Le cinéma et la télé sont-ils les meilleurs alliés du livre ?

Pink-Popcorn

La question soulevée aujourd’hui risque d’être un peu subversive. Et pourtant, elle est rendue légitime par l’actualité. Les adaptations de livres n’ont jamais été aussi nombreuses, que ce soit au cinéma ou à la télévision. On ne compte plus les films et les séries tirées d’histoires nées de l’imaginaire d’auteurs. Sherlock Holmes, Le Livre de la Jungle, Le Trône de fer, Forrest Gump, Harry Potter, les comics, les romans de Jane Austen, Agatha Christie, Stephen King… Tous des succès sur les écrans, mais d’abord des succès de librairie. Mais comment expliquer cette vampirisation des histoires écrites ? Et faut-il s’en inquiéter ? A force de méditer sur le sujet, j’en suis venue à me dire qu’au lieu de représenter un danger, ces adaptations représentaient au contraire peut-être une formidable opportunité pour permettre à la littérature de continuer à exister.

En cas de panne d’inspiration, prenez un livre…

A force de voir la mention « Adapté du roman de X » dans les génériques, j’ai fini par me dire que les scénaristes étaient des fainéants payés à rien faire. Réaction épidermique face au pillage des librairies, tout ça pour faire de l’argent au cinéma ou à la télévision. Ce sentiment de ras-le-bol s’est trouvé exacerbé par le nombre trop élevé d’adaptations affligeantes. Des films dont je suis sortie avec l’envie de me taper la tête contre les murs tellement ils étaient mauvais et faisaient honte au matériau d’origine. Les adaptations étaient devenues pour moi un casus belli. En même temps, ça me faisait un peu mal au cœur de passer pour la lectrice hystérique de service qui passait son temps à dire aux autres que « le livre était mieux » !

Du coup, je me suis un peu reprise en main et j’ai essayé de prendre un peu de recul par rapport à la mode des adaptations. Car quand on y réfléchit deux secondes, ce mouvement de repli sur la chose écrite n’est rien d’autre qu’une tactique calculée de la part des studios. Les films coûtent de plus en plus cher à faire, et les studios veulent un maximum de garanties que le film va marcher et rapporter de l’argent. On appelle ça le retour sur investissement, et aucune industrie n’échappe à cette règle. Donc, faire appel à des histoires déjà connues du grand public peut s’entendre comme un choix judicieux. Quand les studios décident de faire un film sur Sherlock Holmes, pas besoin d’expliquer qui sont les personnages et de quoi ça parle. Quand HBO décide d’adapter Game of thrones, l’enthousiasme des geeks du monde entier suffira à enflammer le public et amorcer le buzz. L’adaptation ne relève donc pas de la paresse, mais plutôt du calcul stratégique.

Les adaptations se répandent plus vite que des zombies !

Quel est le point commun entre les adaptations de romans et les zombies ? Ils se répandent aussi vite les uns que les autres et personne ne leur résiste ! Je plaisante… mais à peine. J’adore entendre autour de moi des gens dire « Moi, je n’aime pas lire »… ces mêmes gens regardent continuellement des films ou des séries adaptés de romans. Ce n’est donc pas une petite victoire ! Les histoires de la littérature sont partout autour de nous, même là où ne les attend pas forcément. Ainsi, beaucoup de gens autour de moi ont été surpris quand je leur ai signalé que L’Etrange Histoire de Benjamin Button était en fait l’adaptation d’une nouvelle écrite par Francis Scott Fitzgerald. Je ne cherche pas à être narquoise, mais juste à montrer que dans la littérature aussi on a de bonnes histoires.

Aujourd’hui, la frontière entre la littérature et le cinéma/la télévision est devenue très poreuse, et ce n’est plus possible de dire qu’on aime l’un et pas l’autre vu les nombreuses passerelles qui existent entre les deux. San compter que parfois, les adaptations font preuve d’une créativité bienvenue et apportent quelque chose de neuf à des histoires qu’on croyait pourtant connaître.  C’est le cas du film Le Prestige adapté du roman éponyme de Christopher Priest ; mais c’est aussi le cas de la série Sherlock qui revisite brillamment l’univers de Sherlock Holmes en le changeant d’époque. Parce que ce qui importe après tout, ce ne sont pas les repères ou les codes, mais bel et bien les histoires.

Le cinéma et la tv, meilleure pub pour les livres

Lorsque le premier Sherlock Holmes de Guy Ritchie est sorti au cinéma, il s’est produit un phénomène incroyable : les ventes des livres d’Arthur Conan Doyle sont reparties à la hausse. A tel point que certains livres étaient en rupture de stock en librairie ! La tendance a encore été renforcée par la série Sherlock, dont la popularité a donné envie à pas mal de monde de se plonger pour la première fois dans les pages des livres. Même cas de figure lorsque Le Seigneur des Anneaux était sorti au cinéma. Tout d’un coup, on avait l’impression de découvrir la fantasy en France… ce qui n’était pas totalement faux puisqu’avant que la trilogie ne sorte, la fantasy était très déconsidérée en France, et on pensait que c’était un truc débile pour les geeks. Sauf que les bonnes histoires peuvent s’adresser à tout le monde pourvu qu’on soit un peu curieux. Pour parler de mon cas personnel, je dois dire que je me suis mise à lire les tomes de la saga du Trône de fer à cause de la série télé. J’ai tellement aimé cette histoire et son univers que j’ai eu envie d’aller plus loin, d’embarquer à bord de cette lecture. Je ne le regrette pas. Et je suis même un peu triste à l’idée que, sans la série, je n’aurais peut-être jamais lu ces excellents romans.

Aujourd’hui, le buzz qui entoure certaines adaptations confine presque à la pression sociale. Certains films ou certaines séries sont devenus tellement populaire que celui qui ne les a pas vue passe pour un asocial dans les soirées. Je ne tiens pas à sombrer dans ce genre d’extrémisme. Pour ma part, je constate juste que certaines personnes atteignent le beau rivage de la littérature après être passées par la case cinéma ou télévision. Mais ce qui compte, au fond, c’est qu’ils finissent par ouvrir un livre, non ? Car, par le biais de l’adaptation, les réfractaires à la lecture découvrent simplement le plaisir de l’histoire. Ils font tomber tous leurs jugements et leurs a priori sur la littérature pour se concentrer sur ce qui est essentiel : le plaisir que l’on a à découvrir une bonne histoire, à s’attacher à des personnages, et surtout à vouloir à tout prix découvrir la suite d’une histoire !

Autant de raisons qui me font penser maintenant que le cinéma et la télévision sont devenus, en l’espace de quelques années, des atouts précieux et les meilleurs défenseurs de la littérature. Ils remettent le divertissement sur le devant de la scène en jetant un peu de lumière sur des histoires qui méritent de rencontrer le grand public. Et si, au final, cela draine plus de monde dans les librairies, je pense qu’aucun de nous ne s’en plaindra !

4 réflexions sur “Le cinéma et la télé sont-ils les meilleurs alliés du livre ?

  1. fjva dit :

    Je partage ton constat pour le Seigneur des Anneaux : il a permis que la fantasy sorte en France de son « ghetto » de littérature pour ados… Matrix a fait un peu pareil pour la science-fiction, et maintenant, grâce à Harry Potter, plus grand-monde ne regarde de haut le fantastique ou la littérature qui est *effectivement* conçue pour les ados, et tout le monde ou presque regarde Games of Thrones (sauf moi, mais c’est un autre sujet 😉 ).
    C’est un peu le monde à l’envers : les trucs qui avant étaient un truc de geek qui te faisait regarder avec condescendance sont maintenant à la mode.
    Mais bon, l’important, c’est qu’un maximum de gens se rendent compte que les livres, et les littératures de genre, c’est comme tout : il y a de bonnes histoires dedans. Il suffit de les trouver.

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    • Alivreouvert dit :

      Je suis d’accord à 100% avec ton commentaire. C’est d’ailleurs fou que la culture geek soit devenue à ce point à la mode. Je pense que les nouvelles générations de dirigeants ont une vision moins élitiste… ce qui est une bonne chose !!

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      • fjva dit :

        Les dirigeants… Pas politiques! Je pense plutôt que les ex-geeks ont, pour la plupart, obtenu des jobs qui ne payent pas trop mal, donc ils consomment, donc les majors leur fournissent des séries et des films. Sans compter qu’un certain nombre d’entre eux ont monté leurs business à succès, dans l’informatique (internet etc), ou en faisant importer mangas, etc. Et puis il y a eu convergence: les non-geeks ont commencé à trouver intéressant l’informatique (enfin, le web), la SF etc, pendant que les geeks se sont trouvés grâce au web et se sont sociabilisés – d’autant qu’ils ont maintenant des sujets communs avec les non-geeks.

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  2. topobiblioteca dit :

    J’aime beaucoup ton article et je suis d’accord, du moment que cela permet aux gens de se diriger vers les livres, c’est un bon moyen ! Ensuite, faire des adaptations à gogos d’un genre, au hasard la dystopie, pour finalement en faire des films à buzz qui n’ont rien d’exceptionnels j’en suis triste mais on n’arrêtera pas l’envie du profit…

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