Les poèmes d’Emily Brönte

poeme-emily-bronteChez les lecteurs et lectrices des sœurs Brontë, il y a deux clans : ceux qui pensent que Charlotte était la plus géniale, et ceux qui pensent qu’Emily était la plus géniale. Pour trouver des inconditionnels d’Anne, il faut faire preuve de patience car hélas ils ne sont pas nombreux ! Mais une fois que l’on dépasse la question quasi sentimentale de savoir quelle est notre sœur préférée, on peut se concentrer sur ce qui importe le plus : l’écriture. Et c’est ce que je vous propose aujourd’hui en ouvrant un livre peu connu : les poèmes d’Emily Brontë.

Les sœurs Brontë ont beaucoup écrit, même si finalement peu de textes complets nous sont parvenus. Les rares éléments biographiques dont nous disposons nous apprennent que très jeunes déjà, elles avaient une imagination puissante. Avec leur frère, elles inventaient des mondes imaginaires et jouaient sur la lande… Autant d’éléments qui ont servi à bâtir le mythe autant que la qualité d’écriture. Car c’est vrai que l’écriture des sœurs Brontë ne ressemble pas tellement aux autres écritures anglaises de l’époque, particulièrement du côté des plumes féminines. Et la porte d’entrée idéale dans cette œuvre, selon moi, sont les poèmes d’Emily.

Ils sont parus chez Gallimard dans la belle collection de poche qui rassemble à peu près toute l’histoire de la poésie occidentale. J’aime beaucoup cette collection, j’en possède plusieurs volumes, et l’avantage pour le livre qui nous intéresse, c’est que Gallimard propose une édition bilingue : vous trouverez donc le texte original et sa traduction en un seul livre.

Ce recueil de poèmes permet de pénétrer facilement dans l’œuvre littéraire d’Emily. Les Hauts de Hurlevent est un merveilleux livre, mais il peut sembler un peu ardu et dense pour le néophyte. Ce serait dommage de décourager les lecteurs ! Chez Emily, l’ambiance est particulière, intense, les personnages sont hantés par une violence, une rage… Ce n’est pas pour les fillettes !

La première fois que j’ai lu ces poèmes, j’avais terminé Les Hauts de Hurlevent et j’ai donc simplement poursuivi sur ma lancée. Je ne me suis pas sentie dépaysée, mais au contraire j’avais la sensation d’être dans le même espace narratif que le roman. A la différence près que la fiction ne concerne plus des personnages, mais l’auteur elle-même. Je m’explique : tous ces textes ont comme point de départ la sensibilité de leur auteure. Ce qui n’est pas vraiment surprenant pour de la poésie, me direz-vous. Mais la différence avec d’autres textes, c’est qu’ils servent à exprimer des thèmes romanesques qu’Emily a justement développé dans son roman, à ceci près qu’elle les attache désormais au « je ». En ce sens, les poèmes nous offrent une vision beaucoup plus intime de l’auteure.

L’une des choses qui m’a le plus plut dans ces textes, c’est l’évocation constante de la nature. C’est d’ailleurs un élément commun aux trois sœurs : la féminité est très souvent (tout le temps) liée à l’image d’une nature triomphante, violente et indomptable. Au milieu de ce territoire émotionnel, la lumière et les ténèbres livrent un combat féroce… ce qui donne des textes sublimes. Mon préféré contient les mots suivants :

« From suffering and corruption free,

Restored into the Deity. »

 Et plus bas dans le même texte, on trouve :

“To reach, at last, the eternal home,

The steadfast, changeless shore !”

Les poèmes d’Emily Brontë appellent en nous des images de nature déchaînée, au sein de laquelle seuls les êtres doués d’une exceptionnelle sensibilité peuvent survivre. Ils ne proposent que de rares moments de calme et d’apaisement et n’ont rien à voir avec de gentils textes romantiques. Ils sont emprunts d’une énergie et d’une fougue qui m’a beaucoup touchée la première fois que je les ai lus.

Depuis que j’ai lu ce recueil pour la première fois, je me suis régulièrement replongée dans ces textes, toujours avec le même plaisir. Je butine à l’occasion et je ne m’arrête pas toujours sur les mêmes textes. La poésie n’impose pas de rythme de lecture : c’est au lecteur de décider de vivre avec elle dans son quotidien ou pas. Et c’est justement ce que j’apprécie le plus chez elle.

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