Panorama des littératures de l’imaginaire

imaginaireBonjour à tous et bienvenu pour ce nouvel article consacré à la découverte des littératures de l’imaginaire ! Pour ce mois d’octobre, j’ai voulu vous faire voyager vers des contrées inconnues où l’aventure règne en maître et où le sens de l’imagination sert de boussole. Les littératures de l’imaginaire appartiennent au divertissement, c’est la raison pour laquelle elles ont longtemps été déconsidérées en France. Pourtant, les auteurs français ont souvent brillé dans ces genres, et ils ont même contribué à en forger quelques uns. En effet, comment oublier Jules Verne ou Pierre Boulle (auteur de ce petit livre intitulé La Planète des singes) ? Du coup, je vous propose aujourd’hui de faire un petit tour du propriétaire pour mieux vous familiariser avec les différents genres, et qui sait vous donner envie de lire certains de ces classiques ! 

Le Merveilleux

Un brin d’histoire : Impossible de dater précisément le Merveilleux, mais ce qui est sûr, c’est que c’est le genre le plus ancien. La preuve : il date d’avant l’invention de l’imprimerie ! Issue tout droit de la tradition orale, les récits merveilleux ont traversé le temps sans prendre de ride. On les appelle des contes de fées, mais en vérité plusieurs sous-genres peuvent tomber sous cette catégorie : les récits et légendes, les fables, les épopées, les mythes aussi. La particularité de ce genre littéraire, c’est qu’on est d’emblée dans un univers imaginaire où la magie, la féerie et le surnaturel existent. On attend du lecteur qu’il l’accepte volontiers et se laisse prendre par l’histoire. Pour cela, une formule magique : Il était une fois. Le genre continue d’exister à toutes les époques, mais sous des formes différentes. Si ce genre est aujourd’hui très lié à la littérature jeunesse, il était destiné à un public exclusivement adulte au Moyen-Âge par exemple. Avec la saga Harry Potter (qui est selon moi à cheval entre la Fantasy et le Merveilleux), J.K. Rowling a contribué à remettre en avant cet accent plus adulte du genre.

A lire : Les Contes de Perrault, Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, Les Mille et une nuits.

Le Roman Gothique

Un brin d’histoire : Ironiquement, le Roman Gothique connut à son époque (XVIIe-XVIIIe siècle) un succès éclair qui ne dura pas, fut très vite remisé aux oubliettes, et pourtant il donna naissance à plusieurs autres genres avant de connaître un retour en grâce au XXe siècle. S’il est surtout présent en Angleterre, le Roman Gothique est un genre plus largement européen. Le Roman Gothique est né à une époque où tout le monde aurait alors considéré Tim Burton comme un type tout à fait normal ; évidemment puisqu’à cette époque le macabre était à la mode. En littérature, en peinture, en architecture même : le bizarre fait vendre et le public veut frissonner grâce aux inquiétantes étrangetés que les artistes lui présentent. Ambiances mornes, suspens à tous les étages, violence et sensualité transgressive ne sont que quelques uns de ces éléments de base. Né dans une société ultra-corsetée qui a envie de s’amuser, le roman gothique explore des thèmes très sombres (et souvent métaphoriques) pour mieux se jouer des nombreux interdits de son époque. A cet égard, il faut considérer par exemple que Dracula, lors de sa parution, a circulé sous le manteau, et qu’il était regardé comme un roman quasi pornographique. Le Roman Gothique est à bien des égards synonyme d’innovation car il repousse les limites de la réalité. En-cela, il ouvre la brèche pour ce qui deviendra ensuite la Science-Fiction. Au XXe siècle, il va connaître un regain d’intérêt et renaître plus ou moins de ses cendres en tant que néogothique. Plusieurs auteurs (comme Mervyn Peake) lui prêteront de l’intérêt, et les dessinateurs de comics américains vont abondamment puiser dans sa mythologie pour inventer des créatures toutes plus effrayantes les unes que les autres.

A lire : Frankestein de Mary Shelley, Melmoth, l’homme errant de Charles Robert Mathurin, Dracula de Bram Stoker, la trilogie Gormenghast de Mervyn Peake.

Le Fantastique

Un brin d’histoire : On a parfois tendance à croire que le Fantastique est le nom français de la fantasy. C’est absolument faux ! Et en plus, le fantastique existe depuis plus longtemps. Le Fantastique se fonde sur une règle très simple : l’irruption du surnaturel dans le monde normal. Attention : on ne parle pas de magie, mais plutôt d’un événement inexplicable qui fait basculer la situation dans une dimension où la logique ne permet pas d’appréhender ce qui se passe. Il arrive d’ailleurs qu’on ne sache pas si l’histoire est « vraie » ou s’il s’agit d’un rêve. En cela, le fantastique est s’oppose à la science-fiction qui, elle, repose toujours sur la logique et un monde réel (même s’il est très différent du nôtre). Si le genre Fantastique apparaît à la fin du XVIIIe siècle et peut être vu comme un héritier du roman gothique, il connait vraiment son heure de gloire au XIXe siècle en France et en Allemagne.

A lire : Les nouvelles de Théophile Gautier, Lokis de Prosper Mérimée, Le Horla de Maupassant, Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, La Légende de Sleepy Hollow de Washington Irving, La Métamorphose de Kafka.

La Fantasy

Un brin d’histoire : Avec la Science-Fiction, la Fantasy est le genre le plus connu de l’imaginaire. Le plus populaire aussi. Ce qui s’explique certainement par deux éléments : c’est l’un des genres littéraires les plus récents, et sa popularité a été assurée par le relais du cinéma qui a très tôt puisé dans ses histoires. Mais d’autres aspects méritent d’être pris en compte. La Fantasy date du milieu du XXe siècle et elle naît dans les pays anglo-saxons. Héritière du Merveilleux, elle est un peu la fille du Fantastique car elle emprunte des éléments importants à ces deux genres : comme dans le Merveilleux, le lecteur est plongé dans un univers magique accepté ; comme dans le Fantastique, cet élément imaginaire est au service d’un propos qui a souvent pour but la critique de la société (ou en tout cas la mise en lumière des travers humains). En ce sens, ce n’est pas vraiment un hasard si la Fantasy naît dans la période d’entre-deux guerres. L’imaginaire occidental, meurtri par une guerre d’un nouveau genre, cherche à aborder une Histoire moderne à peine naissante. Et pour faire face à un monde extrêmement sombre, les auteurs vont avoir l’idée de puiser dans les mythes, les légendes, afin de s’en servir de décors pour des histoires qui racontent un monde en crise. C’est par exemple le cas du Seigneur des Anneaux : les peuples du bien s’allient contre un méchant commun qu’ils ne pourraient pas battre isolément (un petit rappel de la Seconde Guerre mondiale). Depuis sa naissance, le genre de la Fantasy n’a pas cessé de voire sa côte de popularité grandir.Certainement parce que notre société n’est pas franchement un modèle de stabilité. Outre les questions morales que la Fantasy soulèvent (souvent d’un point de vue bien moins manichéen que d’autres romans), elle permet aussi d’interroger notre monde par le prisme de la fiction. A noter que le succès et la grande vitalité de la production littéraire en Fantasy ont poussé les spécialistes a créer différents sous-genres, parmi lesquels l’Heroic fantasy est certainement le plus célèbre (des histoires qui suivent un héro solitaire, un peu à la manière des westerns).

A lire : Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, Le Trône de Fer de George Martin, Le Disque-Monde de Terry Pratchett.

La Science-Fiction

Un brin d’histoire : C’est l’un des genres littéraires les plus connus, les plus populaires, les plus facilement reconnaissable… Le cinéma l’a adopté à une vitesse fulgurante et les fans de la théorie du complot la prennent pour la Bible : la Science-Fiction mérite bien sa place au Panthéon de la littérature mondiale. C’est au début du XXe siècle que le genre naît véritablement, mais il y a eu des signes avant-coureurs, et c’est un peu à cause d’une phrase d’un critique sur Jules Verne que le terme est né : « Remember that Jules Verne was a sort of Shakespeare in science fiction. » Soit : souvenez-vous que Jules Verne était une sorte de Shakespeare en fiction scientifique. En français, on va adopter la version Science-Fiction après une âpre guerre avec le terme d’anticipation qui se fait finalement battre d’une courte tête. Mais c’est que les récits de Science-Fiction ne relèvent pas toujours de l’anticipation ! La Science-Fiction, ce n’est pas toujours montrer un futur atroce ; c’est aussi raconter d’autres mondes, imaginer des versions alternatives de notre monde, inventer des manifestations irrationnelles à notre époque… Bref, le genre est très vaste, tellement qu’il se découpe en nombreuses sous-familles que je n’ai tout simplement pas la force de vous nommer. Pour rappel, le Steampunk dont je vous ai déjà parlé en fait partie. Pour résumer simplement la posture de la Science-Fiction, on peut dire que l’auteur imagine une histoire en se disant : que se passerait-il si … A partir de là, tout devient possible. Par rapport aux autres genres littéraires, il est vrai que la Science-Fiction se fonde essentiellement sur des arguments scientifiques. C’est-à-dire que les romanciers essayent de « faire vrai » ou en tout cas de rationaliser leur propose avec une logique qui, à défaut d’être fondée, se doit d’être au moins cohérente. Il faut se rappeler que les tout premiers ouvrages annonciateurs de la Science-Fiction (comme ceux de Jules Verne par exemple) paraissent à l’époque de la révolution industrielle. Le scientisme concurrence sérieusement la philosophie et ouvre des perspectives jusqu’alors insoupçonnées. Cet émerveillement des hommes pour la science va être le point de départ d’une belle aventure littéraire. Avec parfois des cas où la fiction devance même la réalité comme c’est l’exemple de plusieurs livres de Jules Verne où l’auteur français imagine un projectile capable de transporter des humains sur la Lune, ou encore un bateau qui va sous l’eau ! La fiction serait-elle le chemin de la vérité ? En tout cas celui de la prise de conscience. Car les ouvrages post-apocalyptiques ont souvent un côté militant qui ferait passer Nicolas Hulot pour un militant de seconde catégorie. Qu’arrivera-t-il lorsqu’on aura épuiser toutes les ressources de la planète ? Que se passera-t-il si les humains finissent par s’entre-tuer avec leurs armes infernales ? Voici quelques thèmes qui ont souvent fait travailler les romanciers de Science-Fiction. Des sujets de réflexion qui ne sont pas si éloignés de ceux des programmes électoraux de nos dirigeants…

A lire : Utopia de Thomas More, Eve future d’Auguste Villiers de L’Isle-Adam, De la Terre à la Lune de Jules Verne, La Machine à explorer le temps de H.G. Wells, 1984 de George Orwell, Le Maître du Haut Château de Philippe K. Dick, La Planète des singes de Pierre Boulle, Dune de Franck Herbert, Le Monde inverti de Christopher Priest, Hypérion de Dan Simmons.

Alors au final, une question demeure : cela a-t-il vraiment un sens de parler de littérature de l’imaginaire ? Après tout, la littérature, c’est toujours de l’imaginaire ? Hum… Je crois que les littératures de l’imaginaire ont quelque chose de plus que la littérature ordinaire : dans leur dimension spectaculaire, elles offrent aussi un espace intime au lecteur. Elles reposent sur ce paradoxe saisissant : aborder des questions grandioses à l’échelle des individus. Frankestein est sans conteste l’un des livres les plus célèbres dans le monde et son succès ne se dément pas. Pourquoi ? Parce qu’il continue de faire peur ? D’autres livres sont venus entre temps, et le cinéma aussi. Alors pourquoi revenons-nous à cette vieille histoire qui nous raconte le destin tragique d’un être brisé, faits de morceaux différents, qui ne comprend pas d’où il vient et qui cherche sa place dans la société des hommes ? Réponse : parce que c’est notre propre histoire. Nous naissons, nous mourrons, et la seule chose qui nous appartient en propre, c’est de décider quoi faire du temps qui nous est imparti. Les scientifiques nous disent que nous sommes constitués à 80% d’eau et à 20% de poussière d’étoiles. Mais tout ce que nous avons appris de nous-mêmes ne nous a pas aidé à y voir plus clair. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Les littératures de l’imaginaire n’ont pas de réponse à nous donner, mais elles posent la question sans relâche. Elles nous permettent de fantasmer notre destin.

En choisissant l’image d’illustration au début de l’article (les fans de Star Wars auront reconnu le célèbre plan du film de George Lucas), je me disais que c’était ça pour moi, la littérature : deux lunes au-dessus de ma tête. Pas parce qu’elles existent pour de vrai, mais parce que je suis prête à y croire.

La littérature n’a pas pour vocation de nous apporter la vérité. Mais elle peut avoir de belles intuitions. Lorsque Jules Verne a publié De a Terre à la Lune, cela semblait incroyable pour tous les lecteurs qu’un projectile puisse un jour permettre aux êtres humains d’aller poser le pied sur la Lune. Jules Verne lui-même n’y croyait peut-être pas. Et pourtant c’est arrivé depuis. Dans le fond, peut-être que la chose la plus fondamentale de notre espèce, ce sont les histoires.

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