Encore peu connue en France, la romancière italienne Victory Storm a pourtant déjà publié plusieurs de ses romans en version française. Pour cette rentrée, elle a récemment publié un nouveau roman : Glitter Season. De la pure chick lit, qui met en scène une belle histoire d’amitié entre trois femmes au bord de la crise de nerfs. Mais c’est aussi l’occasion pour la romancière d’aborder des sujets de société forts comme l’émancipation féminine (où en est-on vraiment aujourd’hui ?) et surtout sa passion pour l’écriture.
Rachel, Emma et Abigail se rencontrent tout juste, mais leur amitié naissante leur offre immédiatement ce dont elles ont cruellement besoin : un groupe d’amies sur qui compter quoiqu’il arrive. Rachel, la jeune éditrice, a bien du mal à s’imposer dans la maison d’édition où elle travaille, et malgré ses compétences on la cantonne encore à des tâches subalternes. Abigail voudrait écrire, mais pour ça elle doit d’abord trouver le moyen de garder ses angoisses à distance. Et ça commence par se lancer dans une nouvelle vie avec un nouvel appartement. Pour Emma, tout devrait aller pour le mieux : la voici qui prépare son mariage avec l’homme qu’elle aime depuis des années. Mais le rêve n’est-il pas en train de se transformer en cauchemar. Elles ne le savent pas encore, mais les mois et les années qui les attendent regorgent de défis durs à surmonter. Heureusement, elles pourront puiser la force qui leur manque dans cette amitié qui les lie désormais.
Contrairement à ce que le titre laisse supposer, Glitter Season n’est pas un roman qui se déroule juste sur quelques mois. Il court en fait sur deux ans et permet d’observer les évolutions des trois protagonistes. Cette « saison » dont Victory Storm parle est en fait un moment de vie, un carrefour qui correspond à deux années charnières pendant lesquelles les trois femmes vont devoir prendre des décisions radicales dans leurs vies.
Je dois avouer que le début de lecture m’a beaucoup déstabilisée. Je n’aimais aucun des trois personnages ! Elles étaient toutes sympas, mais j’avais envie de les secouer !! Elles semblaient tellement effacées, peu sûres d’elles, pas assez entreprenantes. En deux mots : trop normales. Pas du tout des héroïnes de fiction comme on a l’habitude de les voir dans les romans chick lit. Et en fait, c’est justement tout le sujet de ce roman. Victory Storm casse les codes de la chick lit en ce qui concerne les personnages féminins. Rachel, Abigail et Emma ne sont pas du tout des wonder women. Elles n’entreprennent rien et ont peur de l’échec même si elles sont intelligentes et compétentes. Elles ont du mal à faire entendre leur voix et à s’affirmer car elles manquent de confiance en elles. Elles souhaitent tellement se conformer aux injonctions de leurs proches et de la société qu’elles s’oublient complètement, elles s’effacent et renient des parties de leurs personnalités. En bref, elles se heurtent continuellement à cette situation que beaucoup de femmes vivent : trouver sa place et réussir à s’affirmer dans une société où on se sent sans cesse jugée, et où on a perpétuellement l’impression de ne pas être assez bien.
Au fil de la lecture, le propos de l’auteure m’est apparu clairement. J’ai commencé à poser un autre regard sur ces trois femmes. Elles sont imparfaites, elles ont peur, et pourtant elles sont toutes les trois animées par quelque chose de fort : pour Rachel c’est son métier, pour Abigail son enthousiasme et sa confiance en l’autre, et pour Emma c’est son amour pour son mari. Grâce à leur amitié, elles vont peu à peu s’affirmer, surmonter les obstacles, et finalement trouver le moyen de réaliser leur potentiel, que ce soit professionnel ou amoureux.
Certes, on s’attend dès le début à un happy end pour chacune des trois. Mais pour moi l’intérêt de l’histoire est ailleurs. Victory Storm raconte une histoire de chick lit d’une façon vraiment culotté. En substance, son propos consiste à dire : d’accord, le féminisme c’est très bien, mais concrètement ça fait peur aux femmes de se battre ; c’est effrayant de devoir se battre pour s’affirmer, de faire face aux pressions et aux jugements et d’oser tout simplement se lancer à la poursuite de ce qu’on veut vraiment dans la vie.
C’est un sujet qui, bizarrement, est très peu traité dans les romans féminins. Et j’adore lire des personnages forts et inspirants. Mais je trouve aussi que c’est intéressant d’avoir, juste pour une fois, des personnages féminins réalistes. Les personnages de Victory Storm sont crédibles grâce à leurs imperfections. Et finalement, je crois qu’elles peuvent nous pousser à nous interroger sur notre rapport au féminisme d’une façon beaucoup plus pertinente que les romans habituels.
Une réflexion sur “Glitter Season, roman de Victory Storm”