Réparer les vivants, roman de Maylis de Kerangal

Lorsque Réparer les vivants est paru, j’avais été intéressée mais pas au point de sauter le pas et de lire le livre. C’est-à-dire qu’à ce moment-là je cherchais plutôt des lectures joyeuses pour me donner un coup de pouce au moral, et du coup un livre sur le don d’organe ne me semblait pas forcément être le divertissement dont j’avais besoin. En matière de lecture, le timing est important. Or, depuis quelques semaines, je suis plongée dans une spirale d’émerveillement : après mon fabuleux coup de cœur pour le roman La Tresse de Laetitia Colombani, j’ai découvert la série télé The Handmaid’s tale adapté du roman de Margaret Atwood. Et finalement, j’ai décidé de sauter le pas et de lire (enfin !) Réparer les vivants. Et vous savez quoi ? J’ai adoré ce livre.

Simon est un jeune homme de dix-neuf ans comme tous les autres. Sa vie se répartie entre sa famille, ses copains, le lycée, sa petite-amie Juliette et sa passion pour le surf. Mais la vie de Simon va se briser tout net un matin de février, quand un accident de voiture le laisse dans un état grave. Coma dépassé, aucune chance de rémission, mort. Mais cette mort va embraser des vies. Le choix de ses parents d’accepter de faire don des organes de Simon va faire basculer cette journée. En 24 heures seulement, le destin du coeur de Simon est scellé : il doit rejoindre un nouveau corps et permettre de sauver une vie. Mais pour effectuer tout ce voyage, tant d’autres vies vont intervenir : les parents de Simon bien sûr, mais aussi les médecins, les spécialistes du don d’organe, les responsables des greffes, et enfin cette femme qui attend un donneur compatible dans l’espoir de ne pas mourir.

Ce roman aurait aussi pu s’appeler Vingt-quatre heures de la vie d’un coeur, en référence au célèbre roman de Stefan Zweig, tant il est vrai qu’il présente une histoire ramassée dans sa temporalité mais complexe dans l’étude qu’il dresse de l’âme humaine. Avec ce roman magistral, Maylis de Kerangal nous fait pousser une porte que nous ne voulons jamais pousser : elle nous emmène pour visiter ce seuil entre la vie et la mort où tant de choses peuvent survenir, le pire comme le meilleur.

Ma crainte principale, avant de commencer à lire ce livre, c’était de tomber sur une histoire larmoyante dont je sortirais complètement déprimée. C’est tout le contraire. Bien sûr, Réparer les vivants propose une histoire d’une grande gravité, d’une grande intensité, et au creu de ses pages, il y a la tristesse d’une mort, celle du jeune Simon. Mais on dépasse rapidement ce stade. Maylis de Kerangal refuse de jouer sur la corde sensible, de verser dans la fausse sensiblerie hollywoodienne pour nous tirer quelques larmes faciles. Au contraire, elle embrasse la complexité de son sujet et va au plus près de la vérité. Oui, la mort de Simon est atroce. Oui, pour ses parents c’est une épreuve dont ils ne se remettront jamais vraiment. Oui, le travail des médecins urgentistes et de tous les spécialistes de l’hôpital réclame une force de caractère et une abnégation inimaginables. Mais il est vrai aussi qu’à la fin, ce drame permet de sauver des vies humaines. Et c’est toute la beauté du don d’organes. Comme aucune autre espèce dans le règne animal, les hommes sont capables de réparer les vivants.

Cela étant dit, j’ai parfois eu quelques difficultés à suivre l’écriture foisonnante de Maylis de Kerangal. Rien de dramatique, juste certains passages un peu trop denses à mon goût. Mais pour le reste, ce roman virtuose devrait être placé entre toutes les mains. Il parle d’un sujet d’actualité qui peut concerner tout le monde et qui pourtant n’est jamais abordé. Avec ce roman, la littérature tout d’un coup fait le choix de s’emparer d’un sujet de notre temps pour le traiter avec sa sensibilité. Une vraie réussite. Et je ne suis pas la seule à le penser : en juin dernier, Bill Gates a dévoilé sa liste de lecture d’été et il citait Réparer les vivants comme un de ses coups de cœur.

5 réflexions sur “Réparer les vivants, roman de Maylis de Kerangal

  1. accalia dit :

    J’avais eu un énorme coup de coeur pour ce roman…aussi bien pour le style que pour l’histoire. Les dons d’organe était un thème que je connaissais très peu et j’ai vraiment été intéressée d’en savoir plus. J’aimerais aussi découvrir d’autres romans de cette auteure.

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    • Alivreouvert dit :

      J’ai l’impression que tous les gens qui ont lu ce livre en sont ressortis différents. C’est le meilleur compliment qu’on puisse faire à un livre ! Moi non plus je n’ai jamais rien lu d’autre de l’auteur mais cette lecture m’a donné envie de plus la découvrir. Si tu sautes le pas, ça m’intéresse d’avoir ton avis sur ses autres livres.

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