Panne d’inspiration, Tea Time et monsieur Darcy

J’étais en train de fixer mon écran d’ordinateur d’un œil morne quand monsieur Darcy est entré dans mon bureau avec un plateau dans les mains. Il avait disposé une théière, des tasses, et une de ces formidables assiettes de service à trois étages, remplie de petits gâteaux et de mini sandwichs dans la pure tradition du Tea Time anglais. Me voyant soupirer comme une âme en peine, il se pencha doucement vers moi.

– Emilie, ma chère, qu’avez-vous donc aujourd’hui ?

Soudainement prise d’une irrépressible envie de me la jouer romantique torturée, j’ai levé de grands yeux tristes vers son visage empli de bienveillance.

– Hélas, je ne sais pas quoi écrire sur mon blog aujourd’hui.

J’ai tâché de soupirer avec toute la gravité qui sied à une blogueuse en panne d’inspiration. Et effectivement, l’heure était grave. J’avais passé tout le mois de février à parler de romance. Depuis le début du mois de mars, j’évoquais avec passion l’écriture et le féminisme, des femmes écrivaines toutes plus inspirantes les unes que les autres. Mais là j’étais vidée. A sec. Plus aucune idée ne germait dans mon cerveau à bout de force.

Darcy s’assit dans le fauteuil, juste à côté de moi.

– Pourquoi ne pas rédiger un nouveau quiz, proposa-t-il gentiment. J’ai adoré celui que vous avez imaginé pour la St Valentin, lorsque vous invitiez vos lectrices à découvrir quel personnage d’Orgueil et Préjugés correspondait à leur personnalité.

Je soupirais sans répondre.

– Ou alors, reprit-il plein d’espoir, vous pourriez écrire un article sur les joies de la lecture !

Nouveau silence de ma part.

– Et si vous réfléchissiez un nouveau thème pour une liste de lecture ?

Il faisait des efforts, le pauvre. Mais je ne réagissais pas. Aucune de ses propositions ne trouvait d’écho en moi. Je n’avais tout simplement pas la moindre idée de ce dont j’allais bien pouvoir parler à mes lecteurs.

En désespoir de cause, monsieur Darcy me proposa une bonne tasse de thé, le remède universel dont se servent les Anglais quand ils ne savent pas comment faire face à une situation. Il me glissa aussi dans les mains une petite assiette avec un sandwich aux concombres et un macaron à la framboise. Assis ensemble, à boire notre thé, Darcy et moi étions en train de fixer la bibliothèque, attendant qu’une réponse se présente d’elle-même. Contre toute attente, c’est effectivement ce qui se produisit !

Les deux romans d’Anita Loos, Les Hommes préfèrent les blondes et Mais ils épousent les brunes, chutèrent au même moment de leur étagère. Et la fabuleuse Anita apparut alors dans un nuage de fumée à paillettes argentées. Grognant un peu et ébouriffant ses cheveux bruns coupés à la garçonne pour les débarrasser des paillettes offensantes, elle en profita pour réajuster sa veste avant de se tourner vers nous, un grand sourire aux lèvres.

– Alors, s’exclama-t-elle avec légèreté, on est en panne d’inspiration, ma jolie ?

Tâchant de faire bonne figure, je me redressais sur ma chaise en lui lançant un sourire vaillant avant de répondre :

– C’est juste que là, j’ai du mal à savoir quoi raconter sur mon blog. Vous voyez, j’ai beaucoup écrit ces derniers temps. J’ai même parlé de vous !

– Flatteuse, va !

– Si, repris-je avec enthousiasme. Et les gens étaient ravis d’apprendre plein de choses à votre sujet. Mais maintenant je ne sais plus quoi dire. Je tourne en rond. J’ai l’impression que rien de ce que j’écris n’a d’intérêt. Et même moi, je n’ai pas envie de me lire.

J’étais au fond du trou. Et maintenant que j’avais avoué tout haut à quel point je me sentais le moral à zéro, je m’attendais à recevoir des encouragements bienveillants, comme de la part de Darcy. Quelle idiote ! Il était clair qu’Anita n’allait pas opter pour les câlins. A la place, elle se planta devant moi, l’air déterminé et assez intimidant.

– Ma chérie, déclara-t-elle, dans la vie on ne peut pas attendre sur sa chaise que les choses se passent. Les bonnes idées ne tombent pas du ciel. Comment vous croyez que j’ai fait carrière, moi ? Il faut prendre le taureau par les cornes. Alors écrivez tout ce qui vous passe par la tête. Et on fera le tri après pour garder les meilleures idées.

J’étais sceptique face à sa façon de procéder. Et là, elle joua son joker.

– Si vous voulez, commença-t-elle d’un air faussement prévenant, je peux demander à lady Catherine de Bourgh, la charmante tante de monsieur Darcy ici présent, de nous rejoindre pour vous prodiguer ses aimables conseils ?

Horrifiée par la perspective de me retrouver sous le feu des critiques, je me remis dare-dare à mon clavier pour commencer à écrire tout ce qui me passait par la tête. Le classement des meilleures vieilles filles de la littérature (les Anglaises gagnaient haut la main). Un fight club pour savoir qui avait les meilleurs dragons : Tolkien ou George Martin. Un quiz mode : quel maillot de bain choisir en fonction de votre sirène préférée ? Et même un focus sur les scènes d’enterrement les plus glauques dans la littérature française (là c’est Flaubert et son Education Sentimentale qui remportait la palme).

Consterné lui aussi à l’idée de voir son horrible tante débarquer dans la pièce, monsieur Darcy n’avait rien dit. A présent, il glissait des coups d’œil en douce à Anita, juchée sur l’accoudoir de son fauteuil. Souriante et parfaitement à l’aise dans son rôle de coach d’écriture, cette dernière arborait un sourire malicieux. Elle se pencha pour se servir une tasse de thé.

– Pouah… Il n’y a même pas d’alcool là-dedans !

Monsieur Darcy et moi évitâmes de répondre. Mais il fallait reconnaître que l’arrivée impromptue de la génialissime scénariste hollywoodienne avait fait des merveilles. Mes doigts me tiraient à force de taper avec frénésie, mais j’avais désormais toute une liste d’idées d’articles à écrire.

Satisfaite de moi-même, je me leva de mon bureau pour aller reprendre un sandwich aux concombres. Je laissais Anita se pencher sur mon écran pour évaluer l’originalité de mes idées.

– Hum… C’est pas mal du tout, dit-elle finalement. Il y a de quoi faire des articles intéressants avec tout ça.

Darcy me lança un sourire radieux. Et moi-même je n’étais pas peu fière de mes efforts. Apparemment, travailler sous la contrainte fonctionnait bien pour mes petites cellules grises.

– Alors à votre avis, quelles sont les idées que je dois garder ?

Anita balaya ma question d’un grand geste de la main. Et elle me répondit avec désinvolture :

– Mais voyons ma chérie, laissez vos lecteurs décider par eux-mêmes.

– Voilà une idée fort démocratique, ajouta monsieur Darcy.

Vraiment ? Est-ce que la réponse était aussi simple. Apparemment oui.

Et donc, dans c’est dans cet esprit de démocratie livresque participative que je vous invite à voter dans les commentaires pour votre idée d’article préférée :

  • Le classement des meilleures vieilles filles de la littérature.
  • Un fight club spécial dragons : Tolkien VS George Martin.
  • Un quiz mode : quel maillot de bain choisir en fonction de votre sirène préférée ?
  • Ou un focus sur les scènes d’enterrement les plus glauques dans la littérature française.

La parole est à vous. Et je vous encourage à vous manifester nombreux, sinon je n’aurai aucun scrupule à demander à lady Catherine de venir vous trouver !

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