J’ai découvert le roman d’Amaury Barthet, Le Diplôme, en suivant les actus des parutions Albin Michel pour la rentrée littéraire 2023. Un premier roman qui questionne la relation pour le moins chaotique de la société française avec la réussite sociale et les études supérieures. Des sujets passionnants qui promettaient une histoire hors des sentiers battus. Car étrangement, on ne peut pas dire que la question des études passionnent les romanciers. Pourtant, il y en a des choses à dire sur le sujet ! Car les études qu’on mènent, les choix de vie qu’on fait à un âge où ne se connait pas encore si bien que ça et où on a du mal à aborder l’avenir avec clarté, ces choix vont avoir un impact considérable sur nos vies. En fait, il n’y a pas plus romanesque que ce funeste coup du sort qui vous condamne d’avance à suivre un chemin dont il sera très difficile de bifurquer. Un chemin qui, pourtant, déterminera vos perspectives de bonheur et d’épanouissement.

Mon résumé du livre

Guillaume est prof d’histoire-géo en région parisienne. Et après quelques années d’enseignement, il a vite déchanté. Blasé par un système dans lequel ni les élèves ni les profs n’ont envie d’être en présence les uns des autres, il avance péniblement dans la vie. Guillaume se laisse porter par le chemin balisé de sa relation avec Cécile. Il continue de nourrir un ressentiment un peu mesquin envers la réussite de son frère aîné. Et a priori cette routine est partie pour durer.

Sauf que tout déraille le jour où Cécile quitte Guillaume. Désormais célibataire, il est bien obligé de se poser la question : que va-t-il faire désormais. Avec cette liberté nouvellement retrouvée, le voilà qui se remet à sortir. Et Guillaume rencontre bientôt Nadia. La jeune femme est belle, brillante et elle impressionne Guillaume qui n’en croit pas sa chance. D’ailleurs, il en est persuadé : si elle avait fait les « bonnes études » et décroché le précieux sésame d’un diplôme prestigieux, Nadia ne serait pas vendeuse chez Zara, mais elle occuperait un poste à responsabilités dans une grande entreprise. Elle vivrait une vie de confort, une vie plus facile…

Une idée germe bientôt dans la tête de Guillaume. Et s’il donnait un coup de pouce à Nadia en lui forgeant un faux diplôme ? L’idée est folle. Mais contre toute attente, elle fonctionne. Et Nadia se voit bientôt proposer un poste en or. La vie change alors radicalement pour le couple. Mais ce changement sera-t-il bénéfique ?

Mon avis sur Le Diplôme

Ce court roman d’à peine plus de 200 pages se lit avec une facilité déconcertante. A la manière d’un conte moderne, Amaury Barthet imagine une histoire dont le point de départ semble loufoque, pas du tout crédible. Sauf qu’une fois lancée, l’histoire ne nous laisse plus le temps de nous poser la question de la vraisemblance. Et ça devient secondaire. La seule chose qui compte, c’est de savoir comment cette expérience sociologique va finir. Et laissez-moi vous dire que c’est hautement addictif !

L’histoire de Guillaume et Nadia est palpitante du début à la fin. Amaury Barthet nous dépeint un couple qui n’est pas spécialement ambitieux, mais qui voudrait mieux. Qui rêve d’avoir une une vie un peu plus facile. Et après tout, pourquoi pas ? Au détour de cette histoire, l’auteur interroge cette division arbitraire dans l’enseignement français : il y a les études qui vont vous ouvrir les portes, et celles qui vous mènent à des voies de garage. Le fossé se creuse à cause de l’origine sociale de chacun : venir d’une classe favorisée vous permet de connaître les règles du jeu et vous assure de remporter une bonne part du gâteau. Mais pour tous les auteurs ? Est-ce que l’ascenseur social fonctionne encore dans notre pays ? Sans réelle surprise, la réponde est non.

Ce qui est hyper intéressant avec ce livre, c’est qu’il revient sur des sujets auxquels moi-même je me suis heurtée en tant qu’étudiante. A la fois parce que je ne savais pas trop quoi faire de ma vie, ce qui rendait le choix de mes études très anxiogène. Mais aussi parce que je ne venais pas d’un milieu dans lequel je pouvais bénéficier d’un guide pour me faire comprendre les enjeux derrière la connotation négative ou positive de tel ou tel diplôme. Or c’est vrai qu’n bon diplôme, un intitulé un peu ronflant, une école connue et cotée, ça vous donne une sacrée longueur d’avance pour chercher du travail.

C’est une chose qu’on ne dit pas assez aux étudiants. C’est une règle implicite. Et le roman d’Amaury Barthet imagine des personnages qui vont contourner les règles à leur avantage. Est-ce une mauvaise chose, de tricher dans un jeu de dupes ? La question de la moralité est passionnante, et elle donne lieu à une histoire dans laquelle la lectrice que je suis n’a pas trouvé de réponse. Et j’aime bien ce genre de livres qui me forcent à prendre parti, à m’investir vraiment dans l’histoire d’une manière ou d’une autre.

Le petit plus de ce livre, c’est la qualité de son écriture. Ne croyez pas que Guillaume est un redresseur de tords ! Au contraire, c’est un personnage qui se révèle plutôt mesquin, assez sournois, pas du tout un héros donc. Et son auteur prend visiblement un malin plaisir à mettre en scène une galerie de personnages secondaires qui ont tous la même ambiguïté morale que Guillaume : des gens biens qui prennent de mauvaises décisions, des gens profondément égoïstes qui ont eux aussi des sentiments, des gens dépassés qui commettent des erreurs de jugement et en payent parfois le prix fort.

Le Diplôme : une idée lecture pour qui ?

Le roman d’Amaury Barthet est le genre de roman que m’aide à me réconcilier avec la littérature française contemporaine. Un livre qui n’a rien d’artificiel, mais qui ose au contraire regarder la société française actuelle bien en face. J’ai aimé que le roman sonne vrai, qu’il aborde des questions de société, qu’il ose mettre les pieds dans le plat en démontrant à quel point notre société est inégalitaire. J’ai apprécié d’être transportée dans une histoire rocambolesque où il se passe quelque chose jusqu’à la toute fin. Et j’ai même aimé l’humour un peu décalé, un peu blasé, qui apporte une formidable énergie à l’écriture.

Je pense que c’est un livre qui parlera à tout le monde. C’est un vrai bon livre avec un propos social ainsi qu’avec une histoire divertissante. Je suis déjà très curieuse de découvrir les prochains romans de l’auteur.