Si Christopher Priest est un romancier au talent mondialement reconnu, c’est en partie pour ses nombreux romans à succès (dont l’excellent Le Prestige), mais aussi et surtout à cause d’un livre en particulier, un roman de science-fiction pour le coup : Le Monde inverti. Adulé par les fans de littérature de science-fiction de par le monde, il s’agit aussi d’un roman qui est sur ma liste de lecture depuis longtemps ! Il était donc tout désigné pour conclure en beauté ce mois d’octobre consacré aux littératures de l’imaginaire. Après une lecture sur les chapeaux de roue, voici le debrief d’une lecture qui m’a laissée très impressionnée.
Comme toujours, c’est un peu difficile de résumer un roman de Christopher Priest du fait de la complexité, de l’originalité de la structure narrative, et de l’importance de garder le suspens entier. Nous suivons les pas de Helward Mann, un jeune homme qui habite dans la cité Terre, une ville close régie par un système de guildes dans lequel chacun doit trouver sa place et se rendre utile pour le bien de la communauté. Tout juste admis dans le monde des adultes, le jeune Helward trépigne d’impatience car il va enfin pouvoir être initié aux secrets de la cité, découvrir l’extérieur, bref découvrir comment tout ce système fonctionne. Mais le savoir ne vient pas d’un coup ; au fil de ses expériences et des différentes étapes de son apprentissage, il va se rendre compte de la cruauté d’un système où tous les moyens sont bons pour survivre. Dans ce monde post-apocalyptique où les repères sont flous, Helward va aller bien plus loin qu’il était sensé, et il découvrira l’ultime secret caché par la cité…
Si Le Monde inverti est classé dans la catégorie « ouvrages de science-fiction », je précise tout de suite que ce livre peut intéresser et plaire à n’importe quel type de lecteur. C’est un roman d’initiation, et il n’essaye pas de déployer un large monde imaginaire complexe ; dans ce livre, Christopher Priest est bien plus intéressée par une réflexion sur la réalité et la nécessité de la questionner continuellement. Il nous parle d’un monde qui a passé trop de temps à accepter sans sourciller les informations qu’on lui donnait, et qui a finit par enfermer le savoir dans des secrets réservés aux seuls initiés. Un monde dans lequel la majorité des individus ne sont pas épanouis et risquent de se rebeller à n’importe quel moment.
Autre aspect très intéressant du livre, Christopher Priest dresse une stratégie narrative tout à fait fascinante dans lequel le lecteur doit rester sur le qui-vive. Il nous challenge et nous invite à répondre à une question fondamentale : sommes-nous prêts à croire à toutes les histoires qu’on nous raconte ? Parallèle forcément intéressant entre le plaisir de la fiction et la réalité de la politique de notre monde…
Je ne tiens pas à vous découvrir trop de choses de l’histoire, mais je dirais quand même que la fin du livre m’a absolument renversée. je l’ai trouvée à la fois originale, efficace et très déstabilisante… pour ne pas dire dérangeante. Le genre de fin qui ne vous laisse pas indifférent. Tout le livre est une grande réussite, mais la fin c’est encore la cerise sur le gâteau !
Cela faisait longtemps que je voulais lire ce roman, et évidemment j’avais très peur d’être déçue après tout le bien que j’en avais entendu. Et bien pas du tout : le livre a largement dépassé mes espérances. C’est une oeuvre originale, inclassable, très maîtrisée, et elle tient ses promesses. Du coup, maintenant je sais pourquoi tous les fans de science-fiction citent ce livre comme l’un des chefs d’oeuvre du genre.
Je pense que ce livre peut plaire à beaucoup de lecteurs, y compris les gens qui n’ont pas forcément beaucoup de curiosité pour la science-fiction. On ne parle pas de robots, de vaisseaux intergalactiques ou de choses comme ça ! C’est un livre qui parle essentiellement de l’Humanité, de son sens et de son devenir dans un contexte de plus en plus difficile (guerres, maladies, convoitises financières pour les ressources premières, risques écologiques…) pour l’homme. En ce sens, le roman est on ne peut plus universel.
P.S : j’ai eu un énorme coup de coeur pour la première phrase du roman, que je trouvé fascinante et très accrocheuse. Je ne résiste pas à l’envie de vous la faire découvrir : « J’avais atteint l’âge de mille kilomètres. »
A noter que le roman est disponible dans l’excellente collection SF de Folio.
Une réflexion sur “Le Monde inverti, roman de Christopher Priest”