Edmond : la nouvelle pièce d’Alexis Michalik

edmond-palais-royalPour les habitués du théâtre parisien, le nom d’Alexis Michalik n’est pas franchement inconnu. On peut même dire que c’est un peu l’enfant chéri de la jeune scène parisienne, l’auteur qui dépoussière la comédie tout en apportant une énergie jubilatoire et une touche de poésie bien trouvées. Le CV du monsieur est d’ailleurs déjà impressionnant : Le Porteur d’histoire rendait un superbe hommage à Alexandre Dumas, et Le Cercle des illusionnistes nous emportait dans le tourbillon de la magie et de l’invention du cinéma. Deux pièces qui se jouent encore et dont le succès ne se dément pas. J’ai eu la chance de voir ces deux pièces, et c’est donc ce qui m’a tout de suite donné envie de voir la petite dernière sobrement baptisée Edmond. La pièce se joue depuis le 15 septembre au théâtre du Palais Royal, et j’ai eu la chance de la voir dimanche dernier. J’ai aussi eu la grande chance d’en recevoir le texte qui est édité chez Albin Michel. Dans les deux cas, il faut bien le dire, le talent d’Alexis Michalik a opéré !

Edmond, c’est Edmond Rostand. Jeune dramaturge connu dans les théâtres parisiens pour ses fours, le malheureux auteur a bien du mal à percer dans la profession. Malgré le soutien de la grandissime Sarah Bernhardt, la dernière pièce en date est un échec cuisant qui n’arrange pas les finances de Rostand. Heureusement, une nouvelle opportunité se présente quand Coquelin, grand comédien et directeur de théâtre, commande une nouvelle pièce à Edmond. Mais il n’a que quelques semaines pour l’écrire, et ça doit être une comédie. Malheureusement, ce n’est pas franchement le genre d’Edmond. En pleine crise d’inspiration, le dramaturge ne pense pas un seul instant réussir. C’est sans compter son meilleur ami, le comédien charmeur Léo, qui tombe amoureux d’une habilleuse et fait appel aux talents d’écrivain romantique d’Edmond pour séduire la belle. Edmond aperçoit alors une idée pour sa pièce : l’histoire d’un homme intelligent mais laid, amoureux en secret d’une femme mais aidant un autre à la séduire… Cet homme serait affublé d’un énorme nez qui le défigure… et il s’appellerait Cyrano de Bergerac !

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Lorsque j’avais vu Le Cercle des illusionnistes, mon frère était là. Et en sortant, quand je lui ai demandé s’il avait aimé la pièce, il m’avait répondu cette phrase qui m’est restée : « C’était génial, mais au bout de quinze minutes j’avais complètement oublié comment on en était arrivé là ! » La formule est très juste avec les pièces d’Alexis Michalik tant il est vrai que c’est rythmé et que rien n’est jamais aussi simple qu’on le croit. L’auteur commence sa pièce en nous parlant de quelque chose, et on découvre après coup que le vrai sujet n’est pas celui qu’on croyait.

Dans cette pièce, on pourrait croire que le sujet est le montage d’une pièce qui s’annonce comme une catastrophe. En fait, Alexis Michalik nous parle d’inspiration, du rapport entre la vie et l’art, comment l’écriture vient créer un lien entre les deux pour donner sens aux détails les plus anodins du quotidien. Un bien beau sujet sur lequel vient s’ajouter un hommage à l’une des plus célèbres pièces de théâtre de l’histoire française. Car si on connait bien Cyrano, Edmond Rostand au contraire est effectivement la plume dans l’ombre du grand personnage, celui qu’on ne voit pas, sur lequel on ne sait pas grand chose. Du coup, quelle formidable opportunité pour la fiction !

J’ai adoré l’histoire construite par Michalik qui s’amuse à jongler entre des faits historiques avérés (le contexte d’écriture de Cyrano, le fait que personne ne croyait au projet, le soutien inébranlable de la grande Sarah Bernhardt, les problèmes d’Edmond Rostand…) et des ajouts hautement fantaisistes qui font mouche (notamment les producteurs corses/mafieux qui possèdent aussi des maisons closes parisiennes !).

L’ensemble est toujours en mouvement : ça virevolte dans tous les sens et il n’y a jamais de temps mort. Sur scène, la troupe de comédiens fait mouche grâce à une énergie intarissable qui emporte les spectateurs dans son sillage. Dans le texte, on retrouve cette même énergie palpable grâce à l’enchaînement des répliques et à l’omniprésence de l’humour. Les bons mots fusent dans tous les sens pour notre plus grand plaisir. Mon préféré est d’ailleurs :

« – Mais vous êtes fou !

– Bien sûr : je suis auteur ! »

Cette pièce est une merveille d’humour, d’intelligence et de tendresse. Alexis Michalik soigne son sujet et nous brosse un portrait très attachant d’Edmond Rostand, auteur trop discret qui gagne pourtant à revenir un peu sur le devant de la scène. D’auteur à auteur, on sent que Michalik regarde Rostand avec amitié, projetant peut-être quelque chose de son expérience personnelle de dramaturge dans cette histoire. Mais surtout, il fait la démonstration que le succès de ses deux premières pièces n’étaient pas des hasards. Edmond confirme toutes ses qualités, démontrant qu’on peut faire un théâtre moderne, émouvant et intelligent sans pour autant renier la dimension de spectacle ou l’humour.

Si vous avez l’occasion d’aller voir Edmond sur scène, je vous y engage très fortement car c’est encore le meilleur moyen de se rendre compte de l’ingéniosité narrative d’Alexis Michalik. La salle du théâtre du Palais Royal est de plus magnifique, donc ça vaut vraiment le déplacement. Et sinon, vous pouvez au moins découvrir la pièce dans le texte grâce à l’édition d’Albin Michel dont la couverture reprend l’affiche de la pièce. On y retrouve toute la verve, tout l’humour et toute la vivacité du style de Michalik. Bref, à ne pas rater !

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