Panorama de la littérature anglaise, deuxième partie

livre-theLa première partie de ce panorama littéraire vous a plût ? Vous en voulez encore ? Découvrez aujourd’hui la suite de la liste avec cinq livres coups de cœur dont vous avez forcément entendu parler. Aujourd’hui je vous parle d’espions, d’humour, de filles au bord de la crise de nerfs, d’un peu de magie… et par-dessus tout de l’amour que les anglais vouent aux livres. Embarquement immédiat pour le ferryboat littéraire.

Casino Royale, de Ian Flemming

Même si j’ai toujours aimé les films de James Bond, ce n’est que récemment que j’ai enfin ouvert pour la première fois l’un des romans dont s’est échappé l’espion le plus célèbre au monde. Casino Royale est le premier roman écrit par Ian Flemming, et c’est donc la première apparition de Bond. Le livre transpire littéralement les années 1950, mettant en scène un monde qui n’a plus grand-chose à voir avec le nôtre, à cheval entre les traditions et le début de la modernité. On y respire la fumée des cigarettes, mêlées aux vapeurs d’alcool dans les bars… On y croise des espions, des voyous, des personnages troubles… Et toujours, un danger est présent, qui menace autant l’ordre établi des choses que la vie même du personnage principal.

James Bond est un homme énigmatique, dont on ne sait quasiment rien dans ce premier tome. Il est dur, peu sensible aux autres, tout entier guidé par son métier. Avec lui, le lecteur se retrouve à pénétrer dans un univers inconnu : celui de l’espionnage. Pas de gadgets dans ce livre ; le glamour est très peu présent. L’action ne coule pas sur plusieurs plans séquence, mais apparaît tout d’un coup, presque de manière discrète. Et tout est abrupt, réaliste, vrai. Ian Flemming a ouvert la voie au réalisme dans ce genre de livres, et il est ainsi devenu le parrain d’un nouveau genre littéraire, cousin du roman policier : le roman d’espionnage. D’autres grands noms ont suivi, mais c’est bien à Flemming qu’ils doivent tout. James Bond est le début d’une nouvelle ligne généalogique dans la littérature mondiale, et avec elle, c’est aussi le cinéma qui a vu ses codes bouger et se moderniser. Un livre qui a fait date donc.

Ces Extravagantes Sœurs Mitford, Annick Le Floc’hmoan

Il y a quelques sujets littéraires sur lesquels je ne suis même plus lucide tellement mon amour me rend aveugle. Les soeurs Mitford sont de ceux-là ! Chaînon manquant entre la reine Victoria et les Rolling Stones, ces femmes pas comme les autres méritent de figurer en bonne place des femmes les plus folles et les plus originales que la littérature mondiale a vu passer. Au départ, rien ne prédestinait ces six filles de lord anglais à mener une vie sur le devant de la scène, mais un penchant familial pour la vie loin des sentiers battus et l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale vont changer la donne.

C’est la soeur aînée Nancy qui ouvre la voie en devenant auteure. Ses ouvrages de fiction sont tellement emprunts de sa propre vie et de celle de ses proches que le public anglais va d’abord découvrir la folie de la famille Mitford sous la plume de Nancy (mon préféré Charivari). Mais par la suite, c’est Jessica qui va prendre le relais. Grande militante pour les droits de l’homme aux Etats-Unis (son pays d’adoption), elle va davantage verser dans les livres traitants de sujets sociaux de son temps. Puis enfin, c’est Deborah qui prendra la plume pour raconter sa vie de châtelaine anglaise (mon coup de coeur Les Humeurs d’une châtelaine anglaise). Les soeurs Mitford sont drôles, et même celles qui n’ont pas écrit (ou très peu) sont intéressantes à cause de leur rôle dans l’histoire moderne.

J’avais eu la chance de lire une excellente biographie sur elles rédigée par Annick Le Floc’hmoan (Ces Extravagantes Soeurs Mirford), et c’est vraiment le livre que je conseille à tout lecteur pour découvrir cette autre fratrie littéraire anglaise. Les soeurs Mitford n’aimaient pas les conventions ; elles avaient un sens de l’humour acéré ; leurs livres traduisent cette liberté de parole. Spirituels et pertinents, leurs livres donnent à voir les changements de la haute société anglaise du XXe siècle. Dans un monde où la modernité fait sa loi et où les traditions n’ont plus de raison d’être, quelle norme la société peut-elle édicter ? Dans quel cadre social faire vivre les individus ensemble ? Des questions de fond traitées avec humour, presque comme si ce n’était pas grand chose. Il y a dans la fraîcheur de ces textes une bonne humeur qui me rend heureuse.

Bridget Jones, de Helen Fielding

Transition toute trouvée avec les soeurs Mitford et l’amorce du girl power au milieu des années 1980, Helen Fielding est LA femme qui a donné ses lettres de noblesse à la chick lit. Auteure incontournable de Bridget Jones, elle a carrément inventé un genre… tout en piochant allègrement dans le répertoire classique ! Un coup de génie qui a fait de son roman un grand classique presque dès sa sortie.

Tout le monde a parlé de Bridget Jones car ce roman est en fait plus ou moins un pastiche du plus célèbre roman de Jane Austen : Orgueil et Préjugés. Dans ce roman comme dans son aîné, il est question d’une jeune femme qui est en âge de se marier, mais qui n’arrive pas à trouver quelqu’un qui lui convienne, qui fait des erreurs de jugement… mais qui s’en sort tout de même à la fin. En court de route, on croise des personnages secondaires attachants, un sale type et bien sûr monsieur Darcy… personnage tellement parfait tel qu’il est que Helen Fielding a pris le parti de garder son nom tel quel pour le remettre dans son roman.

Bridget Jones est un roman absolument génial, qui adapte une intrigue tout en changeant les personnages et la structure narrative. Il se présente sous la forme d’un journal intime où Bridget consigne tous les événements marquants de sa vie, sa consommation quotidienne de cigarettes (elle essaye d’arrêter de fumer), d’alcool (elle essaye d’arrêter de boire) et son poids (elle essaye de maigrir)… Ce n’est pas une femme parfaite, il lui arrive de se tromper, d’avoir peur, et c’est pour ça qu’elle est devenue l’héroïne de toute une génération de lectrices. Je parlais plus haut de réalisme avec James Bond : Helen Fielding a réussi le tour de force d’écrire vrai sur les femmes de sa génération. Une recette qui lui a amené le succès et qui a été une source d’inspiration pour de nombreux auteurs de chick lit depuis lors.

Harry Potter, de J.K. Rowling

Impossible de parler de littérature anglaise sans aborder la littérature pour enfants. Les anglais sont beaucoup moins snobs que les français lorsqu’il s’agit des genres littéraires : la grande littérature ne regarde pas de haut la littérature de divertissement ; le théâtre n’est pas un genre ringard ; la poésie est une belle chose qui mérite le respect ; et les livres pour enfant font partie du cheminement du lecteur. On ne commence pas tout de suite par lire Shakespeare à six ans ! Et c’est en soignant dès le plus jeune âge le goût de la lecture que l’on garantira l’amour des livres chez les adultes. Là où les français sont longtemps restés convaincus que la Comtesse de Ségur était une excellente lecture pour les enfants, les anglais ont admis depuis longtemps que pour rivaliser avec la télévision et les jeux vidéos, il fallait proposer quelque chose de stimulant et de palpitant aux enfants. Mieux, ils ont compris avant nous cette vérité essentielle : les enfants n’aiment pas être pris par la facilité, ils veulent de la qualité !

C’est donc avec une profonde surprise que les français ont découvert le phénomène Harry Potter. Mais quelle est donc cette histoire qui poussent tant d’enfants à lire de leur plein gré ? Je repense aux longues files d’enfants au journal de 20 heures, qui faisaient la queue à minuit sur les Champs Elysées juste pour acheter un livre. Je repense à ces nombreux jeunes lecteurs qui se sont mis à dévorer des pavés de six-cents pages en anglais juste parce qu’ils voulaient absolument savoir qui allait se passer dans l’histoire et qu’ils ne pouvaient pas attendre la publication de la traduction. Nous parlons de magie ? Avec ces sept livres, elle a opéré !

Harry Potter est un phénomène extrême, mais il s’inscrit tout de même dans une vraie tradition littéraire anglaise. Les romans de Stevenson ou de Dickens s’adressent autant aux enfants qu’aux adultes (enfin, pas tous), et c’est justement ce caractère trans-générationnel qui a assuré leur succès au travers des âges. Le secret de Harry Potter, c’est que J.K. Rowling a eu l’excellente idée d’adapter le niveau de ses livres au fur et à mesure des tomes. Le premier livre s’adresse à des enfants d’environ onze ans. Il n’est pas trop long, écrit simplement, sans trop de détails et de personnages… Mais au fil des livres, l’intrigue devient beaucoup plus complexe, la symbolique s’étoffe, la liste des personnages aussi… et surtout le style narratif devient de plus en plus « adulte ». En fin de parcours, le septième livre est tenu par un lecteur confirmé, entré dans l’âge adolescent avec l’amour de la lecture chevillé au corps. Une réussite qui peut légitimement suscité l’envie des auteurs français. La bonne chose à retenir de ce phénomène, c’est qu’il a fait réfléchir les auteurs et les éditeurs français, désormais beaucoup moins frileux à s’aventurer sur le terrain de la littérature pour enfants et à proposer des catalogues intéressants et ambitieux.

L’Affaire Jane Eyre, de Jasper Fforde

Pour boucler enfin cette visite guidée à travers la littérature anglaise, j’ai choisi de faire un détour par le Pays de Galles, où vit un auteur britannique que j’aime d’une passion débordante : Jasper Fforde. Il est pour moi le parfait exemple de la vitalité de la littérature anglaise, avec un pied dans les classiques et un autre pied dans la modernité. Toujours, ses livres font preuve de beaucoup d’originalité, foisonnent de créativité, et rendent hommage aux grands auteurs qui ont fait la réputation des Lettres Anglaises.

L’exemple auquel je pense en premier (et donc le livre à lire absolument), c’est L’Affaire Jane Eyre. Cet excellent roman met en scène l’héroïne Thursday Next dans une réalité alternative : la société tourne autour des livres, les criminels ont des pouvoirs surréalistes, il existe une police des livres, et d’ailleurs les personnages des livres n’hésitent pas à sortir parfois de leurs pages pour aller faire un petit tour dans la réalité. Un sacré chaos qui promet des heures de lecture palpitantes !

Ce livre est le premier de la saga Thursday Next, dans laquelle Jasper Fforde déploie toute l’ampleur de son talent, de son inspiration et de son amour pour la littérature. Car ses livres sont des lettres d’amour à la littérature, et c’est pourquoi c’est un bonheur de les lire. Il propose des histoires débridées, à cheval sur plusieurs genres littéraires, et portés par une énergie narrative qui frôle souvent le brio. Par exemple, inclure les notes de bas de page dans la narration est une chose absolument brillante que je n’avais jamais vue dans aucun livre. L’Affaire Jane Eyre est donc un merveilleux roman qui prouve la richesse et la diversité de la littérature anglaise. On n’y trouve aucune limite, aucun sectarisme… des qualités que n’importe quel lecteur peut apprécier.

Dix livres, c’est court pour traiter d’un sujet aussi vaste ! Mais j’espère que cette petite liste personnelle vous aura donné l’envie de découvrir de nouveaux livres. C’est l’occasion rêvée de faire connaissance avec de nouveaux auteurs et de faire un peu de tourisme littéraire.

Très bonne lecture à tous !

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