La Nouvelle Vie d’Arsène Lupin, roman d’Adrien Goetz

arseneA la fin du mois de mars, je commençais à faire le tour des sites des maisons d’édition pour étoffer ma wishlist quand je suis tombée sur une surprise chez Grasset : l’annonce d’un nouveau roman mettant en scène les aventures d’Arsène Lupin, transposées à l’époque moderne et écrites par un autre romancier que Maurice Leblanc, le créateur originel du célèbre gentleman-cambrioleur. La sortie était annoncée pour le 1 avril, et je dois avouer que dans le doute, j’ai cru à un canular des éditions Grasset. Ce n’était pas une blague du tout, le livre existe bel et bien, et j’ai donc pu me plonger avec délectation dans ce nouveau roman.

Pour cadrer les choses de façon plus précise, je rappelle qu’il y a quelques années, un dernier roman d’Arsène Lupin est paru. Maurice Leblanc n’avait pas achevé cette dernière oeuvre (qui était effectivement bâclée et absolument sans intérêt), et les lecteurs ne devaient cette publication qu’à l’opportunisme des héritiers ! J’avais lu ce livre, pleine d’enthousiasme, et j’avais été très déçue. Donc, cette fois-ci, de me plonger dans un livre écrit par un autre ne me semblait pas être un crime envers Leblanc, mais plutôt une chance de retrouver un peu de la magie des anciennes aventures.

Dans cette histoire, Arsène Lupin refait surface à notre époque, presque comme si de rien n’était. Un siècle s’est écoulé depuis ses aventures, mais notre éternel jeune homme est plein d’énergie, il s’intéresse aux nouvelles technologies, aux réseaux sociaux, à l’art moderne, et il est accro aux séries à suspens qu’il regarde en streaming sur internet. Un homme de son temps… ou plutôt intemporel. Immortel Lupin ? Et pourquoi pas ! C’est en volant la façade de la cathédrale de Strasbourg que notre voleur plein de charme refait parler de lui… et attire l’attention du jeune Paul Beautrelet, qui n’est autre que le descendant d’Isidore Beautrelet, cet jeune homme qui avait voulu défier Lupin et son intelligence avant de devenir lui-même admirateur du malfaiteur. D’aventures en aventures, le jeune Beautrelet va lui aussi tomber sous le charme de Lupin et embarquer pour une histoire incroyable, où le génie et le crime se côtoient dans des affaires fabuleuses, pleines de rebondissements. Et pour compléter le tableau, quoi de mieux que le ridicule enquêteur anglais, Herlock Sholmès lui-même, vieux rival que l’on aura plaisir à voir berné par la ruse de Lupin !

Il faut en convenir d’emblée : l’idée d’Adrien Goetz est sûrement inspirée par la série Sherlock de la BBC. Mais c’est une idée tellement agréable que l’on se passera de juger de son originalité ! Je suis personnellement une grande fan des aventures d’Arsène Lupin, que j’ai commencé à lire quand j’étais petite avec les tomes de la bibliothèque verte, avant de passer quelques années plus tard à de vrais tomes de l’oeuvre complète. Je préfère particulièrement la première partie de l’oeuvre de Maurice Leblanc, celle d’avant-guerre, car elle est plus légère, plus drôle. Lupin y est désinvolte, charmeur, plein de charme et de panache. Au fil des pages, on se rend compte que c’est cette époque que Goetz a cherché à retrouver. Il rend à Lupin son énergie, son sens du spectacle, son inconséquence aussi. Et on le suit comme des enfants ravis de partir à l’aventure.

Ce livre s’adresse à un lectorat assez large. On peut très bien n’avoir lu aucun livre de Maurice Leblanc et apprécier pleinement ce roman que nous propose Adrien Goetz. Mais il faut rendre hommage à cet auteur : les lupiniens auront plaisir à retrouver au fil des pages toutes les références aux oeuvres d’origine. Qu’il s’agisse de détails glissés au hasard ou bien de références explicites aux vieux livres et à Maurice Leblanc lui-même, l’ensemble offre un puzzle particulièrement plaisant. Et sous la plume d’Adrien Goetz, j’ai retrouvé mon héros.

Outre le passionnant jeu de poste, Adrien Goetz s’est attaché à transcrire le plus fidèlement possible le tempérament de Lupin, son énergie, et surtout sa manière d’être. Au siècle passé, il était très attaché à la vie sociale, aux coups d’éclats et à une certaine modernité. C’était un homme de son temps. C’est toujours aussi vrai aujourd’hui, même si les points de repère ne sont plus les mêmes. Il cambriole Facebook en volant tous les profils de la planète pendant vingt-quatre heures ; il fréquente les émirs, usurpe les identités de hauts-fonctionnaires, s’intéresse à la jeunesse dorée de la planète, mange des sushis… Son caractère le porte toujours vers la nouveauté, et tout ce qui est jeune l’intéresse. Il cultive toujours son goût pour l’art et pour le sport, mais c’est désormais au coeur d’une fondation d’art moderne qu’il cache ses appartements privés…

Autant d’éléments qui permettent d’inscrire le mythe de Lupin dans la tradition littéraire tout en lui offrant un lifting très efficace. En périphérie de ce tempérament finement ressuscité, on retrouve aussi des personnages familiers comme le cher Grognard, l’affreuse Joséphine Balsamo et bien sûr les deux enquêteurs anglais idiots. Un autre personnage est particulièrement réussi : celui de Paul Beautrelet, qui sert de porte d’entrée dans l’histoire, lui dont la famille est hantée par une vieille connexion avec Lupin. Le jeune Beautrelet a grandi à Etretat, hanté par les trésors cachés de l’Aiguille Creuse, la maison de Maurice Leblanc et la voix inimitale de Georges Descrières. En Beautrelet, on côtoie à la fin le mythe qu’est devenu Lupin en un siècle d’adaptations plus ou moins réussies, et aussi tout simplement la fascination toujours intacte que ses anciennes aventures peuvent inspirer aux lecteurs.

Adrien Goetz est un spécialiste des romans policiers – même si je dois avouer que je n’en ai jamais lu aucun. Avec ce roman, il se livre à un exercice de style périlleux, une sorte de fanfiction où il faut être au niveau de son modèle, tout en ayant conscience qu’il est presque impossible de rivaliser avec Leblanc. Pourtant, Adrien Goetz réussi son pari : j’ai souri plusieurs fois en lisant ce livre, car sous mes yeux je retrouvais un personnage que j’ai aimé pendant plusieurs livres, et que j’avais quitté à regret. Le voir revenir à la vie est un plaisir difficile à expliquer.

Le seul bémol que je mettrais, c’est que le livre est plus construit comme une suite de nouvelles que comme un vrai roman, et la fan que je suis aurait donc voulu avoir encore plus à lire. Mais avec Lupin, il ne faut jurer de rien : peut-être le reverrons-nous bientôt ?

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