Mon père, ma mère, mes tremblements de terre, le nouveau roman de Julien Dufresne-Lamy fait partie des ouvrages que les éditions Belfond ont présenté pour leur rentrée littéraire 2020. Et dès la présentation, j’ai été très curieuse de ce livre. Il parle de la famille, de la transidentité. Des sujets de société qui touchent au quotidien, mais dont on parle finalement assez peu. Et surtout, la littérature aborde encore assez peu ces deux questions mêlées. J’avais un peu peur de tomber sur un livre qui verse dans le sensationnalisme, dans le voyeurisme ou dans le sordide. Rien de tout ça. Ce roman est l’un des plus beaux livres que vous lirez cette année. J’étais émue aux larmes en le lisant. Ce n’est pas un coup de cœur : c’est un coup de foudre !
Charlie et sa mère sont dans une salle d’attente à l’hôpital. Ils attendent que le père de Charlie sorte du bloc. Quand il sortira, Aurélien sera définitivement devenu Alice. En fait, Alice était là depuis longtemps déjà, tapie dans l’ombre. Son existence, impalpable, était comme une condamnation au silence pour le père de Charlie. Mais après avoir décidé d’avouer cette identité clandestine à sa femme et à son fils, il décide d’entreprendre sa transition. Un parcours de renaissance qui ébranle la petite famille et pose des tas de questions : papa sera-t-il toujours papa ? que restera-t-il de la famille, des relations entre les être ? qui est Alice, cette inconnue qui a toujours vécu avec eux, sans qu’ils en aient vraiment conscience ? et comment faire face aux regards, aux interrogations, aux haines des autres ? Assis dans la salle d’attente, Charlie se remémore ce parcours, ces deux années de séismes émotionnels.
Avant de parler de la transidentité et des questions de société soulevées par ce livre, j’aimerais d’abord dire quelque chose d’essentiel sur ce roman. C’est une histoire de famille et d’amour. Ce sont vraiment les deux sujets qui sont au cœur de l’histoire de Julien Dufresne-Lamy. Non pas que l’histoire de la transition soit anecdotique. Mais quand on retire cet élément que certains pourraient juger choquant, ce qui reste c’est une famille qui s’aime. Et je pense que c’est aussi ça le tour de force de ce roman.
Je pense que je suis comme beaucoup de lecteurs : pas très bien informée sur la transidentité. Je sais que c’est un phénomène qui existe, que certaines personnes naissent avec une appartenance au genre qui est floue. Et surtout je sais que nous vivons encore dans une société qui a du mal à se montrer tolérante avec les phénomènes qu’elle ne comprend pas. Dès qu’on touche au sexe, au genre, à l’identité intime des personnes, on a l’impression qu’on attaque la morale publique. Pourtant il ne s’agit absolument pas de choquer les bonnes gens ou de présenter une vision subversive de la famille.
Mon père, ma mère et mes tremblements de terre évoque très simplement l’histoire d’une famille dont l’un des membres veut trouver sa juste place dans le monde. Avec beaucoup de courage, il décide d’entreprendre une transition pour devenir enfin la femme qu’il a toujours été au fond de lui. A ce titre, le roman évoque très bien le parcours médical et légal, tout ce que ça implique d’exposer ainsi son intimité dans un monde peu tolérant et mal informé. On apprend beaucoup de choses, et cet aspect est très intéressant.
Evidemment, la transition ne se fait pas sans heurt. Pour l’épouse et le fils (le jeune Charlie qui raconte l’histoire), c’est un choc qui soulève beaucoup de questions, voire d’inquiétudes. Et le propos du roman, c’est justement de répondre autant que possible à ces questions et à ces inquiétudes. En gros, Julien Dufresne-Lamy dit : on peut changer la manière dont on perçoit la famille, mais pas l’amour qui unit ses membres. L’amour est un sentiment véritable, qui transcende tout question d’appartenance aux genres. Parce que ce n’est pas ça l’élément fondateur d’une famille. En revanche, c’est vrai qu’il y a une différence entre aimer quelqu’un et aimer cette personne comme elle a besoin d’être aimée.
Les personnages du roman ne sont pas parfaits. Il cheminent de façon chaotique, dans un cadre social qui leur pose plus de problèmes qu’il ne leur apporte de soutiens. Mais ils sont courageux. Surtout le personnage d’Alice évidemment. Un personnage lumineux, qui laisse entrevoir à quoi ressemblerait une société dans laquelle chacun se sentirait libre et oserait enfin s’affirmer. Charlie et sa mère ne sont pas non plus dépourvus de courage. Il en faut pour aimer envers et contre tout. Ce n’est peut-être pas la famille idéale que veulent nous vendre les publicitaires, mais c’est une famille qui s’aime. Et ça, c’est le point essentiel de cette histoire.
Julien Dufresne-Lamy signe un roman bouleversant, qui jette un éclairage bienvenu et pertinent sur un phénomène encore mal connu et souvent mal traité. Il donne à voir une intimité authentique, un chemin de vie qui force le respect et l’admiration. L’histoire d’Alice et de sa famille nous invite à réfléchir sur la notion de famille, sur notre rapport à l’identité, sur la société dans laquelle nous vivons, prompte à parler de morale quand on évoque des sujets liés au sexe, mais qui refuse de constater qu’un monde hétéro-normé exclut avec une violence haineuse le moindre individu différent.
En tant que lectrice femme, je me pose aussi cette question : qu’est-ce qui fait vraiment l’identité d’une femme ? La société me donne une liste longue comme le bras d’injonctions contradictoires. Mais finalement, est-ce que être une femme ce n’est pas simplement se revendiquer comme tel, au-delà de tout jugement, de tout idéal, de tout contrainte ? Comme je le disais plus haut, ce livre fait réfléchir. Et c’est bien. Nous avons de plus de livres qui nous sortent de notre zone de confort, qui nous interpellent, qui nous poussent à redéfinir notre rapport au monde.
Je ne sais pas si j’ai bien parlé de ce livre. Mais j’espère du fond du cœur vous avoir donné envie de le découvrir.
Un des gros coup de coeur de cette rentrée !
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Oh que oui !!
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Vous en avez magnifiquement parlé. Merci je le lirai certainement
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Très bonne lecture alors ! C’est un livre superbe, j’espère qu’il vous plaira.
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