Il y a beaucoup de bibliothèques très célèbres en France. Pourtant, certaines de nos bibliothèques les plus prestigieuses ne sont pas toujours bien connues du grand public. Normal : elles sont réservées au chercheurs et le commun des mortels ne peut pas y pénétrer facilement. Aujourd’hui, c’est de l’une de ces pépites que j’ai envie de vous parler. Pour cela, je vous emmène vous balader en bord de Seine, à Paris, du côté de l’Institut de France pour découvrir la bibliothèque Mazarine qui n’est autre que la plus ancienne bibliothèque publique de France. Oui, rien que ça !
Si je vous dis Mazarine, peut-être que certains d’entre vous auront fait le rapprochement avec le cardinal Mazarin, et ils auront eu raison. A l’origine de la bibliothèque Mazarine actuelle on trouve la bibliothèque personnelle du cardinal Mazarin, premier ministre de Louis XIV. Mazarin était passionné par le savoir et toutes les sciences. Au fil des années, il s’était constitué une bibliothèque personnelle énorme comptant plusieurs milliers de volumes (ce qui, pour l’époque, était tout de même remarquable). Mais lorsqu’il a quitté Rome pour venir en France, il a laissé sa bibliothèque derrière lui. Refusant de vivre sans livres et souhaitant poursuivre sa collection, il décide d’engager Gabriel Naudé, un érudit très réputé à l’époque, pour acheter de nouveaux livres et gérer la nouvelle bibliothèque.
Naudé est un bibliothécaire passionné et zélé qui va fournir un travail incroyable. Il acquiert des ouvrages non seulement en France mais aussi dans d’autres pays européens, constituant petit à petit un véritable trésor. En parallèle, Mazarin achète plusieurs fonds de bibliothèques privées pour enrichir sa collection personnelle. Les chercheurs estiment ainsi que la bibliothèque de Mazarin contenait pas moins de 40 000 ouvrages vers 1648, ce qui en faisait la plus importante bibliothèque privée d’Europe.
Mais l’histoire ménage bien des rebondissements, et celle de Mazarin a eu son compte. Mazarin connaît plusieurs périodes de disgrâce plus ou moins importantes, et ses possessions personnelles sont plusieurs fois menacées. La bibliothèque évite le pire de justesse à plusieurs reprises, mais lorsque la tête de Mazarin est mise à prix par le Parlement de Paris, les choses prennent une toute autre tournure. La récompense est de 150 000 livres (la monnaie). Une somme énorme que le Parlement n’a pas. Du coup, pour la financer, il décide de confisquer les biens de Mazarin, à commencer par sa bibliothèques. La mise en vente des livres (ceux de papier cette fois !) doit couvrir les frais. La dispersion de la bibliothèque est actée et a lieu, malgré les tentatives de Naudé pour sauver les livres. Le bibliothèque réussit d’ailleurs à escamoter plusieurs volumes afin de les mettre en sécurité.
En 1653, les choses se sont améliorées pour Mazarin qui peut revenir en France et rentrer dans ses possessions… enfin, ce qu’il en reste ! Et son obsession est alors claire : reconstituer sa bibliothèque ! Malheureusement, entre temps, Naudé, le fidèle bibliothécaire, est mort. Un fait qui ne suffit pas à freiner Mazarin qui engage donc l’ancien assistant de Naudé, François de la Poterie avec une mission claire : retrouver un maximum d’ouvrages et en acquérir d’autres.
François n’a pas un travail facile, mais les fonds du cardinal l’aident à mener sa tâche. Il remet la main sur les ouvrages sauvés par Naudé et sillonne la France et l’Europe pour acheter d’autres livres. Vaille que vaille, la bibliothèque retrouve son ancienne splendeur avec une collection presque aussi importante qu’avant.
En vieillissant, Mazarin décide de prendre des dispositions pour que sa bibliothèque ne soit pas à nouveau démantelée à sa mort. Il décide donc de la léguer au Collège des Quatre Nations nouvellement créé et situé dans un superbe bâtiment qui trône fièrement sur le quai de Conti. L’avenir de la bibliothèque Mazarine est ainsi assuré.
La Révolution Française va passer par là mais sans porter atteinte à la bibliothèque. Le collège est fermé mais la bibliothèque est maintenue en activité, et elle le restera toujours désormais. Les confiscations de la révolution vont d’ailleurs être l’occasion pour les responsables de la bibliothèque de porter secours aux autres bibliothèques privées qui sont pillées au nom de la révolution. Les bibliothécaires, sous couvert d’enrichir le fonds de la Mazarine, réussissent à sauver un nombre important d’ouvrages et à les intégrer à leur catalogue. Une opération de sauvetage de grande envergure, si on peut dire !
En 1805, l’Institut de France emménage dans les anciens murs du Collège des Quatre Nations et devient officiellement responsable de la bibliothèque Mazarine qui lui est rattachée et reste à sa place. Les choses n’ont plus changé depuis. La bibliothèque compte aujourd’hui 600 000 ouvrages, ce qui en fait l’une des plus importantes collections de l’hexagone.
Malgré les différents événements politiques qui ont pu secouer l’histoire de France au fil des siècles, elle est toujours bien présente, témoin privilégié de l’évolution de l’accès à la culture en France. Fondée par un riche cardinal, mise ensuite à disposition d’une élite aristocratique, elle est désormais accessible à tous les chercheurs et étudiants qui en ont besoin. Quatre siècles après sa fondation, elle est plus que jamais le sanctuaire du savoir et de la transmission.
Quelle belle bibliothèque! Un rêve de bibliophile 🙂
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Je l’ai visité une fois, en fin de journée, déserte. Elle était splendide. Avec le joli carillon argentin de sa pendule Louis XVI. J’y serais bien restée.
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Quelle chance!!!
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Sublime !
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Magnifique!
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