Aujourd’hui, je poursuis mon exploration d’un genre littéraire que j’affectionne tout particulièrement : le roman Feel-Good. Et je sais que je ne suis pas la seule ! Mais pourquoi un tel engouement ? Facile : parce que c’est un genre de romans qui nous parle beaucoup de nous, de notre rapport à la vie, et de nos aspirations. A tel point qu’on peut facilement tirer un trait entre le roman Feel-Good et tous les enjeux qui concernent la santé mentale. Je le remarque à chaque lecture à cause des archétypes qui reviennent souvent dans le roman Feel-Good. Au final, ils en disent plus long sur nous, en tant que lectorat, que sur les personnages des histoires !
Est-ce une situation paradoxale ? Pas du tout. Car à bien y réfléchir, ces romans cultivent un petit côté « Développement personnel » qui fait justement leur charme. Et leur intérêt réside justement dans leur capacité à mettre des mots sur les maux de la société actuelle. Là où nous nous sentons souvent démunis, la fiction nous fournit les outils pour comprendre et nous inspirer sur le chemin du changement.
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Le changement de carrière professionnelle
Avant de lire beaucoup de romans Feel-Good, je pensais que c’était la romance qui en était l’ingrédient principal. Or, à force de lire plein d’histoires, je me suis rendue compte que souvent, l’élément déclencheur du roman Feel-Good était moins le changement de statut sentimental que le changement de carrière professionnelle. Le roman Feel-Good est véritablement irrigué par le thème de la reconversion professionnelle
Les exemples sont légion. Et ce qui est intéressant, c’est qu’on ne parle pas simplement de personnes qui quittent leur poste pour aller travailler ailleurs. Non, il s’agit dans l’écrasante majorité de personnes qui partent pour changer radicalement de métier. Le plus souvent d’ailleurs, ce sont des personnages qui décident de se mettre à leur compte, de reprendre un petit commerce, de devenir leur propre patron. Souvent aussi, il s’agit d’une passion ancienne qui refait surface. Comme une seconde chance de faire enfin le métier qui nous faisait rêver quand on était petits.
Ce que ça dit de nous : Sans surprise, cet archétype narratif correspond à une vraie tendance sociale. On l’appelle « La Grande Démission ». Et ce phénomène a encore été exacerbé par la crise sanitaire et les confinements successifs de ces dernières années. Les gens qui détestent leur job, ou en tout cas qui détestent le contexte dans lequel ils travaillent sont très nombreux. Moi-même, j’ai quitté mon emploi en CDI en janvier 2015 pour me lancer à mon compte. Alors bon, je n’ai pas racheté une guinguette en ruine pour devenir pâtissière/chanteuse de jazz, mais quand même !
Le roman Feel-Good parle à cette part de nous-même qui aimerait se lancer dans l’aventure. Mais qui ne le fait pas car c’est trop dangereux. Financièrement, on se dit que ça ne tiendra pas la route. On trouve tout un tas de raisons pragmatiques. Et du coup, la fiction qui consiste à s’épanouir au travail reste simplement ça : une fiction qui nous fait fantasmer.
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Une rupture amoureuse ou un deuil
Après le changement de carrière professionnelle, la crise émotionnelle arrive en second sur ma liste. C’est un archétype narratif très commun. Et d’ailleurs je suis certaine que vous êtres nombreuses à en avoir déjà croisé dans vos lectures. Normal : le Feel-Good doit pas mal à la romance, qui a vraiment été sa première source d’inspiration. Pas parce que c’est un genre obsédé par le happy end ; mais plutôt parce que c’est un genre qui aime convoquer des émotions fortes.
Beaucoup de romans commencent donc par une rupture amoureuse. Et finissent par une héroïne qui trouve finalement l’amour dans les bras d’une autre personne. J’adore cet archétype parce que souvent, il repose vraiment sur la capacité de l’héroïne à entreprendre un travail d’introspection. A se remettre en question. Et c’est cette évolution intime qui la place en capacité de rencontrer la bonne personne et de construire enfin une relation saine.
Pourquoi c’est intéressant : parce que c’est l’occasion d’aborder le sujet des relations toxiques, de l’insécurité affective, du manque d’estime de soi, mais aussi de la charge mentale des femmes. Autant de sujets qui ne sont pas forcément sexy a priori, mais qui forment un socle très intéressant pour expliquer la nécessité d’un changement de vie.
Mais la rupture amoureuse n’est pas le seul chemin émotionnel qu’on trouve fréquemment dans le roman Feel-Good. L’archétype de la remise en question est aussi étroitement lié au deuil. C’est un sujet que j’ai retrouvé dans plusieurs romans. Et souvent c’est traité avec habileté, pour déclencher la remise en question de l’héroïne. La confrontation avec la perte d’un être aimé est l’occasion de faire le point et d’entreprendre enfin le chantier du grand changement qui permettra le bonheur.
Ce que ça dit de nous : Cette observation n’est pas la plus confortable. Mais je pense que ces deux archétypes du roman Feel-Good soulignent à quel point nous sommes des créatures trop routinières. Une fois que nous sommes installés dans un quotidien rassurant, il est très pénible et trop effrayant de le quitter. Même si il ne fait pas notre bonheur. Nous abordons souvent les relations sentimentales comme une habitude dont il est trop dur de se détacher. Et quand on a déjà investit tant d’années dans une relation, ce n’est pas pour jeter l’éponge finalement, non ? Sauf que le roman Feel-Good démontre notre envie de changer justement. La rupture nous fait fantasmer. Il y a de quoi s’interroger ?
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Le retour à la nature
J’avoue tout : c’est certainement l’archétype du roman Feel-Good que j’aime le plus. Et pour cause : moi-même j’ai quitté la région parisienne pour déménager en pleine forêt !
Le retour à la nature est presque indissociable du roman Feel-Good, tant cet archétype narratif se retrouve dans de nombreuses histoires. L’héroïne part s’installer à la campagne, en bord de mer, sur une île quasiment déserte… Et c’est toujours un endroit de rêve. Pas parce que c’est glamour, mais parce que c’est calme. Ce nouveau cadre favorise le retour à une vie plus simple, moins stressante. Et souvent, le fait de se reconnecter à la nature implique aussi de se reconnecter avec les autres êtres humains. Il s’agit de retrouver le sens de la communauté, de s’ouvrir aux autres.
Evidemment, je me méfie des déviances de ce thème. Il présente une vision idyllique du retour à la nature, comme s’il était facile pour des citadins pur-jus de se retrouver soudainement privé de tout le confort d’une grande agglomération. Fini les transports en commun. Adieu le large choix de restos sympas. Et au revoir les nombreuses sources de divertissement. La vie frénétique et hautement instagrammable n’est plus qu’un lointain souvenir. A la place, il faut vraiment jouer le jeu et puiser dans le retour à la nature la force de vivre au rythme des saisons. Ce qui n’est pas facile pour tout le monde. Et les romans qui abordent ce thème avec le plus de pertinence sont souvent ceux qui mettent justement en lumière la difficulté de s’adapter à un mode de vie plus simple.
Ce que ça dit de nous : que nous fantasmons sur un mode de vie plus simple… mais que nous sommes peu nombreux à oser sauter vraiment le pas. Parce que nous sommes habitués à un certain confort au quotidien, à une vie qui n’est pas encore émancipée du matérialisme. Et malgré les beaux discours sur la déconsommation et le respect de la nature, c’est une autre paire de manches de cultiver vraiment son potager soi-même ! Malgré tout, il y a un véritable appel de la nature que nous ressentons toutes et tous. C’est là, bien tangible. Et ça nous obsède tout en nous faisant peur en même temps. C’est à se demander si la nature est encore l’habitat naturel des êtres humains ?
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Renouer avec les racines
Je poursuis ma métaphore environnementale pour parler de racines. Celles de notre famille bien sûr. Je me suis rendue compte avec le temps à quel point cet archétype était intéressant dans le roman Feel-Good. Et je trouve qu’il est surtout monté en puissance ces dernières années. Est-ce un effet de la pandémie ? L’isolement que nous avons vécu avec les confinements nous a donné envie de passer du temps avec nos proches. Et à force d’entendre parler de la solitude des personnes âgées, peut-être que nous avons fini par comprendre à quel point le temps qu’on passe entre plusieurs générations peut être précieux.
Les romans Feel-Good sont nombreux à mettre en scène un retour au source. Les héroïnes qui retrouvent les lieux de leur enfance sont devenues mon pêché mignon. Et les romancières ont souvent de bonnes idées pour donner du sens à ce qui pourrait passer pour un bête retour en arrière. Qu’il s’agisse d’expliquer la nécessite de l’éloignement ou ce qui motive le retour auprès des siens, les romans Feel-Good nous parlent de la famille. De la force qu’on puise auprès d’elle. Mais aussi de l’effort que c’est d’entretenir de bonnes relations avec nos proches. De ce que ça nous coûte de faire face à des non-dits, à des disputes ou à des secrets de famille. Dans beaucoup de livres, le sujet est : comment construire une relation parent/enfant quand les enfants sont devenus des adultes ? Comment se positionner vis-à-vis des parents quand on n’est plus dans une relation de dépendance avec eux ? Quel est le sens de cette relation désormais ?
Ce que ça dit de nous : La bonne nouvelle, c’est que cet archétype confirme à quel point nous restons attachés à nos racines. A quel point la famille reste un repère important dans nos vies. Je pense que la vertu principale de ce thème, c’est de rappeler que la famille parfaite n’existe pas. Et que nous sommes nombreuses et nombreux à être confrontés à des situations délicates à gérer au quotidien. Mais nous partageons la même volonté de faire la paix avec notre passé. Parce qu’il ne peut pas y avoir d’avenir épanouit sans un passé apaisé. Et renouer avec ses racines, c’est justement se donner la chance de tourner la page.
Qu’avez-vous pensé de ce petit guide des archétypes narratifs du roman Feel-Good ? Et quels sont les autres éléments qui vous captivent dans ces livres ?
Cette semaine, ne manquez pas ma mise en ligne des conseils lectures en fonction des archétypes narratifs que vous préférez !