Pourquoi aimons-nous les romans policiers ?

silhouette-sherlockCouteaux ensanglantés, tueurs en série, ruelles sombres inquiétantes, revolver, policiers cyniques… Quand on pense à la cohorte de drames et de personnages glauques qui traînent dans les pages des romans policiers, la question mérite d’être posée : pourquoi aimons-nous les romans policiers ? Qu’est-ce qui fait que les lecteurs, des gens normaux sans soucis psychologiques particuliers ni penchants morbides, peuvent apprécier de passer des heures en compagnie de crimes sordides ? Je ne sais pas pour vous, mais voici les réponses qui me semblent possibles.

Parce que nous aimons avoir peur

L’élément le plus élémentaire dans un roman policier, c’est le levier de la peur. On parle de crime, de mort, ça fait quand même froid dans le dos ! Et c’est peut-être ça qui nous attire. Tout comme les fans de cinéma qui apprécient les films d’horreur, les lecteurs attirés par les romans policiers aiment se payer une bonne trouille. Le frisson du danger et l’adrénaline sont d’ailleurs les maîtres mots sur lesquels reposent toute l’économie des parcs d’attraction à travers le monde. Nous sommes des gens équilibrés, et nous aimons faire trembler notre équilibre. Personnellement, certaines histoires m’empêchent de dormir la nuit : je me réveille à trois heures du matin, persuadée qu’il y a quelqu’un dans ma chambre… ce qui bien sûr est faux ! Je suis bon public, que voulez-vous ! Je crois donc que nous aimons sortir de notre zone de confort, quitter la sécurité de notre vie quotidienne et revenir à un état animal où les prédateurs rôdent autour de nous. Il faut rester sur le qui-vive pour leur échapper. A bien y réfléchir, il y a peut-être une explication anthropologique à notre passion dévorante pour les romans policiers ?

Parce que c’est dépaysant

Bien sûr ! A moins que vous soyez enquêteurs à la police judiciaire ou bien médecin légiste, vous avez peu de chance de croiser beaucoup de cadavres dans votre vie quotidienne. Sauf si vous êtes tueur en série ! Du coup, les longs discours de médecine légale ou les interrogatoires ont quelque chose de fascinant parce que ce n’est pas quelque chose auquel vous êtes confrontés dans votre vie quotidienne. De fait, le roman policier présente une réalité peu différente de la nôtre ; les faits divers du journal de 20 heures sont là pour nous le rappeler. Sauf que là, on voit les choses en direct, il ne s’agit pas d’un journaliste qui vous relate les faits. L’auteur vous embarque en direct dans l’histoire, dans la coulisse, dans les bas-fonds… Et cette plongée a quelque chose de fascinant parce que c’est un visage de l’humanité que nous n’avons pas l’occasion de voir très souvent (fort heureusement !)

Parce que nous sommes fascinés par l’interdit

Si on fait abstraction de tout principe religieux, on peut quand même tous se mettre d’accord sur le fait que le vol c’est mal, et tuer c’est pire encore. D’une manière générale, cela fait partie des règles élémentaires des sociétés occidentales (et pas seulement je crois). L’interdit on appelle ça. Et le meurtre en particulier a quelque chose de fascinant car c’est certainement le plus lourd de tous les interdits, à tel point que dans certains pays, il est puni par la peine de mort. Du coup, suivre les pas de quelqu’un qui viole cet interdit a quelque chose d’encore plus fascinant car c’est vraiment quelque chose qu’on ne ferait pas soi-même. Tout comme la science-fiction permet de s’affranchir des lois de la science, le roman policier permet de s’affranchir des lois tout court. La morale existe encore, bien sûr, car le lecteur est forcément dans le jugement. Mais les lois n’ont plus forcément court. Dans certains romans policiers, comme les aventures d’Arsène Lupin ou Fantomas par exemple, le héro est même carrément le criminel. Et si nous sommes capables d’éprouver de la sympathie pour les criminels, qu’est-ce que ça révèle de notre personnalité ?

Parce que nous aimons la rationalité 

Le roman policier, ce n’est pas seulement l’occasion de plonger dans les bas-fonds de l’humanité à la rencontre du pire et du monstrueux. C’est aussi un exercice intellectuel qui permet de résoudre un mystère. Et cette partie est peut-être plus importante encore que les crimes dont il est question. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir la fascination qu’exercent sur nous les personnages principaux les plus célèbres. Sherlock Holmes reste le génie absolu, et après lui le modèle du flic/enquêteur/détective ultra intelligent a fait une carrière fabuleuse ! L’intelligence humaine nous fascine : elle peut élaborer les crimes les plus complexes, et elle peut aussi servir à les élucider. Grâce à l’intelligence, plus aucun criminel n’est à l’abri. C’est aussi pour nous un élément très rassurant : l’intelligence humaine peut venir à bout de tous les mystères. Or, il y a tellement de choses dont le sens nous échappe dans la vie. Le roman policier met de l’ordre dans ce chaos qu’on appelle la vie. Et ça, ça nous rassure et ça nous fait du bien.

Parce que nous sommes tous des criminels en puissance ?

D’accord, pour celui-ci je mets un point d’interrogation ! Je ne suis pas sûre de mon coup, mais depuis que j’ai lu le roman de Stéphanie Mesnier Tueuses mais pas trop (un roman dans lequel un groupe de femmes ordinaires mettent au point des meurtres), j’ai des doutes sur ce point. Sommes-nous tous habités par des pulsions meurtrières ? Peut-être. Après tout, cela nous arrive d’être énervés après des gens, de vouloir que certains fâcheux disparaissent de nos vies d’une façon plus ou moins définitive. Qui n’a jamais prononcé, sous le coup de la colère, les mots : « Je vais te tuer ! » Vous voyez ! Bien sûr, je veux bien admettre que ce n’est pas parce qu’on le dit ou qu’on le pense un peu que ça fait de nous des tueurs en puissance. Mais il y a matière à réflexion. Qu’est-ce qui nous retient de passer à l’acte : le fait que ce soit immoral ? le fait que ce soit illégal ? le fait de ne pas avoir le courage ? La frontière est trouble, pour le moins. Je vous laisse méditer sur cette dernière piste de réflexion, et dans l’intervalle (afin de ne pas céder à d’éventuelles pulsions) , je ne saurais que trop vous conseiller la lecture de romans policiers. Ca évitera tout risque de passage à l’acte !

4 réflexions sur “Pourquoi aimons-nous les romans policiers ?

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