MotherCloud, roman de Rob Hart

MotherCloud, roman de Rob Hart

MotherCloud est paru juste avant le confinement. A la fois une bonne et une mauvaise chose. Une mauvaise chose parce qu’évidemment c’est plus difficile de faire découvrir un nouveau livre aux gens quand ils n’ont pas le moyen de sortir de chez eux pour se rendre en librairie. Une bonne chose parce qu’étant donné la crise planétaire que nous traversons à cause de la pandémie, le roman est encore plus d’actualité. Dans un monde en perpétuelle mutation, où il est important d’être au courant du dernier hashtag à la mode et où prendre de la distance avec l’actualité est devenu quasiment impossible, on se rend compte à quelle point les mutations profondes de notre société sont liées à notre façon de consommer. Consommer les médias, consommer la technologie, consommer encore et toujours. Et c’est bien de ça que Rob Hart parle dans son roman MotherCloud.

 

Gibson, Zinnia et Paxton ont une chose en commun : l’entreprise de commerce en ligne MotherCloud. Gibson a fondé l’entreprise à partir de rien, et il a depuis bâti un empire. Mais il n’en profitera plus très longtemps : son médecin vient tout juste de lui apprendre qu’il lui reste seulement un an à vivre. Zinnia et Paxton font partie de la dernière fournée de nouveaux employés à entrer dans l’un des centres de traitement de MotherCloud. Une fois à l’intérieur de cette entreprise tentaculaire, les voilà à la merci d’un système complet : les employés vivent sur place, sont suivis à la trace, sont maintenus dans une dépendance de tous les instants envers l’entreprise omniprésente. Pourtant la machine peut se gripper. Zinnia est là pour percer à jour les secrets de MotherCloud. Mais l’espionnage industriel est un jeu risqué. Et pour Paxton, qui souhaite rentrer dans le moule et ne pas faire de vagues, les ennuis pourraient quand même arriver d’eux-mêmes. Car comment peut-on se résoudre tout à fait à laisser une entreprise vous déshumaniser ?

Pour présenter MotherCloud, les éditions Belfond n’ont pas hésité à comparer le livre avec d’autres romans puissants : 1984 de George Orwell, ou encore La Servante écarlate de Margaret Atwood. Il ne s’agit pas d’une crise de mégalomanie de la part de la maison d’édition, mais d’une présentation toute lucide : MotherCloud n’est pas un roman qui présente une société différente de la nôtre. Il présente ce qui pourrait arriver si nous continuons dans la direction sociale qui est la nôtre actuellement.

Pas besoin d’être fan de science-fiction pour lire MotherCloud. Même s’il s’agit d’une œuvre de fiction, on est loin de la science-fiction, et au contraire le roman met en place des parallèles avec notre monde actuel. En le lisant, j’ai pensé à des sociétés comme Amazon (un site devenu incontournable ; pratique oui, mais à quel prix ?) ou encore Apple (quand une marque est capable de susciter autant de ferveur et de fidélité aveugle de la part de ses clients, peut-on parler de « religion commerciale » ?). La figure de Gibson, le fondateur de MotherCloud fait d’ailleurs penser à Steve Jobs ou d’autres gourous des nouvelles technologies.

MotherCloud, roman de Rob HartTrès rapidement, ce qui frappe dans ce roman, c’est la banalité de la situation. Le taux de chômage qui fait que les gens sont prêts à accepter n’importe quel emploi, les conditions de mal logement, le sentiment d’être enfermé dans un réseau dirigé par les multinationales, une masse informe rendue docile par la peur et le stress… MotherCloud tend un miroir vers notre société en grossissant un peu le trait. Et le résultat fait froid dans le dos.

En résumé, c’est vraiment un livre qui fait réfléchir. En alternant les points de vue de trois personnes, Rob Hart nous donne à voir tous les coins et recoins du système MotherCloud. On se sent soi-même pris au piège, et on a forcément une rage qui monte pendant la lecture. L’envie de se révolter. MotherCloud est un livre sur la prise de conscience nécessaire d’une société qui doit se remettre en question, si elle ne veut pas finir par s’auto-détruire en reniant toute son humanité. A la lumière des événements que nous traversons en ce moment, c’est une lecture qui vous donnera matière à réfléchir. Le propos de Rob Hart n’est d’ailleurs pas de culpabiliser les consommateurs et citoyens que nous sommes. Mais simplement de nous faire prendre conscience que nous sommes loin d’être impuissants face à la marche de la société. La façon dont nous votons, dont nous consommons peuvent faire entendre nos voix et peuvent influer sur la direction dans laquelle la société va continuer d’avancer.

Vous en pensez quoi ?