Les livres de la rentrée littéraire sont-ils ennuyeux ?

L’heure est venue de poser une question piège. Les livres de la rentrée littéraire sont-ils ennuyeux ? C’est une vraie question. Pas juste une question polémique pour dénigrer la rentrée littéraire. C’est un rendez-vous que j’aime bien. Mais parmi les critiques que j’entends à son encontre, il y a souvent des commentaires sur le peu d’intérêt des romans proposés. En gros, la rentrée littéraire serait un peu comme le Festival de Cannes : on y présent des histoires qui n’intéressent que la presse. Mais la majorité des gens n’en ont rien à faire. C’est une critique qui est en partie fondée… et en même temps je ne suis pas d’accord avec cette manière de concevoir les livres de la rentrée littéraire. Alors aujourd’hui, je prends le taureau par les cornes en évoquant cette idée reçue avec vous.

Rentrée littéraire = ennui mortel ?

C’est vrai qu’il y a rarement des comédies au programme de la rentrée littéraire. Mais est-ce que les personnes qui se désintéressent de la rentrée littéraire le savent vraiment ? En fait, ma question est la suivante : à quel point les gens qui dénigrent la rentrée littéraire sont-ils au fait des livres présentés ? Lisent-ils ces livres pour se faire une opinion ? Ou bien se reposent-ils sur une opinion préconçue ?

La réponse est la seconde proposition. Quand je discute avec des gens autour de moi, la plupart ne sont pas très au courant des livres de la rentrée littéraire. Mais ils sont convaincus que ces livres ne vont pas les intéresser. Tout simplement parce qu’il y a une connotation négative associée à la rentrée littéraire. On estime qu’a priori ce sont des livres ennuyeux, élitistes et déprimants.

Malheureusement, c’est difficile de lutter contre cet a priori. En effet, chaque année, c’est dur de trouver son chemin dans la rentrée littéraire. De dénicher quelques pépites au beau milieu des centaines de livres qui sont publiés en même temps. Et les livres dont on parle le plus dans les médias ne sont pas nécessairement ceux qui vont donner envie aux gens de courir en librairie.

De quoi parlent les livres de la rentrée littéraire ?

Ce manque d’enthousiasme – pire, ce dénigrement – vient notamment des sujets abordés. Souvent, ce sont des sujets plutôt sérieux. Ces dernières années, on a eu des ouvrages passionnants sur des sujets pas très funs, il est vrai. En vrac : les génocides en Afrique, le changement de sexe, les enfants élevés dans les pouponnières de l’Allemagne nazie… et j’en passe.

Il suffit de regarder la liste des best-sellers en France pour se rendre compte qu’on est assez loin des centres d’intérêt du lectorat français. Pourtant, dans la liste des sujets que j’ai cité, il n’y a eu que des coups de coeur en ce qui me concerne. J’ai été très émue la tendresse avec laquelle Gaël Faye a évoqué son enfance en Afrique dans Petit Pays. J’ai adoré la pudeur du roman de Julien Dufresne-Lamy : Mon père, ma mère, mes tremblements de terre. J’ai été surprise et très intéressée de découvrir l’histoire des bébés nazis dans La Race des orphelins, d’Oscar Lalo. Et globalement, chaque année je fais de belles découvertes pendant la rentrée littéraire. Tout simplement parce que les sujets sont tellement variés que je suis certaine de tomber sur un livre qui me plaira.

Se remonter le moral avec la rentrée littéraire : mission impossible ?

Il arrive même qu’il y ait vraiment des livres drôles ! Chaque année par exemple, on retrouve avec fidélité le nouveau livre d’Amélie Nothomb. Peut-être que vous n’avez jamais rien lu d’elle. Alors vous ignorez à quel point son humour acide irrigue ses livres. Si Amélie Nothomb a su se tailler une telle place dans la littérature française contemporaine, c’est au départ parce que les gens aiment ses livres. Les lecteurs sont généralement accro à cet humour décalé, presque à l’anglaise, avec lequel elle jette un regard parfois féroce sur ses personnages. Des personnages qui sont souvent assez déjantés eux-mêmes !

Et il n’y a pas qu’Amélie Nothomb dans la vie. Certains romans de la rentrée littéraire pourraient presque tomber dans la catégorie du roman feel-good. C’est le cas cette année du roman de Bertrand Ploquin, A la recherche d’Amalia D. Un livre qui raconte la folle épopée d’une bande de garçons adolescents, bien décidés à entrer en contact avec une star du cinéma pour faire plaisir à un des leurs. C’est le cas aussi du génial roman de Vea Kaiser, Blasmusikpop, paru il y a quelques années, et dont l’histoire d’un petit village autrichien des Alpes était pour le moins bourrée d’humour et de tendresse.

Un petit pas pour les lecteurs, un grand pas pour la rentrée littéraire

Alors que faut-il pour aider chacun à changer de regard sur la rentrée littéraire ? Comment faire pour vraiment faire découvrir des livres susceptibles de plaire au plus grand nombre ?

Je pense que la réponse n’est pas évidente, mais il y a deux pistes de réflexion. D’abord, ce serait bien que les médias traditionnels fassent l’effort de parler aussi des petites pépites. Et qu’ils présentent des sélections « grand public », avec un discours visant à démontrer que ces livres s’adressent à tous. Ils ne sont pas réservés à une poigné de personnages, tous membres des jurys des différents prix littéraires !

Ensuite, je crois aussi que c’est au lectorat français de faire un petit effort. Le mieux pour dépasser ses préjugés, c’est de faire l’épreuve de la réalité. C’est de tenter sa chance en lisant pour de bon un livre de la rentrée littéraire. Parce qu’à mon sens, le meilleur moyen d’encourager la découverte, c’est encore de démontrer à quel point elle peut être plaisante. Riche de sens et d’émotions. Et combien elle peut ouvrir la porte sur de nombreuses autres possibilités de lectures.

C’est le chemin qui a été le mien. Longtemps, j’ai pensé que les livres de la rentrée littéraire n’étaient pas pour moi. Qu’ils ne me parleraient pas. Qu’ils seraient trop ennuyeux. Pas assez proches de mes goûts. Mais avais-je vraiment une mauvaise opinion sur eux ? Ou bien avais-je trop peu confiance en moi en tant que lectrice ? Peut-être un peu des deux, en fon de comptes. Je pense que j’ai longtemps considéré que la rentrée littéraire existait pour une élite de la littérature, et que j’en étais exclue.

Mais ce n’est pas vrai. Et ça ne doit pas être vrai. La littérature française ne doit pas reposer sur l’exclusion. Elle ne peut pas se fonder sur un amoindrissement de notre patrimoine littéraire. Elle doit au contraire assurer sa transmission aux nouvelles générations en s’assurant que chacun puisse trouver sa place.

Et ça commence par trouver le bon livre.

Vous en pensez quoi ? Quelle est votre relation avec les livres de la rentrée littéraire ?

9 réflexions sur “Les livres de la rentrée littéraire sont-ils ennuyeux ?

    • Alivreouvert dit :

      C’est aussi ce que je ressens, cette possibilité de découvrir de nouvelles choses. Et d’ailleurs, est-ce qu’il y a un livre en particulier que tu as découvert grâce à la rentrée littéraire et que tu n’aurais pas lu sinon ? Moi par exemple, je sais que je n’aurai certainement pas lu La Race des orphelins spontanément. Et je serais passée à côté d’un très bon livre.

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  1. aufildespages.be dit :

    J’ai appris, depuis nombre d’années maintenant, à ne me baser que sur mes envies et mes préférences pour choisir mes lectures, et non sur les articles de presse qui, malheureusement, abordent trop souvent cette rentrée que par l’aspect Prix Goncourt, biographies, et sujets d’actualités.
    Personnellement, j’attends cette période avec impatience chaque année, espérant y trouver une multitude de titres intéressants, ce qui est chaque année le cas. Et comme tu dis, il y en a toujours pour tous les goûts!

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    • Alivreouvert dit :

      Tu as raison de le souligner : les livres sélectionnés dans la presse sont souvent orientés « prix littéraires ». Du coup, certains ouvrages restent mis de côté alors qu’ils ont de bons arguments pour séduire les lecteurs. Heureusement, il y a beaucoup de choix donc a priori on peut toujours trouver quelque chose qui va nous intéresser !

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  2. L'ourse bibliophile dit :

    Comme je te le disais après ton autre article sur la rentrée littéraire, je ne les suis pas, par contre, c’est plus la rentrée littéraire en temps que moment qui ne m’intéresse pas (parce que je ne suis pas l’actualité de très près dans quelque domaine que ce soit, parce que je n’ai aucune ambition/capacité de lire des dizaines de livres en un mois, parce que j’ai toujours un train de retard…), ce n’est pas lié aux livres en question. Dans ma wish-list, il y a très probablement des livres de la rentrée littéraire 2020 ou 2016 ou 2012, mais ce n’est pas du tout important. Après, comme pour des livres parus en mars ou en juin, il y en aura qui ne m’attireront probablement jamais parce qu’on a tous des envies et des goûts différents, mais le fait qui le soient publiés lors d’une rentrée littéraire n’est absolument pas un critère (et je ne vois pas pourquoi ça en serait rien).

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    • Alivreouvert dit :

      C’est super parce que du coup tu découvres les livres sans te laisser influencer par leur contexte de parution ! Mais pour en avoir longuement discuté avec plusieurs lectrices (et quelques lecteurs) autour de moi, j’ai entendu beaucoup de personnes me dire qu’elles avaient des a priori envers les livres de la rentrée littéraire justement à cause de l’étiquette un peu trop « intello » de la rentrée. Alors que je ne pense pas que les auteurs se disent « tiens, je vais écrire un livre pour la rentrée littéraire ». C’est comme un frein mental. Et c’est peut-être lié au fait qu’on ne parle pas assez de littérature le reste du temps ? Mystère.

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      • L'ourse bibliophile dit :

        De l’avantage d’être toujours en retard ! ^^
        C’est vrai que le contexte de la rentrée, avec tous les prix littéraires, peut donner un effet « élite », ce qui n’est peut-être pas totalement faux, mais auquel il peut être dommage de s’arrêter.

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      • Alivreouvert dit :

        Moi-même maintenant je préfère lire les livres de la rentrée littéraire en décalage. J’apprécie d’oublier les commentaires que j’ai entendu. Et ça me permet d’entrer dans l’histoire sans a priori. ça m’a juste pris quasi 25 ans pour en arriver à ce niveau de zénitude littéraire !!

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      • L'ourse bibliophile dit :

        Oui, je pense que certaines lectures ont pu, par le passé, pâtir d’un excès de critiques élogieuses. Je pense à Songe à la douceur de Clémentine Beauvais qui était encensé partout et que j’avais lu dans la vague pour un résultat mitigé. Du coup, j’aimerais le relire en étant plus détachée de ce qui se disait alors.

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