Interview de la romancière Stéphanie Mesnier

tueusesEn inventant une histoire dans laquelle les femmes se réunissent en club secret pour éliminer les hommes et autres fâcheux qui les entourent, Stéphanie Mesnier a réussi à écrire un excellent roman… et à donner de bonnes idées à ses lectrices ! Son livre, comédie policière jubilatoire dans laquelle la morale passe complètement au second plan, démontre les vertus thérapeutiques de l’imagination : puisqu’on ne peut pas faire ce qu’on veut dans la vraie vie, pourquoi ne pas se faire plaisir avec un bon livre ? La romancière, qui a déjà publié plusieurs romans, déploie dans cette nouvelle histoire un talent certain pour le suspens en même temps qu’un humour ravageur. Autant de bonnes raisons de l’inviter dans les pages d’Alivreouvert. Stéphanie a très gentiment accepté de répondre à plusieurs questions sur son livre, sa manière d’écrire et ses futurs projets. Une belle rencontre avec une Bloody Lady qui ne manque pas de fantaisie !

Pouvez-vous nous parler un peu de vous et vous présenter ?

Je brode des mots bleus sur du papier blanc. Je mens, j’invente, mais pour la bonne cause. J’aimerais ne rien faire d’autre que d’écouter les oiseaux chanter, mais je ne peux m’empêcher d’écrire. C’est plus fort que moi.

 Vous êtes journaliste de profession. Comment êtes-vous venue à l’écriture de romans ?

J’ai toujours voulu écrire, raconter des histoires, et lire celles des autres. Hélas, il est difficile de vivre de sa plume, et le journalisme nourrit mieux son homme (en l’occurrence, sa femme). De plus, c’est une excellente école d’observation, de psychologie et d’analyse. J’y ai appris à être concise, rigoureuse, et à ordonner mes idées. Mon travail de journaliste (je collabore au Canard enchaîné) nourrit mon œuvre de romancière.

Votre roman repose sur l’idée d’une association de tueuses. Comment vous est venue cette idée ? Vous citez le roman de Patricia Highsmith « L’Inconnu du Nord-Express » à un moment ; l’inspiration vous est venue de ce roman ?

Le mystère de l’inspiration ! Il m’est toujours difficile d’expliquer comment me vient une idée de roman, mais je la muris longtemps avant qu’elle n’éclose. J’aime les personnages de femmes. Ma première idée était d’écrire un livre sans qu’un homme n’y apparaisse, alors que toute l’intrigue tourne autour de lui. Le film de Georges Cukor, « The Women », fonctionne ainsi, avec un casting exclusivement féminin, et c’est une vraie réussite. Mais pour mon livre, cela ne marchait pas. Difficile de se passer des hommes… Pour ce qui est du roman de Patricia Highsmith, c’est en cours d’écriture que je me suis rendue compte que la merveilleuse mécanique du Club avait déjà été utilisée par une autre. Il était juste de rendre à César ce qui lui appartenait.

Vous-même en tant que lectrice, êtes-vous fan de littérature policière ?

Mes goûts sont très éclectiques. Mes auteurs préférés, en revanche, sont souvent anglo-saxons. J’aime leur humour, leur tournure d’esprit, leur légèreté qui ne manque cependant jamais de fond. Evelyn Waugh, Graham Green, P.G. Wodehouse, Armistead Maupin, Seth Greenland, Nick Hornby ou  Christopher Buckley ont leur place dans ma bibliothèque. Tout comme Henry James, Elizabeth Taylor, PD James, Edith Warthon, Jane Austen… Mais mon premier choc littéraire, lui, fut bien français : la découverte de Proust. Et mon premier chagrin : la mort de Julien Sorel dans Le rouge et le noir.

S’agissant du style, Tueuses mais pas trop est difficile à classer : c’est à la fois un roman féminin un peu dans la veine de la chick lit, et il y a pas mal d’humour, mais aussi un suspens qui s’approche du roman policier. Ce mélange des genres était voulu, ou bien est-ce apparu spontanément à l’écriture ?

Je ne cherche pas à appartenir à un genre. Je ne suis même pas certaine que Tueuses mais pas trop soit une comédie policière.

J’ai beaucoup aimé la manière dont vous ménagez les rebondissements dans votre histoire. Dans les premières pages du livre, j’avais de la compassion pour Georges parce qu’il avait l’air d’avoir une femme affreuse. Mais il y a un retournement de situation quand on découvre que c’est lui en fait l’encombrant. Quand vous écrivez, comment vous y prenez-vous pour ménager le suspens ?

Vous êtes la lectrice idéale : sensible, intelligente. D’une certaine façon, lire un livre, c’est le réécrire. Lorsque le roman paraît, il n’appartient plus à son auteur. Peut-être même qu’un bon lecteur est mieux à même d’en parler. Car en vérité, le livre lui est destiné, n’est-ce-pas ? Quant à Georges Hellis, je partage votre opinion à son sujet. Au début, je le trouvais séduisant bien que macho, et excellent journaliste. Cependant, il s’est tellement mal conduit…

Vous avez déjà écrit plusieurs romans. L’expérience acquise sur les précédents livres vous a-t-elle aidé pour ce livre ? Ou bien est-ce différent à chaque livre ?

C’est à la fois semblable et différent. Chaque livre incarne une nouvelle expérience, une nouvelle chance.

Dans cette histoire, les personnages masculins ne sont pas à la fête, et au contraire les femmes sont en position de force. C’est un roman très « girl power », non ?

Absolument. Mon sentiment est que si les hommes et les femmes sont égaux en droits (ils doivent l’être, et il reste du boulot pour passer de la parole aux actes), ils sont très différents par nature. Les Bloody ladies sont des féministes, mais à leur manière, subtile et efficace. Elles ne sont pas fans des Femen, par exemple. Et elles tiennent à ce que l’on conserve l’emploi du mot « mademoiselle », contrairement à certaines associations qui militent pour son abrogation.

J’ai aussi noté plusieurs passages assez acides sur le milieu des médias et sur celui de la politique. C’est la journaliste en vous qui a pris le contrôle de l’écriture ?

Plutôt la citoyenne, déçue par la trop grande connivence entre journalistes et politiques, et inquiète de constater à quel point nos élus ne sont pas à la hauteur de la situation.

Envisagez-vous d’écrire une suite à ce roman ? Parce qu’il me semble que le club des Bloody Ladies pourrait continuer à opérer, même si on ne parle plus de l’histoire de Camille ?

Vous avez raison, et cela reste une possibilité. Les réactions à la lecture du livre sont assez amusantes : les femmes déclarent connaître des Encombrants à inscrire sur la liste, les hommes disent qu’il faut se méfier de la gent féminine…

Et sinon, quels sont vos prochains projets ?

Un autre roman, bien sûr. Que je ne manquerai pas de soumettre à votre sagacité si j’arrive à son terme.

Pour finir, quelle a été votre dernière lecture coup de coeur ?

Mon année Salinger, de Joanna Smith Rakoff (chez Albin Michel). Un beau roman d’apprentissage et un hommage au New-York littéraire, que l’on peut apprécier même sans avoir lu Salinger.

Je remercie chaleureusement Stéphanie Mesnier d’avoir accepté de se prêter au jeu de l’interview… et d’avoir écrit cet excellent roman avec lequel j’ai passé un très bon moment. J’espère que cette interview, en plus de la chronique que je luis avais déjà consacrée, vous donnera envie de le découvrir. Pour ma part, je compte prochainement me plonger dans l’un des précédents romans de Stéphanie : Petits Désordres au château. Je vous en reparlerais évidemment dès que je l’aurais lu.

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