Je me souviens très bien du jour où j’ai découvert Rêvé pour l’hiver, le poème d’Arthur Rimbaud. Je lisais Le Dormeur du Val, dans une anthologie de poésie rimbaldienne. Et Rêvé pour l’hiver était sur la page précédente. Par curiosité, j’ai commencé à le lire. Et je l’ai immédiatement adoré. C’est un texte à des années lumière de ce qu’on associe habituellement à Rimbaud. Le texte est très accessible, adorable même. Il a des tonalités très romantiques. Et en plus, la scène se déroule dans un train, lieu hautement romantique d’après moi. Il s’en dégage une chaleur humaine et un brin de malice assez rares pour être soulignés. En même temps, les ombres sont menaçantes à l’extérieur, il l’étrange rôde dans les parages. Surtout, ce poème nous fait pénétrer dans un petit cocon, et c’est un très bon résumé de ce que j’aime dans la poésie. Mettre les pieds dans une scène hors du temps.

L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…

Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
Et nous prendront du temps à trouver cette bête
Qui voyage beaucoup…