Je sais que les débats autour des Harry Potter ont tendance à virer au psychodrame depuis quelques années. La personnalité de J.K. Rowling est devenue assez clivante dans les communautés de fans. Et on a quasiment atteint le point où dire du bien de la saga Harry Potter est assez pour être victime de lynchage virtuel sur les réseaux sociaux. Mais ça ne va pas m’empêcher de poursuivre ce mois thématique consacré au roman policier. Et je voulais absolument aborder la question des Harry Potter car il me semble que les livres ont vraiment joué un rôle important dans le regain d’intérêt pour la littérature policière.
Un petit voyage dans le temps…
Lorsque les romans de Harry Potter ont été publié, l’enthousiasme a rapidement gagné de nombreux pays. Et on l’a vu en France : les livres « pour enfants » ont subitement commencé à susciter l’intérêt d’un large lectorat. Les parents empruntaient les bouquins de leurs enfants. On louait le fait que les jeunes recommençaient à lire. Et d’une manière générale tout allait bien dans le meilleur des mondes.
Pour le monde de la littérature, le succès des Harry Potter a d’abord été synonyme d’un regain d’intérêt pour les livres. Exit le cinéma, la télé et les jeux vidéos : les histoires de papier attiraient à nouveau du monde. Et les libraires ont certainement été nombreux à être surpris par le succès d’une saga fantastique… dans un pays où, disons-le tout net, le genre n’était pas franchement apprécié ! Et c’est vrai, les Harry Potter sont effectivement des histoires qui appartiennent au genre fantastique. Mais pas seulement…
Harry Potter : le détective sur un balais volant
Avec des années de recul, je pense que l’une des raisons pour lesquelles la saga Harry Potter a rencontré un tel succès, notamment auprès du lectorat adulte, c’est en partie parce qu’il s’agit en fait d’histoires policières. D’accord, je sais : on est avant tout plongé dans un monde imaginaire où règne la magie. Mais si vous repensez aux intrigues de chaque tome dans leur détail, vous allez voir que les Harry Potter sont effectivement des histoires policières de facture plutôt classique.
Au début de chaque tome, un mystère se pose, même si ce n’est pas toujours clair. Et d’une manière ou d’une autre, Harry, Hermione et Ron se lancent toujours sur les traces de ce mystère pour découvrir la vérité. Dans le premier tome, Harry et ses amis veulent découvrir se que cache le chien à trois têtes, et pourquoi des événements étranges n’arrêtent pas de survenir dans l’école. Dans le second roman, ils veulent découvrir l’identité de l’héritier de Serpentard. Dans le troisième tome, Harry veut découvrir la vérité sur le passé de son père et ses liens avec le tristement célèbre Sirius Black… Et ainsi de suite. Chaque roman s’ouvre sur une énigme. Et il faut la résoudre.
Evidemment, il y a toujours le fil rouge Voldemort en trame de fond. Mais chaque roman développe sa propre intrigue. Et globalement, J.K. Rowling laisse traîner pas mal d’indices pour que le lecteur se fasse sa propre opinion… et tente de dénouer les fils de l’histoire par lui-même.
Au début de l’histoire, Harry et ses amis sont surtout des pré-ados hyper curieux. Mais au fil des tomes, ils assument de plus en plus leurs enquêtes. Harry en particulier se retrouve souvent dans une position de détective au sens où il pose des questions et tente de soutirer des informations aux personnes sur son chemin. A ses côtés, on retrouve Hermione et Ron dans des positions classiques d’acolytes : là aussi, c’est un schéma narratif très courant dans le roman policier. Le détective est souvent secondé dans ses affaires par un ou plusieurs personnages récurrents.
En quoi est-ce important de savoir si les Harry Potter sont des romans policiers ?
La question mérité d’être posée. Et vous allez me dire qu’après tout ce temps, ça n’a plus franchement d’importance de savoir à quel genre littéraire les Harry Potter appartiennent. Ce n’est pas faux… Mais il y a quand même un intérêt selon moi.
D’abord, c’est intéressant d’évoquer les nombreux éléments policiers des Harry Potter parce que ça explique pourquoi cette histoire en particulier a eu du succès alors qu’il y avait d’autres sagas de littérature jeunesse à la même époque qui auraient pu prétendre au titre. Je pense que la qualité des intrigues policières des Harry Potter a forgé le succès de la saga. Le suspens était important dans chaque roman. Et le fait que J.K. Rowling ait pu maintenir le même degré de suspens jusqu’à la fin a sûrement été un élément déterminant dans le succès de la saga, en particulier en ce qui concerne les lecteurs adultes.
Ensuite, c’est intéressant de noter comment les lecteurs qui ont grandi avec les Harry Potter ont évolué par la suite. Depuis maintenant quelques années, la littérature Young Adult a pris un virage policier assez visible. La saga de Kerry Maniscalco en est un exemple, avec une étudiante en médecine légale qui traque Jack l’éventreur et d’autres personnages peu recommandables. Je pense que les Harry Potter ont redéfini le genre Young Adult en élargissant ses frontières. Ce n’est plus un genre exclusivement réservé au fantastique et aux récits d’émancipation de la jeunesse. Le genre s’affirme en proposant des histoires qui, au-delà de l’émotion et du spectacle, sont également capables de rivaliser avec les maîtres du suspens des romans plus matures. Et dans le fond, la seule différence qu’on remarque, c’est la façon dont les enquêtes sont menées, et les raisons pour lesquels les personnages se mettent à enquêter.
De Harry Potter à Cormoran Strike
Ce qui m’amène à mon dernier point. Je pense que tout l’intérêt d’embrasser pleinement l’héritage « polar » des Harry Potter, c’est aussi et surtout de voir comment J.K. Rowling s’est émancipé des codes du roman policier pour écrire quelque chose de différent. Dès le début, elle a toujours dit qu’elle voulait écrire une histoire jeunesse, mais avec une véritable intrigue. Pour autant, à ma connaissance, elle n’a jamais revendiqué une étiquette plutôt qu’une autre. Mais dans sa vie d’après Harry Potter, son intérêt pour le roman policier s’est clairement révélé. C’est particulièrement flagrant avec les enquêtes de Cormoran Strike qu’elle a écrit sous le pseudonyme de Robert Galbraith.
Là où les Harry Potter faisaient intervenir des monstres, des créatures fantastiques et des détectives en culottes courtes, Cormoran Strike est au contraire un détective privé « à l’ancienne ». Ses histoires ne contiennent pas d’action, pas de courses-poursuites… pas de voitures volantes ! On est vraiment aux deux extrémités du roman policier. Et je trouve que c’est intéressant car ça prouve bien à quel point le roman policier n’est pas lié à des archétypes aussi figés qu’on le croit parfois. Au contraire, c’est un genre hyper ludique, qui admet toutes les extravagances tout comme il permet les récits les plus sobres et classiques.
Du coup, il me semble qu’il y a un intérêt à souligner la façon dont les Harry Potter s’intègrent dans la grande histoire du roman policier. Ce sont des livres qui valorisent l’intelligence des lecteurs en les encourageant à participer à la résolution de l’intrigue. On se sent concerné, on veut résoudre le mystère. Et chemin faisant, on se sent également concerné par l’histoire de Harry, par les troubles politiques du monde des sorciers. On veut que la justice triomphe à la fin. Et ça, c’est vraiment un élément clé hérité du roman policier.
Est-ce que dans le fond, tous les lecteurs que nous sommes ne rêvent pas secrètement de résoudre d’un coup de baguette magique tous les problèmes du monde ?
Je voulais lancer un (petit) débat :
Les sorciers sont les détectives idéals de notre monde, mais ne sont pas les leurs, car la magie est pour eux une habitude… ☺ Bonne réflexion, vous avez 3 heures😅
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En effet, c’est une piste de réflexion très intéressante !
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Un article original et très intéressant, bravo ! Je n’avais jamais envisagé cette saga sous cet angle
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Je rejoins Parlons fiction, je n’avais jamais vu les choses sous cet angle et ton article est très pertinent ! J’ai bien envie de me lancer dans une nouvelle enquête magique à présent…
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Merci beaucoup ! Si le sujet t’intéresse, tu verras que la même tendance s’observe du côté du SteamPunk. Dans Le Paris des Merveilles, l’histoire repose également sur une enquête façon « détective dans le monde magique ».
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Pour le coup, la chose m’avait sauté aux yeux avec Le Paris des Merveilles effectivement !
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Ton analyse est vraiment intéressante, c’est vrai qu’en y réfléchissant la dimension enquête est très présente dans chaque tome.
De manière plus générale, je te rejoins sur l’ouverture du young adult à d’autres genres/thèmes, je trouve à titre d’exemples qu’il y a de plus en plus de romans pour ados orientés thriller/frisson.
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Merci beaucoup ! C’est vrai que c’est une tendance de fond qui devient bien visible. Et personnellement, vu que j’adore les intrigues policières, je suis ravie !
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