Le sujet semble tombé du ciel, et pourtant il y a une véritable actualité autour du féminisme : la sortie en France, en novembre dernier, d’un film qui retrace l’histoire du mouvement pour l’émancipation des femmes, Les Suffragettes, avec entre autres Meryl Streep au générique. Moi qui me faisait une joie d’aller voir ce film, quelle ne fut pas ma déconvenue lorsque j’ai vu que très peu de salle de cinéma parisienne jouaient le film ! Et dans les rares cas, la diffusion était en VO ! Je parle anglais couramment, ce n’est pas un souci. Ce qui l’est en revanche, c’est que les exploitants des cinémas font payer le ticket le même prix, alors qu’il n’y a pas de frais de doublage dessus ! En ayant assez d’être prise pour une vache à lait par l’industrie cinématographie, j’ai donc décidé d’attendre (à regret) la sortie en DVD. Mais ça ne m’empêche pas de vous présenter aujourd’hui une read-list directement inspirée par le sujet du film, c’est-à-dire des films « féministes ».
Le mot même de « féminisme » semble être devenu un gros mot. Quand on aborde la question, les gens s’attendent à voir débarquer des femmes hystériques prônant la haine des hommes. Or, ce n’est pas du tout de ça dont il s’agit. Même s’il existe plusieurs courants plus ou moins agressifs du féminisme, et plus ou moins pertinents, je vais m’attacher à vous parler du féminisme français à travers trois livres que j’ai lus à des périodes différentes de ma vie. Pour moi, le féminisme, c’est avant tout une prise de conscience : celle que les femmes et les hommes n’ont pas la même histoire. La grande histoire est commune, mais beaucoup de choses diffèrent comme l’accession au droit de vote par exemple. Alors d’accord, ce n’est pas forcément un sujet hyper glamour, et pour les filles du XXIe siècle, ça ne veut plus dire grand-chose… Pourtant, c’était il n’y a pas si longtemps que ça. Mes grands-mères sont nées à une époque où les femmes ne votaient pas. Et de nos jours, on a beau brandir la bannière de la parité pour se féliciter des progrès menés, la différence des salaires à compétence et responsabilité égales entre les femmes et les hommes est encore très importante ; de même que la représentation des femmes à des postes décisionnaires est encore trop faible dans le secteur privé comme dans la vie politique. J’ose à peine aborder les nombreuses régressions en matière de planning familial, dont le budget est sans cesse revu à la baisse !
Je ne vais donc pas sombrer dans un discours féministe, parce que la question est très vaste et que je ne prétends pas être une spécialiste. Mais j’avais envie aujourd’hui de vous donner envie de vous pencher sur la question avec trois livres qui, pour moi, sont véritablement à lire.
Le Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir.
Deux tomes et presque deux milles pages au total : on peut dire que cet ouvrage est une somme ! Et avec la parution de ce véritable pavé dans la marre, cette chère Simone ne s’est pas faite que des amis. Car dans le contexte difficile de l’après-guerre, les femmes ne sont pas sensées être un sujet d’étude. Et il n’est pas vu de parler de leur sexualité, de mettre en lumière la pression sociale, la position entravée dans laquelle une société patriarcale les maintient… Bref, on n’est pas sensé dire que rien ne va ! Simone de Beauvoir, dans l’histoire intellectuelle française, c’est la classe absolue doublée d’une intelligence rare, avec en prime un courage hors norme. Elle se fiche des convenances, et décide d’écrire puis de publier ce livre qui marquera à tout jamais l’histoire, qui invente plus ou moins le féminisme en France, et qui ouvre la brèche à une discipline qui va rapidement faire des petits : les sciences sociales. Les américains appellent ça « gender studies », l’étude des genres. Et c’est vrai que dans ce livre, Simone de Beauvoir tente plutôt de faire un état des lieux entre les femmes et les hommes que de monter au créneau pour défendre l’émancipation des femmes. N’empêche, une porte est ouverte, et beaucoup de femmes s’engouffreront à sa suite pour pousser plus avant un débat sur la place de la femme dans la société et les droits auxquels elle peut prétendre. Juste avant le droit de vote et la légalisation de l’avortement, on peut déjà parler d’une révolution majeure. Seul problème de ce texte très bien mené : il est parfois encore tellement d’actualité que c’en est presque déprimant.
Ainsi soit-elle, de Benoîte Groult
Benoîte Groult est une féministe, une vraie de vrai, et en plus elle a été fortement inspirée par Beauvoir. Si elle a consacré plusieurs ouvrages au sujet, il se trouve que c’est celui-là que j’ai lu. Ecrit presque comme une lettre ouverte aux jeunes générations, il jette un pont entre le passé et le présent, insistant notamment sur l’importance du « combat » actuel. Alors, on ne vas peut-être pas aller brûler des soutiens-gorges sur la place de la Concorde, mais on peut quand même se mobiliser autrement : déjà en allant voter, ensuite en se tenant au courant des avancées et reculs en matière de droit des femmes… mais aussi en prenant bien conscience que beaucoup d’aspects de la vie sont souvent mis en cause : le travail, le salaire, la santé, la sécurité même. Et le féminisme, à notre époque, est tout autant important qu’au moment de sa naissance. Car après tout, rien n’est jamais acquis. Et si chaque génération ne fait pas l’effort de l’engagement, on peut très bien reculer. Relativement court, ce texte très facile d’accès est idéal pour celles qui sont moyennement motivées mais quand même curieuses de se documenter un peu sur le sujet.
King Kong Théorie, de Virginie Despentes
Celui-ci n’est pas un essai, c’est un court roman. Court mais costaud. Car Virginie Despentes a une écriture percutante, et une vie à la fois dramatique et intéressante. Mais comme elle n’est pas du genre à pleurnicher sur son sort, et que surtout elle est une romancière, elle décide d’utiliser l’écriture pour aborder un sujet quasi tabou : qu’est-ce que c’est une femme de nos jours ? Est-ce que pour être une femme il faut avoir une chevelure longue et soyeuse, des mensurations façon barbie, des jolies chaussures à talons et des robes de couleurs ? Où est-ce que la féminité se joue à un autre niveau, moins esthétique et plus intellectuel ? Vaste sujet, digne d’une épreuve du Bac. Sous la plume de Despentes, la question du féminin devient une épopée urbaine intense, parfois très dramatique, d’autre fois plus touchante. Mais on avance avec la certitude que c’est d’abord en s’acceptant comme on est qu’on peut atteindre cette féminité qui n’appartient qu’à nous. Et même si la société et les publicitaires sont toujours ravis de nous dicter des codes à respecter, des canons de beauté et autres règles d’une vie heureuse façon princesse de contes de fées, ce n’est pas là que réside la vérité. Les femmes, elles ont le droit d’être comme elles veulent. On n’est pas moins femme parce qu’on ne parte pas d’escarpins noirs vernis. Et ça, c’est un sacré message qui fait du bien au moral !
Si vous le souhaitez, il existe beaucoup d’autres livres sur le sujet. Alors n’hésitez pas à être curieuse et à aller fouiner dans les librairies. Et si vous avez des titres en tête à recommander, surtout laissez un commentaire, ça me permettra d’en découvrir d’autres.
Bonne lecture à tous et à toutes !
Deuxième sexe est un livre que je me suis promise de lire ! Un très bel article.
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Je te le conseille vraiment. D’accord il y a deux gros tomes, mais c’est passionnant et très bien écrit.
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Excellent article pédagogique ! Je n’ai lu qu’un extrait du Deuxième sexe, qui était fort intéressant. King Kong Theory est dans ma WL 🙂 Je recommande aussi « Nous sommes tous des féministes » sur le même sujet, j’en avais fait un article ! Bises
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Merci pour cette idée de lecture, je vais aller voir ta chronique.
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ZAHRA ALI « Féminisme islamiques »
JOHN STOLTENBERG « Refuser d’être un homme »
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