Interview de la romancière américaine Shelly King

shelly-kingElle adore les livres et les chats, et passe presque autant de temps dans les librairies que son personnage : Shelly King est le parfait cliché des amoureux des livres ! Sa bonne humeur naturelle et son sens de l’inspiration lui ont permis de rebondir le jour où elle s’est retrouvée au chômage. Elle a alors décidé d’écrire un roman ; le résultat, c’est Le Cœur entre les pages, une superbe histoire pleine d’énergie, d’optimisme, mais aussi une réflexion sur le sens que nous accordons à nos vies. Quelle place laisser à nos rêves quand le monde réel fait tout pour nous ramener aux contingences matérielles ? Shelly King est à l’image de ses personnages : très généreuse. Et elle a tout de suite accepté de répondre à mes questions (malgré une pneumonie un peu envahissante) quand je lui ai proposé cette interview. Voici une rencontre exclusive avec la romancière américaine dont le livre est récemment paru en France aux éditions Préludes.

Bonjour Shelly. D’abord, j’aimerais savoir depuis quand la lecture tient une place si importante dans votre vie ?

J’ai toujours été une grande lectrice. Je me souviens que vers trois ans déjà, j’essayais de lire les livres de ma mère ou ceux de mes frères, qui sont bien plus vieux que moi. Il n’y avait pas d’images, juste des mots que je ne pouvais pas lire ! Mais je m’asseyais par terre et de contemplais les pages, j’essayais de déchiffrer toutes ces lettres qu’il y avait devant moi. J’étais persuadée qu’il y avait des sortilèges de cachés dans ces pages. Je crois que c’est à ce moment-là que ma mère a décidé de m’apprendre à lire pour me faire plaisir, et c’est ce qu’elle a fait. Quand je suis entrée à l’école à cinq ans, je savais déjà lire des livres toute seule. Certains de mes plus beaux souvenirs d’enfance, c’est d’être assise avec ma mère à lire un livre.

Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

Il y a eu plein de choses qui se sont croisées et m’ont donné l’idée de cette histoire. Il y a quelques temps, j’étais dans la même situation que Maggie. La compagnie pour laquelle j’avais travaillé dur pendant plusieurs années a fait faillite et j’étais perdue, je ne savais pas ce que j’allais faire. J’ai commencé à traîner beaucoup dans une librairie située près de mon appartement, et je suis tombée amoureuse de cet endroit. A peu près au même moment, un nouveau voisin a emménagé, et il se trouvait qu’il travaillait dans cette librairie. Ce sont les histoires que lui et sa petite-amie me racontaient sur le fait de travailler dans la librairie qui m’ont donné l’idée d’écrire un livre sur un libraire. En même temps, je m’interrogeais beaucoup sur le fait que nous avons de nombreux moyens de communiquer tous ensemble, mais la plupart du temps nos échanges n’ont pas beaucoup de valeur. Donc j’ai eu cette idée d’une correspondance entre deux personnes qui un sens profond et qui change leurs vies.

En combien de temps avez-vous écrit ce livre ? Aviez-vous une méthode précise pour assembler toutes ces idées ?

Je pensais qu’écrire un livre, ce serait facile. Mais pas du tout ! Je me suis aperçue qu’une vie entière de lecture ne vous prépare pas à écrire un livre vous-même. Donc j’ai pris des cours d’écriture et j’ai participé à des ateliers pour apprendre comment raconter une histoire et trouver ma voix en tant qu’écrivain. J’ai arrêté d’écrire le livre et je me suis mise à écrire plein de nouvelles pour apprendre comment écrire. Ensuite je suis revenue au livre et je l’ai terminé. En fait ça m’a pris huit ans pour écrire ce livre du début à la fin, mais j’ai pris de longues pauses pendant le processus pour apprendre l’écriture. Et l’une des choses que j’ai appris, c’est que, pour moi, il n’y a pas de méthode particulière qui marche. Il s’agit juste d’avoir assez de discipline pour prendre le temps d’écrire chaque jour.

J’ai l’impression que vous avez beaucoup en commun avec Maggie : le fait d’avoir travaillé dans la Silicon Valley, d’avoir été au chômage, changé de vie… Est-elle un personnage autobiographique ?

Tout le monde croit que Maggie, c’est moi ! Oui, c’est vrai qu’on a beaucoup en commun, mais elle n’est pas moi. J’aime bien penser à elle comme une petite sœur qui a commencé par m’imiter avant de trouver sa propre voie. Elle a décidé de travailler dans une librairie, et j’ai choisi l’écriture. Ma propre expérience d’avoir travaillé dans la Silicon Valley a effectivement influencé Maggie et sa situation, mais aucun des événements du livre ne m’est arrivé dans la vie.

Clairement, votre livre parle de l’opportunité de changer de vie. Maggie a peur, elle recherche la sécurité. Mais le bonheur, c’est savoir prendre des risques et rester fidèle à soi-même. C’est un message très optimiste. Aviez-vous la volonté d’en faire un roman si positif ?

Je ne me sentais pas du tout optimiste quand j’ai commencé à écrire. Je voyais le fait que Maggie choisisse de travailler dans une librairie comme un acte de rébellion contre l’attitude de la Silicon Valley qui consiste à rechercher l’argent et le pouvoir. J’ai toujours été irritée par l’importance de l’argent sur la Silicon Valley. Les petites entreprises ont du mal à survivre. C’est difficile de s’acheter une maison. Personne ne trouve d’équilibre entre le travail et la vie de famille. Mais quand j’ai commence à écrire, j’ai realize qu’il y avait aussi beaucoup de choses que j’aimais dans la Silicon Valley. Je crois qu’il y a une quête pour quelque chose d’authentique, que ce soit dans les relations avec les personnes ou bien une petite librairie qui arrive tant bien que mal à survivre. Je crois que n’importe quel livre au sujet d’une librairie n’a pas d’autre choix que d’être optimiste. Nous sommes des lecteurs et nous aimons tous nos librairies.

Votre livre est aussi un hommage à L’Amant de Lady Chatterley. Pourquoi ce livre compte-t-il tant pour vous ?

C’est une drôle d’histoire. J’ai vécu des moments difficiles après la mort de mon frère. J’ai commencé à passer pas mal de temps en fin de journée dans la librairie près de chez moi (celle dont je vous ai déjà parlé). C’était un moyen de me forcer à sortir plutôt que de rester cachée dans mon appartement avec ma peine. J’ai trouvé un exemplaire tout à fait banal de L’Amant de Lady Chatterley là-bas, et j’ai commencé à le lire, un chapitre par jour, assise sur un tabouret à côté des piles de livres. Un beau jour, il a disparu. Quelqu’un l’avait acheté. Ce n’était pas grave parce que, comme je vous l’ai dit, c’était un exemplaire vraiment banal. Mais l’écrivain en moi a commencé à imaginer ce qui se passerait s’il y avait quelque chose d’extraordinaire avec ce livre. Donc j’ai choisi L’Amant de lady Chatterley à cause de cette expérience, mais j’ai toujours pensé que je le remplacerais par un autre livre, un que j’aime beaucoup plus. Pourtant en écrivant le livre, je me suis rendue compte de tout ce que Lady Chatterley et Maggie avait en commun. Elles sont toutes les deux consternées par la mécanisation du monde autour d’elles, et comment cela vide les gens de leur passion. Pour les deux personnages, le sexe est facile, mais l’amour est beaucoup plus difficile.

J’adore la librairie que vous décrivez dans notre roman. Vous pouvez nous parler un peu plus de la vraie librairie dont vous vous êtes inspirée.

Oh oui ! Comme je vous l’ai dit, c’était une librairie spécialisée dans les livres d’occasion, et elle se situe à côté de là où j’habitais à Mountain View. Ça s’appelle BookBuyers et c’est la meilleure de toutes les librairies d’occasion. Les libraires sont merveilleux et sont devenus de vrais amis au fil des années. Ils étaient très excités à propos de mon livre. J’y vais encore très souvent. Mais en fait je pense qu’il y a un petit peu de plein d’autres librairies dans le Dragonfly. J’adore les librairies et j’en repère toujours de nouvelles quand le voyage.

Votre roman a été traduit en Italie et en France. Qu’est-ce que ça vous fait ce succès international ?

Et aussi en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et dans d’autres ! Je suis ravie que tant de lecteurs à l’étranger aiment l’histoire de Maggie. Je pleure de joie à chaque fois que je reçois l’exemplaire d’une nouvelle édition étrangère. Je crois que peu importe le pays dans lequel on vit ou la langue qu’on parle, nous sommes tous liés par notre amour des livres et des librairies. Il me semble que les lecteurs français ont particulièrement bien accueilli mon petit livre, et ça me rend très heureuse. J’ai adoré visiter la France et j’aime tellement de romans et de films français que c’est un grand plaisir pour moi de savoir que les lecteurs français apprécient mon livre.

Un autre roman est-il en projet ?

C’est encore un peu tôt pour en parler mais je travaille à un roman qui se déroule ici, dans la Silicon Valley, et qui parle principalement de la culture dans le monde des nouvelles technologies.

Et pour finir, j’ai une question rituelle que j’aime bien poser à tout le monde : quel est votre dernier livre coup de cœur ?

Oh, ça me fait plaisir de vous en parler. C’est un roman co-écrit par mon amie Sona Charaipotra qui s’intitule Tiny Pretty Things. J’aime bien les livres qui me surprennent, et c’est un livre que je pensais pas aimer au départ. Ça parle de trois jeunes filles dans une école de ballet… pas du tout mon genre de livre. Mais c’est audacieux, courageux et merveilleux. Je l’ai dévoré.

Un immense merci à Shelly King qui a eu la gentillesse de répondre à mes questions. J’espère que cette interview vous aura donné envie de dévorer à votre tour son roman Le Cœur entre les pages. En ce qui me concerne, c’est l’un de mes coups de cœur de l’année ; j’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir cette histoire, et en tant que lectrice j’ai été complètement séduite par l’écriture de Shelly, sa passion pour les livres et son histoire optimiste. J’en profite aussi pour remercier chaleureusement les éditions Préludes qui ont eu la bonne idée d’éditer ce roman en France, et la gentillesse de me le faire découvrir.

Très bonne lecture à tous.

2 réflexions sur “Interview de la romancière américaine Shelly King

  1. domi dit :

    Comme quoi la chose a faire est de se jeter a l’eau. Ce que je te souhaite de tout cœur, tu as en toi les moyens d’y arriver. Bon courage, et surtout crois en toi.

    J’aime

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