Celeste Bradley aime les bonnes histoires. Qu’il s’agisse de celles qu’elle écrit ou de celles qu’elle lit. Avec sa série Le Club des Menteurs, elle a livré une superbe saga qui mélange romance et espionnage avec brio. J’ai eu envie d’en savoir plus sur elle, sur son travail de romancière. Et au fil de notre interview, nous avons eu l’occasion d’évoquer beaucoup de choses, depuis l’évolution du style de la romance historique ces dernières années jusqu’à ses dernières lectures coups de cœur, en passant par les 18 rejets d’éditeurs qu’elle a affronté avant de finalement devenir une romancière à succès.
Tout d’abord, j’aimerais en savoir un peu plus sur vous. Comment êtes-vous devenue romancière ?
J’ai toujours lu. Mais ça ne m’était jamais venu à l’esprit d’écrire mes propres livres jusqu’à que j’aie la trentaine. J’étais une artiste professionnelle mais j’ai dû abandonner mon studio pour m’occuper de mes deux petites filles. J’adore les enfants, en particulier les miens, mais j’avais besoin d’une activité créatrice. J’ai lu une romance dont le chapitre deux était vraiment mauvais. J’ai décidé de voir si je pouvais faire mieux.
Je n’aurais jamais fini ce premier livre si ma meilleure amie ne m’avait pas harcelée pour connaître la suite de l’histoire. Une fois le roman terminé, elle a insisté pour que j’essaye de le faire publier. Je ne pensais pas que ça déboucherait sur quelque chose, donc je n’ai pas été déçue par les 18 premiers rejets. Au 19e envoie, le livre était acheté.
Sur votre page Goodreads, vous présentez votre style de romans en tant que « chocolat pour le cerveau ». J’adore cette définition, je la trouve très bien trouvée ! Mais plus précisément, je voulais vous demander quelle est votre définition de la romance historique ?
Pour moi, toutes les histoires, que ce soient des films, des séries ou des romans, tournent autour de grands personnages. Vous pouvez avoir l’intrigue la plus excitante qui soit, mais si je ne m’intéresse pas au personnage, je ne vais probablement pas finir l’histoire. En ce qui concerne la romance historique, j’aime de bonnes recherches historiques mélangées avec une bonne dose d’imagination. J’aime rire et voir le monde comme je ne l’ai jamais vu auparavant.
Comment vous avez eu l’idée pour Le Club des Menteurs ? Et comment avez-vous choisi la période historique durant laquelle se déroule votre intrigue ?
C’est drôle à admettre, mais j’ai choisi la période Régence parce que j’adore les vêtements. Je trouve que les hommes avaient l’air vraiment séduisants dans ces pantalons ! J’ai toujours aimé des films comme Charade ou Ocean’s Eleven. Je pensais que ce serait drôle si mes personnages avaient une raison héroïque d’être des voleurs. Donc j’en ai fait des espions pour leur pays.
C’est drôle parce que je pensais plutôt aux films de James Bond en lisant les histoires du Club des Menteurs…
J’aime beaucoup les films de James Bond, mais j’ai toujours préféré les films dans lesquels un homme et une femme sont à égalité en ce qui concerne l’intelligence et le courage. Si je devais nommer un film qui a inspiré mon style d’écriture, ce serait Ne Tirez pas sur le Shérif, avec James Garner.
Dans la saga, mon couple préféré est celui d’une charmante espionne, Collis et Rose. Ils ont des étincelles tous les deux. Mais outre l’aspect romance, ce qui m’a intéressé chez eux c’est leur complémentarité, la façon dont ils se soutiennent dans l’épreuve. Vous avez voulu écrire un couple plus moderne que Régence, non ?
En fait je ne pense pas que les gens aient tant changé que ça depuis l’époque. Je ne crois pas que les femmes soient différentes aujourd’hui, c’est juste que maintenant on les montre telles qu’elles sont. Je pense qu’il y a probablement eu des couples forts et qui se soutenaient mutuellement par le passé.
Quand j’écris des personnages, je ne les crée pas vraiment. Ils apparaissent et veulent raconter leur histoire. Je n’ai jamais essayé de les mettre en scène d’une façon particulière. Certaines personnes vous diraient que j’écris comme je parle !
Le point commun de tous vos romans, c’est de mettre en scène des femmes fortes, intelligentes et indépendantes qui font jeu égal avec les hommes. J’ai l’impression que depuis une vingtaine d’années, la romance historique a beaucoup évolué sur la représentation des femmes. On est loin du cliché de la demoiselle en détresse, secourues par des guerriers viriles. Quel regard portez-vous sur cette évolution ?
J’ai écrit les livres du Club des Menteurs il y a quasiment vingt ans. L’Espion de la couronne (le 1e tome de la série, ndla) était mon deuxième roman. Je pense que j’ai adopté une vision plus féministe parce que je suis une féministe élevée par une mère féministe. Je ne trouvais pas que mes livres étaient très différents des autres à l’époque, mais en y repensant maintenant on dirait que j’étais en avance sur cette évolution.
Et je pense que cette évolution dans les romances est survenue parce que maintenant l’édition est une industrie qui compte beaucoup de femmes dirigeantes. Les livres des années 1970 étaient publiés par des hommes qui demandaient une toute autre sorte d’histoires aux auteurs. Maintenant c’est devenu rare de trouver un homme qui travaille dans l’édition de fictions historiques.
Je crois que la romance est de la fiction féministe. Parfois ce sont des livres bizarres, parfois un peu bêtes, ou drôles ou osés. Et pourquoi pas ? Pourquoi les femmes n’auraient-elles pas le droit de lire tout ce qu’elles veulent ? Il s’agit toujours de la liberté d’être nous-mêmes après tout.
Et en parlant de liberté et d’histoires plus « osées », je voulais évoquer la figure du Régent justement. C’est un personnage historique qui a existé, qui était surtout connu pour son comportement frivole, à tel point qu’il a inspiré ce sous-genre de la romance historique. Pourtant, vous êtes la seule romancière, à ma connaissance, à l’avoir carrément mis en scène dans un de vos livres, Une Charmante Espionne. Vous pouvez nous en dire plus sur cet homme ? J’imagine que vous avez effectué des recherches avant de l’inclure dans votre roman.
J’adore le prince Régent. Il était très critiqué à son époque, on l’accusait de se comporter de façon irresponsable. En fait c’était un homme très sensible et créatif qui a été forcé de vivre une vie qu’il détestait, forcé d’épouser une femme qu’il n’aimait pas, et pourtant il a réussi à insuffler une période de créativité, avec une architecture fantastique, de poésie et de la musique. J’ai fait beaucoup de recherches sur George IV. Oui, c’était quelqu’un de trop gâté et de malheureux qui s’est rebellé contre le rôle stricte qu’on lui demandait d’incarner. Mais il était aussi drôle, brillant et courageux à sa façon. Il a épousé la femme qu’il aimait en défiant toutes les règles, puis il a été contraint de l’abandonner pour épouser une princesse respectable qu’il détestait. Par la suite il n’a jamais été un époux très fidèle.
Le Premier Ministre, Lord Liverpool, est aussi un personnage qui a réellement existé. C’était un fervent patriote, dévoué à sa femme, et un homme très respecté. Ces deux hommes très différents ont souvent été en confrontation durant la régence du prince George. Je trouvais ça vraiment fascinant.
Avant de finir, je voudrais vous poser la question rituel avec laquelle je finis toujours mes interview. Quel est le dernier livre pour lequel vous avez eu un coup de coeur ?
J’ai vraiment adoré la série Mariages de convenance écrite par Anne Gracie ! Son écriture est merveilleuse. La série compte plusieurs livres : Noces hâtives, Scandale (tous deux parus en français, ndla), Marry in Secret et Marry in Scarlet. Si vos lecteurs cherchent quelque chose avec de l’aventure, j’aime aussi beaucoup la série Reckless Brides d’Elizabeth Essex. Il y a quatre livres : Almost a Scandal, A Breath of Scandal, Scandal in the Night et After the Scandal.
Je remercie chaleureusement Celeste Bradley d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Et si vous n’avez pas encore eu l’occasion de lire la saga du Club des Menteurs, je vous recommande de commencer par le premier tome, L’Espion de la couronne. C’est toujours mieux de lire les livres dans l’ordre !
Une réflexion sur “Interview de la romancière Celeste Bradley”