à tout : observation, filature, entrée par effraction, course-poursuite, enlèvement… Plus quelques rebondissements à cause des coups de théâtre de Sherlock Holmes.

Le Diable de la Tamise est une grande réussite. Pour les fans aguerris des aventures de Sherlock Holmes, la lecture de ce livre sera un pur moment de plaisir car il est très respectueux du canon tout en ajoutant son grain de sel avec brio. Et pour ceux qui n’ont jamais lu aucun roman de Sherlock Holmes, ça peut justement être une bonne entrée en matière. Le livre ne fait pas trop référence à d’autres enquêtes et il ne nécessite donc aucune connaissance approfondie du mythe holmésien. Si vous cherchez une bonne histoire policière, ne cherchez pas plus loin !

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