Autopsie est le premier roman policier écrit par Kerri Maniscalco. Mais depuis, la romancière américaine en a écrit bien d’autres. D’abord, les trois autres tomes de cette série policière victorienne. Et aussi deux autres livres d’une série policière encore inédite en France. Catalogué un peu rapidement dans le genre Young Adult, Autopsie n’a pourtant rien d’un livre sympa pour amuser la galerie (un cliché hélas encore très présent quand on évoque ce genre pourtant très riche). Au contraire, c’est un roman dense, sérieux, emprunt d’une certaine gravité même s’il s’affirme aussi comme un divertissement de la meilleure trempe. Avec Autopsie, Kerri Maniscalco signe une enquête policière d’une grande qualité. Le genre de livre qui vous tient éveillé jusqu’à 2 heures du matin parce que vous voulez absolument savoir comment ça finit. Et cette vision n’a rien d’hypothétique : c’est ce qui m’est arrivé !
Audrey Rose Wadsworth a beau être la fille d’un lord riche et puissant, sa vie ne ressemble en rien à celle des jeunes filles de bonne famille de son âge. A dix-huit ans, alors que l’injonction sociale la pousse à se trouver un mari respectable, la jeune femme poursuit, dans le secret, ses études de médecine légale auprès de son oncle. Déguisée en garçon, elle participe aux cours et dissèque elle-même des cadavres pour aider à résoudre les morts énigmatiques. Même si le sang ne lui fait pas peur, elle est saisie d’effroi quand une série de meurtres commis à WhiteChapel commence à semer la panique dans les rues de Londres. Un tueur en série menace les femmes… et Audrey Rose découvre vite des liens étranges entre sa propre famille et chacune des femmes assassinées. Une coïncidence qui attise aussi la curiosité de Thomas Cresswell, un autre étudiant de médecine légale dont l’intelligence hors paire n’a d’égale que son manque totale de convenance sociale. Mais qui se soucie des convenances quand l’urgence est d’arrêter un dangereux criminel ? Surtout si ledit criminel vit dans la même maison que vous…
C’est avec Autopsie que j’ai entendu parler pour la première fois de Kerri Maniscalco, une romancière qui a été saluée pour sa façon de revisiter les codes du roman policier. Grâce à l’enthousiasme des lecteurs sur Instagram, j’ai rapidement découvert que le succès de ce premier livre avait donné lieu à toute une série de romans policiers, chacun évoquant une figure historique en rapport avec les grands crimes du XIXe siècle.
Si vous pensez que les romans Young Adult sont réservés à des ados, je vous arrête tout de suite. Ce livre s’adresse clairement à un public adulte. Certes l’héroïne n’a que dix-huit ans, mais il s’agit d’un roman porté par une sacrée ambition : revisiter l’une des histoires criminelles les plus énigmatiques et les plus sanguinolentes. Une ambition couronnée de succès car le roman propose en effet un dénouement original, pertinent et tout à fait inattendu.
Ce livre mêle beaucoup de choses. D’abord Kerri Maniscalco a fait l’effort de beaucoup se documenter sur Jack l’éventreur et ses victimes. On embarque donc pour une histoire dans laquelle tous les faits sont réels, ce qui rend toute l’intrigue encore plus crédible et palpitante. Ce réalisme sert de point de départ. Par effet de ricoché, l’auteure aborde aussi la question des femmes de cette époque qui tentent de faire carrière, de mener des études… sans compter celles qui, à l’autre bout de l’échelle sociale, sont réduites aux pires extrémités pour survivre. L’hypocrisie morale d’une société pourtant corrompue à tous les niveaux, la servitude dans laquelle on veut maintenir les femmes, la lutte entre l’obscurantisme et les découvertes scientifiques… Tous ces éléments apportent de la densité et de l’intérêt à cette histoire. Et ç cet égard, Kerri Maniscalco nous plonge vraiment au cœur de l’époque victorienne. C’est une réussite.
Là où j’ai été un peu déçue au fil de ma lecture, c’est qu’Audrey Rose est en fait un personnage secondaire de l’histoire. Ce n’est pas vraiment elle qui mène la danse. Elle est la narratrice et sert de clé d’entrée, mais elle fait peu avancer l’intrigue. C’est Thomas Cresswell qui fait figure de grand détective dans le livre. Je ne sais pas si c’est un hommage aux classiques policiers. Peut-être. Car ça me rappelle fortement le docteur Watson par rapport à Sherlock Holmes, ou même Hastings par rapport à Hercule Poirot. Cet élément peut vous déstabiliser, mais il n’entame en rien la qualité de l’histoire.
Autre chose : à la résolution du mystère, tout n’est pas expliqué. L’auteure ne nous lance pas dans un grand monologue explicatif du coupable pour revenir sur tous les crimes commis. Cette ellipse peut surprendre, mais c’est paradoxalement quelque chose que j’ai apprécié. Je pense que les auteurs de roman policier ne sont pas dans l’obligation de prendre le lecteur par la main pour tout expliquer, comme avec un enfant. Une fois le coupable découvert, chacun peut trouver les réponses aux autres questions en suspend.
Grâce à ces partis pris narratifs, Autopsie trouve un équilibre parfait entre hommage aux classiques et originalité. J’ai beaucoup aimé l’explication que Kerri Maniscalco donne aux crimes de l’éventreur. Certes, il y a des scènes avec des cadavres, mais elle ne donne jamais dans le voyeurisme ou le gore. Ce n’est pas un livre qui fait peur… même s’il peut faire un peu frissonner. Sa lecture est hautement addictive. Je l’ai commencé un après-midi et je l’ai terminé à 2 heures du matin. Je ne pouvais pas le lâcher. Il fallait que je découvre la clé de l’énigme.
J’ai très hâte de lire les trois autres tomes de cette série. Le deuxième opus devrait paraître bientôt en France. Je ne pense pas que j’aurais la patience. Il ne me reste plus qu’à mettre la main sur des exemplaires en VO !
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