L’année dernière, je me suis lancée un petit défi lecture à moi-même : en apprendre plus sur la littérature italienne contemporaine. Le déclic s’est fait au moment de mon interview avec la fabuleuse Flavia, la libraire installée à Chambéry qui dirige une librairie bilingue français-italien joliment nommée L’Accent qui chante. Depuis l’année dernière, je profite donc de mes moments en bibliothèque pour emprunter des romans italiens. Et c’est comme ça, au détour d’un rayon, que je suis tombée sur La Vie parfaite, un roman écrit par Silvia Avallone. La couverture n’est pas particulièrement attrayante. Je ne connaissais pas le nom de cette romancière. Donc c’est vraiment le titre qui m’a fait tilter. Avec une couverture aussi austère, ce titre avait quelque chose de provocant. Et c’est ce qui m’a donné envie de le prendre pour lire le résumé de la quatrième de couverture. En quelques lignes seulement, j’ai eu le sentiment confus que j’allais aimer ce livre. Est-ce que ça vous a déjà fait ça ? Et effectivement, la lecture de ce roman a été un fabuleux coup de coeur.
Mon résumé du livre
Adèle a tout juste dix-huit ans. Elle prend le bus seule dans cette banlieue de Bologne qu’elle habite depuis presque toujours. Sauf qu’elle ne va pas au lycée. Adèle vient de perdre les eaux et elle part pour l’hôpital, prête à accoucher, sans personne pour l’accompagner. Et sur le chemin, elle se prépare à abandonner son enfant à naître, cette petite fille avec laquelle cohabite depuis neuf mois, et à laquelle elle espère offrir une vie meilleure en la confiant à l’adoption.
Neuf mois plus tôt, Adèle n’imaginait pas en arriver là. Personne n’aurait pu prédire l’avenir. Ni Zeno, le voisin d’Adèle qui vit seul avec sa mère et tente de remplir le vide de sa vie avec l’écriture, en observant les autres familles au-dehors des murs de leur appartement triste. Ni Dora et son mari Fabio, mariés depuis sept ans, qui tentent désespérément de fonder une famille en empêchant leur couple de se détruire à cause de cet effort d’amour qui se heurte au mur de la stérilité. Ni Manuel, le caïd du quartier qui rêve de fortune facile pour enfin prendre sa revanche sur une vie qui l’a constamment maltraité.
Ils ne le savent pas encore, mais tous ils vont vivre les mois les plus décisifs de leur vie. Et tous, ils sont appelés à se croiser à un moment donné.
Mon avis sur La Vie parfaite
Parfois, avant même de lire un livre, on a une intuition. Une image assez nette des sentiments que porte ce livre, même si on ne l’a pas encore lu et qu’on ne connait pas son histoire. Je ne sais pas si je suis la seule à ressentir cet élan. Mais j’ai vécu ce sentiment de reconnaissance avec ce roman. Et chaque étape de la lecture m’a confirmé que j’avais vu juste. Je m’attendais à une histoire qui pourrait défier le concept de « vie parfaite ». Et je n’ai pas été déçue.
Silvia Avallone nous invite à entrer dans un roman chorale. Un de plus, allez-vous me dire ? Oui, mais celui-ci est différent. D’abord parce qu’il est réussi. Les personnages ont de bonnes raisons d’être liés les uns aux autres. Ensuite parce que les relations qu’ils entretiennent n’ont rien d’artificiel, mais elles sont au contraire très puissantes, même s’il ne s’agit parfois que de rencontres très brèves.
Trop de romans chorale sont un ramassis de bons sentiments qui ne mènent nulle part. A tel point que le concept du roman à plusieurs voix n’a plus aucun intérêt. Ce n’est pas parce qu’on fait parler plusieurs personnages en parallèle qu’ils ont forcément des choses intéressantes à dire, ou des sentiments profonds à partager avec le lecteur. Ici, c’est tout le contraire. Chaque personnage aurait pu être le personnage principal de son propre roman. Mais ce qui fait sens, c’est qu’ils soient tous en mouvement au même moment. Et même s’ils n’ont pas conscience de ce qui est en train de se jouer, nous en tant que lecteurs, on le sait.
Ce roman évoque la parentalité sous ses nombreux aspects. Les plus tendres et les plus chaotiques. Les parents qui se font du soucis pour leurs adolescents, en espérant qu’ils vont se construire une belle vie malgré les embuches sur leur chemin. Les ados qui doivent prendre leur envol, s’émanciper de l’inquiétude parentale, sans avoir forcément une idée précise de ce qu’ils veulent faire. La jeune fille qui va accoucher et se demande si elle peut être une mère alors qu’elle ne se sent toujours pas adulte. Le couple adulte qui a tout fait comme il faut pour mener une vie responsable et épanouissante, mais dont la stérilité menace d’effondrer toute cette « vie parfaite » à cause d’une seule absence.
La Vie parfaite est un roman paradoxal. Il est très dense car les sujets abordés sont teintés de gravité et de beaucoup de réalisme. Et en même temps, c’est un livre très facile à lire parce qu’il est porté par une écriture sincère, sans fioriture. Silvia Avallone écrit avec tendresse, avec honnêteté. Elle nous fait partager les tranches de vie de personnes qui sonnent vrai. Ce livre est écrit avec le coeur, mais aussi avec les tripes car il dépeint vraiment la vie quotidienne dans tout ce qu’elle a de dur et de chaotique parfois, et d’incroyablement magique à d’autres moments.
La Vie parfaite : une idée lecture pour qui ?
Si vous avez envie de plonger dans un roman qui va vous faire ressentir les émotions de façon intense, alors ce livre est fait pour vous. C’est un peu l’antithèse des romans français contemporains que je trouve souvent trop intellos, trop vides de sens, trop préoccupés par le milieu social petit-bourgeois, et finalement incapables de s’intéresser à « la vraie vie ». Silvia Avallone s’intéresse à des personnages qui pourraient être trop rapidement résumés à leur tristesse, à leur souffrance, à leur misère. Mais elle va au-delà des clichés faciles pour nous raconter la richesse de leur existence. Chaque histoire mérite d’être racontée. Et les histoires qui touchent à la parentalité sont peut-être les plus complexes, car ce qui est en jeu c’est la vie même. Le regard qu’on porte sur cette vie, la nôtre et la suivante, celle qu’on va créer biologiquement ou accompagner émotionnellement. C’est un merveilleux sujet pour un roman. Et dans celui-ci il est merveilleusement traité.
Bonne lecture !
Une réflexion sur “La Vie parfaite, roman de Silvia Avallone”