Les Indomptables, de Florence Colombani

Le cinéma et moi, c’est presque une aussi grande histoire d’amour qu’avec la littérature. J’adore voir des films, aussi bien des vieux en noir et blanc que les nouveaux blockbusters de l’année. Et souvent, les histoires en coulisse sont largement aussi intéressantes que ce qu’on voit à l’écran. Les hommes et les femmes qui ont fait Hollywood ont bâti une légende qui fait rêver le monde entier… même si la réalité est souvent plus sombre et plus cruelle que cette image préfabriquée de strass et de paillettes. Car lorsque les photographes ont quitté la scène et qu’on range le tapis rouge, il reste bien souvent des histoires trop dramatiques pour être jetées en pâture au regard du public. C’est pourtant cette histoire que Florence Colombani a cherché à ramener dans la lumière en s’intéressant à quatre figures de l’âge d’or hollywoodien : Lana Turner, Ava Gardner, Lena Horne et Grace Kelly incarnent pour toujours le glamour. Pourtant, leur vie ne fut pas franchement un chemin de roses. Loin de là ! Et avec Les Indomptables, c’est ce récit véritable de leur vie que Florence Colombani a voulu nous montrer.

Rien à part sa beauté ne prédestinait la petite Lana Turner à devenir une star Hollywood. Pareil pour la jeune campagnarde Ava Gardner. Pire encore pour Lena Horne : sa peau a beau être d’une nuance très claire de noir, elle subit les brimades de la ségrégation et doit lutter plus que les autres pour atteindre le sommet défendu par une élite blanche bien décidée à faire comprendre à cette chanteuse noire où est sa place. Pour Grace Kelly, née dans une bonne famille, la lutte est d’une autre nature : imposer un choix d’indépendance quand la seule carrière qui s’ouvre à elle devrait être celle du mariage et de la docilité. Chacune va devoir se battre pour atteindre son rêve de devenir une actrice célèbre. Et elles vont toutes se brûler les ailes à ce même rêve. Car dans cet âge d’or hollywoodien où les patrons des studios sont encore tout puissants, les jeunes femmes doivent répondre au doigt et à l’œil, faire ce qu’on leur dit et respecter certains critères bien définis. Il n’y a pas de liberté, et il faut jouer le jeu sous peine d’en être éjectée. Pour faire carrière et devenir les stars qu’elles veulent être, il leur faudra être plus fortes que les autres et oser affirmer leur indépendance.

Les Indomptables aurait pu être un joli roman sur le glamour hollywoodien, mais Florence Colombani a préféré jouer la carte de la vérité en livrant sous notre regard de lecteur une version d’Hollywood qu’on n’a pas souvent l’occasion de contempler : une usine. Hollywood est le siège de l’industrie cinématographique comme Detroit est le siège de l’industrie automobile. On fabrique des produits à la chaine, et ceux qui ne correspondent pas aux critères sont jetés au rebus.

Dans un contexte aussi violent que celui-là, il y a pourtant des petits miracles comme cette histoire véridique d’amitié entre Lana Turner et Ava Gardner. Très proches pendant des années, les deux femmes se sont serrés les coudes dans les moments de joie comme dans les drames. Plus tard, leur tandem s’est ouvert à un nouveau membre : la fabuleuse chanteuse afro-américaine Lena Horne qui a été la première actrice de couleur sous contrat avec la MGM. Plus tard encore, c’est Grace Kelly qui rejoint le sérail et trouve dans l’amitié d’Ava Gardner un mentor capable de la guider dans les méandres du star-system hollywoodien.

Grâce à ce court roman, on pénètre dans une époque fantastique, pleine de fêtes et de glamour où les jeunes actrices tentent de trouver un équilibre entre la docilité écervelée qu’on attend d’elles et les espoirs qu’elles sont pour elles-mêmes. Dans le numéro de cirque de la MGM, les actrices sont sensées faire ce qu’on leur demande, sur les plateau comme au-dehors. Le patron est un dieu tout-puissant auquel on doit obéir aveuglément sous peine d’être brisée par le système. Mais même l’obéissance est peu récompensée pour les actrices, et il faut être futée pour gravir les échelons et s’en sortir.

Florence Colombani a visiblement fait beaucoup de recherches pour documenter son roman. J’ai appris énormément de choses sur ces femmes fascinantes, en particulier sur le destin tragique de Lana Turner, sur la vie d’Ava Gardner et sur les combats de Lena Horne. La partie consacrée à Grace Kelly est légèrement moins intéressante du fait qu’elle arrive tardivement dans l’histoire et qu’il y a donc moins de choses à dire sur elle et ses relations avec les autres. Mais l’ensemble de ce roman se lit d’une traite. Il laisse un goût amer en bouche quand on songe à toutes les choses que ces femmes ont subi alors même qu’aujourd’hui leur nom est synonyme de glamour éternel. Mais quelle souffrance derrière les sourires de façade !

Si vous êtes un tant soit peu intéressée par cette période dorée, alors vous serez subjuguée par Les Indomptables. Ce roman qui célèbre l’amitié aborde aussi avec gravité plusieurs thèmes très intéressants sur la place de la femme dans l’industrie du cinéma et sur sa représentation. C’est un livre qui parle du dur chemin qu’il faut emprunter pour avoir le droit d’être libre. Une lecture splendide.

9 réflexions sur “Les Indomptables, de Florence Colombani

Vous en pensez quoi ?

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s