Interview d’Emma, traductrice littéraire

EmmaEmma n’est pas seulement traductrice : c’est une véritable passionnée des mots et des belles histoires. En ce qui me concerne, elle est aussi la preuve qu’on peut faire de belles rencontres digitales grâce à la blogosphère. Je lui ai demandé si elle accepterait de nous parler un peu de son métier de traductrice, et elle a gentiment accepté de répondre à mes questions. Nous avons donc aujourd’hui l’occasion d’en savoir plus sur un métier trop peu mis en valeur : celui des traducteurs. Ils sont les petites mains qui rendent possible la dispersion des livres dans le monde, la lecture dans toutes les langues… Bref, sans eux, les livres ne feraient pas la même carrière. Pourtant, loin d’être une simple traduction à coup de dictionnaire, la traduction littéraire requiert un vrai talent de conteur : il faut savoir comprendre l’esprit du texte et le rendre accessible dans une autre langue, traduire l’intention de l’auteur et pas seulement ses mots. Un travail absolument passionnant qui valait bien une interview. Je laisse donc Emma vous parler des coulisses de la traduction.

Peux-tu d’abord te présenter et nous expliquer ce qui t’a poussée à devenir traductrice ?

Bonjour Émilie ! J’aime énormément visiter ton blog, et c’est un honneur d’avoir été invitée. Merci ! Je m’appelle Emma. J’ai vécu en Champagne et en Bourgogne, où j’ai fait mes études, puis enseigné l’anglais pendant quelques années. J’ai ensuite travaillé pour une organisation internationale qui avait trois langues officielles. De par ma formation universitaire et professionnelle, j’ai très vite été amenée à traduire leurs documents officiels en anglais, ainsi qu’à participer régulièrement à leur sommet mondial en tant qu’interprète en traduction simultanée.

Je dois dire que ma passion pour l’anglais a commencé très jeune : après ma première heure d’anglais en 6ème, j’avais alors 10 ans, j’ai dit que je voulais devenir prof d’anglais ! Et j’ai très vite vu la connaissance des langues étrangères comme un pont. À mon tout petit niveau, être traductrice est une façon d’œuvrer à une alliance, à une communion plus profonde entre les peuples. J’ai évoqué mon travail de traduction simultanée. C’était très exigeant et très fatigant, mais en même temps, quelle joie de permettre à une vingtaine de nations différentes de participer à un débat profond, grâce aux interprètes !

Quelle formation as-tu suivie pour devenir traductrice ?

Donc en fait, je n’ai jamais eu de formation officielle à la traduction (à part les cours de thème et de version en khâgne et à la fac), ni même à la traduction simultanée ! Je me suis préparée moi-même en lisant énormément en anglais et en français sur les sujets, et en m’enregistrant en train de traduire un texte oral. Comme beaucoup d’autres disciplines, la pratique est essentielle, et c’est ce qui me permet chaque jour d’affiner cet art.

Tu es spécialisée dans la traduction littéraire : quels genres de romans traduis-tu ?

Je dois dire ici qu’il y a 15 ans, je suis allée m’installer aux États-Unis. J’ai étendu mes travaux de traduction écrite aux divers besoins de mes clients (sites Web sur la spiritualité, le tourisme, traduction de courriels dans le monde des affaires, livres de non-fiction pour une compagnie). Mais après un temps, certains boulots étaient plutôt barbants. Mon rêve était de pouvoir traduire des romans, et l’occasion m’a été offerte un jour par une toute jeune compagnie. Jusqu’à présent, j’ai surtout traduit des romans historiques (situés au Moyen Âge) et des mystères. Plus tard dans l’année, je vais aussi traduire des livres d’histoire destinés aux enfants. J’aime énormément l’histoire, et surtout l’histoire médiévale, alors c’est parfait !

Concrètement, comment travailles-tu sur une traduction ? Est-ce que tu lis d’abord tout le livre ? Fais-tu parfois des recherches ?

De façon idéale, j’aimerais avoir le temps de lire le livre en entier avant de commencer à le traduire, mais concrètement, je n’ai pas le temps. Alors je lis d’abord chaque chapitre avant de commencer à le traduire. Après un premier jet, je relis plusieurs fois mon chapitre. J’ai aussi la chance de vivre avec quelqu’un dont la première langue est l’anglais, je peux donc vérifier à chaque fois que j’ai un doute. Selon le sujet, je dois en effet faire des recherches. Par exemple, pour le tout premier roman que j’ai traduit, j’ai dû rechercher comment on adressait un évêque au douzième siècle. Je suis en train de traduire une série de romans historiques sur l’Écosse au douzième siècle, et là j’ai dû faire beaucoup de lectures. Je ne connaissais quasi rien aux débuts de l’Écosse, aux conflits entre les tribus, à la fameuse pierre de Scone. Il m’a fallu aussi lire beaucoup sur les différents vêtements et armes de l’époque. C’est vraiment passionnant !

Je fais également de constantes recherches plus techniques sur l’art de la traduction et les façons de m’améliorer. Et je lis aussi régulièrement des romans français récents pour me plonger d’avantage dans l’écriture française. Habiter en pays anglophone est à la fois une chance et un défi pour cette profession, car il est malheureusement trop facile de se laisser aller à inconsciemment reproduire des tournures de phrases anglophones. Il faut rester vigilant à chaque ligne.

Quel rapport entretiens-tu avec les auteurs ? As-tu parfois des échanges avec eux ? Ou avec leurs autres traducteurs ?

Les auteurs avec qui je travaille sont extraordinaires. C’est vraiment un travail d’équipe, par exemple pour aider à faire connaître leurs livres, dans leur langue originale et dans ma traduction en français. Nous communiquons beaucoup entre nous pour trouver une bonne traduction du titre, selon moi une des parties les plus difficiles du livre ! Jusqu’à présent, j’ai seulement traduit des auteurs vivants, ce qui me permet de les contacter quand vraiment un passage est trop obscur. J’ai aussi la chance d’avoir une relectrice française exceptionnelle. Ses corrections et suggestions sont très précieuses. Je ne connais malheureusement que très peu d’autres traducteurs pour l’instant. J’apprécie leurs blogs et leurs apports théoriques sur les questions générales de traduction.

Pour toi, qu’est-ce qui est le plus stimulant dans ton métier ?

Comme j’ai dit plus haut, le plus stimulant pour moi est de pouvoir être un humble outil pour améliorer la communication et la connaissance entre les peuples.  Aussi, je crois qu’il est essentiel de développer une approche diverse de la littérature. J’espère aider à cette mission en rendant des auteurs américains accessibles aux lecteurs francophones.

Et finalement, quel est le dernier livre que tu as lu pour lequel tu as eu un coup de cœur ?

Je peux tricher, n’est-ce pas ? Alors en voici trois :

Écrit en anglais : The Vatican Princesse : A Novel of Lucrezia Borgia, de C. W. Gortner.

En anglais, traduit du russe : Oblivion, de Sergei Lebedev.

En français : La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet.

 

Merci beaucoup à Emma qui a pris de son temps pour répondre à mes questions. J’espère que cette interview vous a plut. Désormais, vous savez qui se cache derrière les livres traduits ! Et n’hésitez pas à visiter le blog d’Emma pour découvrir ses recommandations de lecture. C’est l’occasion d’avoir le coup d’œil d’une lectrice située de l’autre côté de l’océan Atlantique !

11 réflexions sur “Interview d’Emma, traductrice littéraire

  1. Blanche Mt.Cl. dit :

    Très intéressant! 🙂 Pour avoir fait des études d’allemand, vécu en Angleterre et commencé à bloguer en anglais, j’ai parfois pensé à faire de la traduction littéraire… et aussi de livres d’histoire (j’étais en allemand-histoire, et le vocabulaire lié aux débuts de l’aviation était ma grande marotte!). 🙂 C’est un vrai défi, difficile, car s’il faut rendre les mots, le style original et l’ambiance sont aussi très importants.
    Maintenant que j’ai trouvé ma voie, la traduction me tente beaucoup moins, d’autant plus que certaines personnes qui ont traduit des livres m’ont dépeint ce travail comme très solitaire – et de mon côté, j’aime travailler en équipe. En revanche, ce n’est pas l’impression que donne Emma, bien au contraire! Après, peut-être que dans un pays anglophone, le métier de la traduction est perçu autrement. Il aurait été encore plus intéressant de comparer! 🙂
    Très bel article en tout cas. Bonne fin de journée!

    J’aime

    • WordsAndPeace dit :

      Blanche, tu as raison, ce peut être un travail solitaire, et ce l’était davantage quand j’étais en France à uune époque où la technologie n’était pas aussi développée. J’ai l’impression d’insinuer que je remonte à l’âge des dinosaures!
      Mais avec maintenant ma famille américaine, et étant très connectée au moyen des réseaux sociaux, des correspondances très faciles et rapides avec auteurs, relecteurs et éditeurs, je me sens vraiment au coeur d’une équipe.
      Le vocabulaire franco-allemand lié aux débuts de l’aviation! ça me semble plutôt corsé!!

      Aimé par 2 personnes

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