Persuasion, roman de Jane Austen

A la rentrée dernière, je me suis laissée séduire par la collection des Romans Eternels. Je me suis abonnée (comme beaucoup de lectrices !) et j’ai donc commencé à recevoir mes livres. Je raconterai mon expérience avec cette collection dans un autre post (et il ne sera pas franchement élogieux). Ici ce qui m’intéresse, c’est de vous parler de ma relecture de Persuasion. Je l’ai lu à la fac, pendant mes études de LLCE anglais. Une lecture en VO qui m’avait laissé un souvenir ému. A l’époque je connaissais déjà Jane Austen, mais je n’avais lu qu’Orgueil et Préjugés. Pourquoi ? J’avais tellement aimé ce roman que j’avais peur d’être déçue avec les autres livres de l’autrice. Or, non seulement Persuasion m’a fait vivre la même magie à la lecture, mais j’ai encore plus aimé ce roman ! Du coup j’avais très hâte de le relire (en français cette fois). Et vous savez quoi ? La relecture a comblé toutes mes attentes !

Rien ne distingue Anne Elliot des autres filles de bonne famille de son petit coin de campagne. A un détail près : cette jeune fille célibataire (proche de l’âge de devenir vieille fille) a la tête sur les épaules. Une qualité très rare dans sa famille. Autre différence : elle a eu le coeur brisé, près de dix ans auparavant, à cause de fiançailles rompues avec un jeune capitaine de marine, Frederick Wentworth. Des fiançailles rompues par sa faute à elle, mais cette vérité est une bien maigre consolation. Anne remplit sa vie en prenant soin des autres, mais son quotidien bascule à cause de son père. Un gentleman imbus de lui-même et fier de son arbre généalogique, mais qui n’a aucun sens pratique et précipite la famille vers la banque-route. La situation est assez délicate pour devoir renoncer à la maison familiale et déménager à Bath. Par un atroce concours de circonstances, c’est justement la soeur de Frederick et son mari qui louent la demeure des Elliot. Et l’ancien capitaine de marine, qui a entre temps pris du galon et fait fortune, revient dans la vie d’Anne. Ils sont désormais étrangers l’un à l’autre. Et Anne n’imagine pas un seul instant pouvoir renouer l’affection d’autrefois avec cet homme qui a si peu changé.

Si Orgueil et Préjugés reste LE grand classique romantique, je dois avouer que je lui préfère quand même Persuasion. Certes, Orgueil et Préjugés ne manque pas de qualités. Mais Persuasion est tout à la fois plus dramatique et plus réaliste. Des qualités contradictoires ? Pas tant que ça.

Persuasion est original car c’est une histoire d’amour à l’envers. Tout a mal fini dans l’histoire d’amour entre Anne et Frederick. Ils sont allés chacun de leur côté, et depuis, ils ont passé presque dix ans à être malheureux et à ruminer le passé. Anne se reproche de s’être laissée persuadée qu’elle faisait le bon choix à l’époque. Et Frederick lui reproche de ne pas s’être battue pour lui. Donc quand l’histoire commence, tout semble vraiment mal engagé.

Persuasion ne raconte pas une histoire d’amour entre deux jeunes premiers au teint frais. Ce sont des adultes, des personnes matures, plus avancées et mieux ancrées dans leur vie. Un homme et une femme qui ont eu le temps de vivre leur vie et d’apprendre à mieux se connaitre eux-mêmes. Et voici qu’une seconde chance leur est offerte à la faveur d’un hasard. Toute l’histoire tient en une question : vont-ils être capable de pardonner et de surmonter le passé ?

Les romans d’amour évoquent rarement ce cas de figure. Il ne s’agit pas d’une rencontre vertigineuse comme dans Orgueil et Préjugés. On n’est pas dans le conte romantique. C’est ce qui fait que, pour moi, Persuasion « sonne » plus vrai. C’est un livre que je sens plus réaliste, habité par des personnes réelles dont on peut sentir le pouls à chaque page. L’un et l’autre sont imparfaits. Et ils vont devoir faire oeuvre de résilience pour se retrouver. Mais au bout du compte, le happy end ne peut pas survenir si chacun ne consent pas quelques efforts.

Le fait que Persuasion soit un roman assez réaliste (Anne a refusé Frederick pour des raisons sociales qui sont cohérentes avec les préoccupations matérielles de l’époque) n’empêche pas du tout l’intensité dramatique. Je trouve que c’est le livre le plus triste de Jane Austen. Je mets au défi n’importe quelle lectrice et n’importe quel lecteur de rester de marbre face aux regrets d’Anne. Sa tristesse est authentique et déchirante.

« Désormais, ils étaient comme des étrangers l’un pour l’autre. Non, moins que des étrangers, car ils ne pourraient jamais faire connaissance. C’était un éloignement définitif. »

Alors ? Qui a versé sa petite larme ? N’ayez pas honte, j’ai eu la larme à l’oeil à la relecture, alors que je savais d’avance que j’allais tomber sur ce passage.

J’espère vous avoir donné envie de découvrir cet excellent roman. Persuasion est un condensé du talent de Jane Austen, à la fois pour raconter de superbes histoires d’amour, mais aussi pour croquer les personnages de son époque. Il y a plusieurs personnages hauts en couleurs, le pire étant incontestablement le père d’Anne Elliot. Mais il y a aussi pas mal d’exemples de couples et de familles heureuses. Au-delà de la seule histoire de seconde chance entre Anne et Frederick, Persuasion est une célébration de l’amour au sens large du terme. Et rien que ça, ça vaut bien de le lire !

4 réflexions sur “Persuasion, roman de Jane Austen

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