Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson

Il y a deux mois, une amie m’a invité à une rencontre avec Sylvain Tesson, à l’occasion de la parution de son dernier livre, un recueil de ses récits de voyages. Dans la file d’attente, devant la librairie, nous avons eu le temps de papoter pour discuter de ses différents livres. Et nous avons même procédé à un swap improvisé. Nous avons chacune acheté un livre de poche dans la librairie, que nous avons ensuite échangé. Comme je n’avais jamais lu Dans les forêts de Sibérie, c’est celui-là que mon amie a choisi pour moi. Et j’ai profité de ce début d’année pour le lire.

Il y a déjà une dizaine d’années, Sylvain Tesson a décidé de tout quitter… temporairement. L’écrivain voyageur est allé prendre ses quartiers d’hiver en Sibérie, sur les bords du lac Baïkal. Il a vécu là-bas, dans une cabane de bois, seul ou presque (quelques animaux dans les parages et peu d’humains dans le secteur) pendant six mois. Six mois d’isolement volontaire dans une époque où on a plutôt tendance à rester bien au chaud avec le troupeau. De ce voyage immobile, il a tiré un carnet de notes, entièrement retranscrites dans ce livre.

J’ai commencé à lire Sylvain Tesson l’année dernière. En plein premier confinement, son Eté avec Homère a été une véritable bouée de sauvetage. Ensuite, j’ai lu La Panthère des neiges. Et là ce fut le coup de foudre. J’ai tellement adoré ce livre qu’il m’a donné envie de tout lire de l’auteur. Quelques mois après, l’atterrissage est assez brutal.

Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé Dans les forêts de Sibérie. Mais disons-le tout net : ce n’est pas le coup de foudre. Je m’attendais naïvement à reproduire l’expérience de lecture de La Panthère des neiges. Etre vraiment embarquée dans le récit d’un voyage, aussi bien géographique qu’intérieur.

Ici évidement les choses sont différentes car Sylvain Tesson arrive à un endroit, et il y demeure. C’est un récit statique. Ce qui en soit est intéressant car l’auteur est à l’écoute de la nature. Il nous la dépeint, il prend le temps de nous la faire découvrir de façon intime. Mais ça ne va pas plus loin. Et assez rapidement la magie du moment s’essouffle. Tout simplement parce qu’il n’y a rien de plus à dire.

C’est un récit, pas une fiction, donc bien sûr il n’y a pas d’intrigue. ça fait partie du contrat quand on lit ce genre de livre. On ne s’attend pas à des péripéties façon James Bond. Mais ce n’est pas tant l’aspect statique qui m’a gêné que la dimension trop « étroite » du livre. Je sais, ça peut sonner très paradoxal pour un livre écrit au grand air ! Une personne m’a écrit une fois dans les commentaires du blog qu’elle n’avait pas apprécié Dans les forêts de Sibérie car elle l’avait trouvé trop nombriliste. Et je comprend pleinement ce qu’elle voulait dire par là, parce que j’ai eu le même sentiment à la lecture de ce livre. L’auteur reste très centré sur lui-même. Parfois avec un peu d’auto-dérision (les meilleurs moments). Et parfois avec des jugements à l’emporte-pièce contre la façon dont les gens vivent leurs vies de nos jours. Cet aspect du livre m’a profondément gêné.

J’ai parfois eu le sentiment que ce livre était un portrait à charge contre le monde moderne. Mais écrit par quelqu’un qui a les moyens d’aller s’enfermer dans une cabane pendant six mois. Un côté « retour à la nature » vu par les bobos parisiens. Tout ce que Sylvain Tesson n’est pas d’ailleurs, car quand on le lit et qu’on l’écoute sérieusement il est assez critique contre cette mode de poseur écolo. Malheureusement, Dans les forêts de Sibérie a assez souvent des relents de « c’était mieux avant ». Et ça m’a plutôt tapé sur les nerfs. Je ne lis pas un livre pour qu’on me fasse la morale. Je lis pour engager un dialogue. Et être dans le jugement vis-à-vis de ses lecteurs potentiels n’est pas le meilleur moyen de s’assurer de leur écoute et de leur compréhension.

Ce livre a donc été une déception personnelle. Elle est d’autant plus amère que je m’attendais vraiment à aimer ce livre. Je voulais aimer ce livre. Mais on ne peut pas aller contre un sentiment de dépit quand on se sent quasiment de trop à la lecture d’un livre.

En revanche, j’en profite pour préciser à celles et ceux que ça pourrait intéresser que La Panthère des neiges est effectivement très différent de ce livre. Il reprend toutes les qualités de Dans les forêts de Sibérie, sans aucun de ses défauts.

8 réflexions sur “Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson

    • Alivreouvert dit :

      C’est présent dans ce livre, mais honnêtement on ne retrouve pas ce travers dans La Panthère de Sibérie, que je te recommande chaudement. C’est beau, très immersif pour un récit de voyage, et il n’y a pas de considérations personnelles. C’est vraiment un élan vers le lecteur, un texte qui tisse un lien entre le lecteur et le monde mais dans lequel l’auteur se fait discret.

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    • Jean dit :

      Bonjour
      Je viens récemment de lire ce livre, mon premier de ST et je suis tombé sur votre avis. Ce n’est pas mon habitude de commenter mais je voudrais vous suggérer de le relire sans une attente de ce que vous attendez. Vivre ses propres rêves, donc sa vie, n’est pas une question de moyens sauf à vouloir imiter les autres ce qui est du conformisme. ST n’est pas nombriliste contrairement à James Bond, mais individualiste. Je respecte profondément cette attitude, c’est courageux . ST se livre. Ça se voit. Il n’y a pas de nostalgie. C’est intéressant sous de multiples aspects.

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      • Alivreouvert dit :

        Merci beaucoup Jean pour votre commentaire. Il faudrait peut-être une relecture, comme vous le suggérez. C’est déstabilisant parce que je n’avais pas du tout eu le même ressenti avec La Panthère des neiges, et pourtant ce n’est pas lié au sujet, mais vraiment à l’écriture de Sylvain Tesson. Je vais laisser passer un peu de temps et donner une seconde chance à ce livre. Merci !

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  1. Jean dit :

    J’apprécie votre ouverture d’esprit. Je ne connais pas votre nom ou prénom mais voici ce que je me propose d’ajouter :
    Ce livre journal est écrit par un homme ni jeune ni vieux, de temperament plutôt solitaire. Je suis un homme avec ses experiences un peu plus agé que ST. Il m’est donc plus aisé d’y trouver un regard croisé parfois amusé sur la vie. De manière générale, ce journal est probablement (sans faire de clichés) moins attirant pour une femme mûre, qui ressentira un ecrit souvent trop sec et parfois des propos arrogant, macho, etc..Je suggère aussi que vous teniez compte qu’une femme rêve moins de s’isoler « du monde » et que si elle y est contrainte ou le decide, le contenu de son journal (et de ses emotions) serait très different, le contenu de sa cantine aussi ainsi que des lectures qu’elle emporterait…Existe-t-il un journal de vie similaire mais féminin de culture française ? Ma connaissance est limité.. Il y a le journal d’Anne Frank mais elle était adolescente et psychologiquement le cas est different mais une femme parlera aussi de la nature mais plus des gens qu’elles aiment, des souvenirs etc..

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