Les auteurs qui auraient pu être des personnages de fiction

Hemingway

En réfléchissant au thème du mois de mars, consacré comme vous le savez au Roman Policier, j’ai repensé à tous ces auteurs dont les fiches biographiques me ravissaient quand j’étais étudiante. J’ai une passion exagérée et irrationnelle pour les biographies, particulièrement celles de personnages qui ont connu un destin riche en rebondissements. Et souvent, ce sont les anecdotes que je préfère aux grandes lignes. Bref, je suis une lectrice pure et dure ! Une de celles qui aiment se délecter des coulisses de la grande histoire, qui adore se repaître des détails insignifiants, ceux que les professeurs de littérature passent rapidement pour ne pas perdre leurs étudiants en cour de route. Grossière erreur : ce sont souvent ces histoires-là qui sont les plus intéressantes, surtout parce qu’elles révèlent vraiment quels genres d’hommes se cachaient derrière les noms célèbres des grands auteurs. Loin d’être figés dans la naphtaline, les auteurs ont été des vivants, comme nous… à peu près. Car en fait, plusieurs d’entre eux ont connu des vies au moins aussi trépidantes que leurs personnages… des vies que les personnes normales qualifient de « romanesques ». J’ai donc eu envie de partager avec vous les destins de quelques auteurs célèbres qui seraient parfaitement à leur place dans les pages d’un roman.

Ian Fleming

On a déjà tout dit ou presque sur l’immense Ian Fleming, et pourtant je constate toujours avec effarement à quel point sa vie privée est peu connue du public français. Et pourtant, quelle histoire savoureuse ! Car avant de devenir l’un des auteurs les plus célèbres au monde, notre homme a été… espion ! Une expérience dans les services secrets britannique pendant la Seconde Guerre mondiale va avoir un rôle décisif dans la carrière du futur papa de James Bond. A moins que ce ne soit justement son talent pour les histoires qui ne l’ait justement embringué dans cette aventure.

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Ian Fleming est un fils de bonne famille issu de la haute société britannique. A priori, tout le destinait à une carrière brillante pour faire plaisir à sa vieille mère. Sauf que le jeune homme brillant est oisif. Il déteste travailler mais possède une passion insatiable pour les filles, l’alcool, les cigarettes, les cartes… Bref, vous voyez le tableau. A l’époque, l’auteur de la famille, c’est son frère aîné, un aventurier dont les récits exotiques lui valent les louanges de la presse et du public (inutile de préciser que ses livres sont aujourd’hui tombés en désuétude).

Quand la guerre éclate, Ian Fleming se fait remarquer par les services secrets britanniques de la pire manière qui soit : il se fait arrêter ! Pour avoir acheté sous le manteau une édition de Mein Kampf (un livre qui fera carrière, hélas). Aucune sympathie nazie chez notre jeune héro : il collectionne simplement les premières éditions, et celle-ci manquait à sa bibliothèque. Toutefois, la vivacité d’esprit ne passe pas inaperçue, et puisqu’il parle allemand, Fleming se retrouve engagé presque malgré lui. Son travail dans les services secrets va être le seul moment de sa vie où on va enfin lui confier un travail qui l’intéresse et qui exploite son imagination fertile. C’est aussi une expérience qu’il mettra à profit des années après la fin de la guerre en imaginant un personnage à peine autobiographique. Sauf que Fleming est mieux que James Bond : lui, c’était pour de vrai !

Ernest Hemingway

On ne compte plus le nombre de bars à travers le monde qui ont été nommés en l’honneur du romancier américain. Je ne sais pas trop si c’est un hommage à la hauteur de son génie, mais ce qui est sûr, c’est que c’est un record en soi. Quand Hemingway était bon, il était très bon ; quand il était mauvais, il était très mauvais. Et des plus hautes cimes juqu’aux abîmes les plus sombres, il a vécu une vie à la hauteur de sa réputation : grandiose et imprévisible.

Sa vie durant, rien ne pourra jamais contraindre Hemingway à se plier aux règles. Il sera toujours un esprit libre. Alors qu’il n’a pas fait d’études supérieur, il est engagé comme journaliste. Quand la Première Guerre mondiale éclate, il s’engage et est envoyé en Europe où il sert principalement dans la campagne d’Italie où il est d’ailleurs blessé. D’autres soldats reviennent traumatisés par ce qu’ils ont vu ou fait ; lui revient traumatisé aussi, mais cela ne l’empêche pas d’écrire un roman qui deviendra le cri d’une génération et que les suivantes aduleront avec passion : L’Adieu aux armes. Dans les années 1920, c’est à Paris que Hemingway s’installe avec tous les autres américains de la Lost Generation.

La suite de sa vie sera liée aux grands événements du siècle : il couvre la guerre civile d’Espagne comme correspond de guerre (et en tire Pour qui sonne le glas), participe au débarquement de Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale, et il est encore présent le jour de la libération de Paris (son premier geste dans le Paris libéré est de se rendre au Ritz pour descendre plusieurs bouteilles au bar, qui porte désormais son nom). Après ça, la vie devient « calme » : un prix Pullitzer, un Prix Nobel de littérature (il est recordman du discours de réception le plus court, et en plus il n’était pas présent pour la cérémonie !), et il se suicide en 1961, suivant ainsi une longue tradition familiale (son père, son frère, sa sœur et une de ses petites-filles se sont également suicidés). C’est bien simple : si on n’avait pas la preuve qu’il a vraiment existé, tout le monde prendrait Hemingway pour un héro de roman… ce qu’il n’aurait d’ailleurs probablement pas apprécié !

Arthur Rimbaud

Il est presque l’égal de Hemingway, tant sa vie fut une épopée incroyable. Le plus étrange, c’est que la plupart des gens semblent ignorer le plus gros de la vie de Rimbaud. L’image (faussement) angélique du garnement des Lettres Françaises est tellement incrustée dans la mémoire collective de notre pays que le grand public semble ignorer que le poète n’est pas mort adolescent. Non, il a bien vécu jusqu’à l’âge de 37 ans, tournant le dos à toute sa vie et suivant ses pas jusqu’à l’autre bout du monde.

Rimbaud est né dans les Ardennes. A part lui et la Première Guerre mondiale, il ne s’est jamais passé grand-chose dans ce coin froid de France, et c’est d’ailleurs quelque chose que Rimbaud reprochait à sa région natale. Il n’y avait rien à y faire. Heureusement pour lui, le sale gosse entre en littérature assez vite, comme d’autres entrent en religion. Il lit tout ce qui lui tombe sous la main, et rapidement c’est le geste de l’écriture qui remplace celui de la lecture. Sa boulimie de lecture est remplacée par une urgence d’écrire qui fait de lui l’un des auteurs les plus précoces de toute l’histoire de la littérature occidentale. Rien que ça ! Il quitte rapidement Charleville pour Paris où il découvre la bohême, la débauche et où il rencontre Verlaine. La suite appartient à l’histoire. Mais quand le poète ne vit pas une passion orageuse avec son aîné (Verlaine tente de le tuer au pistolet lors d’un voyage en Belgique et finit en prison pour ça), Rimbaud révolutionne à lui tout seul la poésie française. Voyelles restera à tout jamais le moment décisif qui fait rentrer la poésie française dans la modernité.

Mais à vingt ans, le génie plaque tout. Il a fait le tour, n’a plus envie, veut tout quitter. Et c’est ce qu’il fait : Londres, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, la Belgique (le voyageur est très désordonné)… et finalement il s’engage dans l’armée coloniale néerlandaise. Tout est bon pour tromper l’envie et ne pas rentrer chez soi ! Il est d’abord envoyé sur l’île de Sumatra avant de découvrir d’autres horizons : Java, Gibraltar, Suez, Aden, Padang, Jakarta. Finalement, Rimbaud fait la même chose qu’avec la poésie quelques années plus tôt : il déserte et part à l’aventure par ses propres moyens. Passage éclair en Europe avant de reprendre la route en direction de l’Afrique du nord puis de l’Arabie. Là-bas, Rimbaud exerce plein de métier, lui qui ne supporte pas de rester trop souvent au même endroit : marchand, contremaître, trafiquant d’armes… Finalement, des problèmes de santé ramènent Rimbaud en France. Il tente de faire soigner son cancer à Marseilles mais meurent finalement. Sa dépouille (comble de l’ironie) est ramenée à Charleville où il demeure maintenant pour l’éternité.

On a fait des films, écrit des livres sur Rimbaud, et c’est bien vrai que sa vie reste passionnante, surtout parce qu’elle reste en partie inexplicable. Le mystère insondable de son caractère, de son refus absolu de continuer à écrire sont au cœur même de sa légende maudite. Bien des personnages de fiction aimeraient avoir une telle aura !

12 réflexions sur “Les auteurs qui auraient pu être des personnages de fiction

  1. juneandcie dit :

    J’ai adoré ton analyse et ton article, le regard que tu portes sur le côté révélateur des anecdotes. J’ai l’impression qu’on se retrouve pas mal sur bien des points. Ta sélection est parfaite et j’ai aussi appris des choses. J’y aurais seulement peut-être ajouté Sir Arthur Conan Doyle pour ses multiples vies…

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