Les Serge : le spectacle hommage à Gainsbourg de la Comédie Française

Je suis une grande fan de la Comédie Française. J’y vais maintenant depuis plusieurs années, et à chaque saison, c’est un plaisir renouvelé. Non seulement parce que la troupe est de grande qualité et qu’ils travaillent avec des metteurs en scène franchement top. Mais aussi, très simplement, parce que le répertoire est vraiment varié. Varié au point d’avoir du Shakespeare qui côtoie du Feydeau, qui côtoie Serge Gainsbourg. Gainsbourg à la Comédie Française, est-ce une farce ? Pas du tout. Deux comédiens de la troupe ont eu l’idée de creuser au cœur de la poésie de Gainsbourg pour en extraire un portrait musical de l’auteur de La Javanaise. Le résultat est à la fois miraculeux et survolté. En l’espace d’une heure trente de concert/spectacle, le Français redonne vie à l’artiste, entre poésie et irrévérence.

Serge Gainsbourg, tout le monde connaît. Enfin, tout le monde croit le connaître. Parce que pour être tout à fait honnête, Gainsbourg a autant été une énigme pour ses contemporains que pour nous autres, auditeurs actuels. On se souvient de ses sorties spectaculaires en interviews, du billet de banque brûlé, des chansons à caractère sexuel qui faisaient frémir les bonnes gens bien avant que le rap ne se fasse connaître. Il a fait chanter Juliette Greco, Brigitte Bardot, Jane Birkin. Il a adoré les poètes, les grands auteurs, les philosophes. Fin lettré et faux dilettante, le musicien fan de cinéma est largement resté inaccessible. Presque trente ans après sa mort, il résiste encore et toujours à l’analyse.

Autant dire qu’avec tout ça, il y avait matière à offrir une plongée fascinante, au cœur de la carrière de cet artiste singulier. La Comédie Française s’était déjà prêtée au jeu avec le spectacle Comme une pierre qui… une pièce hommage à Bob Dylan qui se présentait sous la forme d’une session d’enregistrement de son tube planétaire, Like a Rolling stone.

Deux des comédiens qui avaient participé à ce projet ont eu l’idée de s’attaquer à Gainsbourg. Sébastien Pouderoux et Stéphane Varupenne sont accompagnés sur scène par Benjamin Lavernhe, Noam Morgensztern, Yoan Gasiorowski et Rebecca Mader. Ils sont donc six comédiens à chercher Gainsbourg, au beau milieu d’un méli-mélo d’instruments de musique, d’éléments de décoration et de choux-fleurs (moi j’en ai compté quatre le soir où j’y étais).

Chacun cherche son Serge. Tantôt furibond, mysogine, mélancolique, poétique, spirituel, je m’en-foutiste… Entre violence et tendresse, Gainsbourg se révèle, de chanson en chanson. Le spectacle a été construit presque comme un documentaire : une alternance bien pensée de chansons, d’interviews mises en scènes et de vraies-fausses confidences pendant lesquelles Gainsbourg se raconte et se livre. A nous d’interpréter ses paroles comme on l’entend.

L’exercice est délicat, mais le défi est relevé haut la main. A la fin du spectacle, le public applaudissait, chantait et scandait « Une autre ! ». On a d’ailleurs droit à un rappel après les applaudissements. Et rien que pour cette version a cappella de Annie aime les sucettes, le spectacle vaut le détour !

Si vous avez envie de voir quelque chose de tendre et d’original, je vous conseille fortement d’aller vite à la Comédie Française pour découvrir Les Serge. Le spectacle est joué dans la petite salle du Carrousel du Louvre, particulièrement adaptée à ce genre d’ovni scénique. C’est original, chaleureux, tendre, enlevé. Et on a tout simplement beaucoup de plaisir à redécouvrir la richesse du travail de Gainsbourg, ainsi que la figure étonnante d’un homme qui jamais ne vieillira.

Vous en pensez quoi ?