En signant son premier roman Mrs Queen takes the train, William Kuhn ne se doutait pas de l’enthousiasme que son livre allait rencontrer. Salué par la critique outre-Manche et outre-Atlantique, le roman a aussi largement plu aux lecteurs. J’ai eu l’occasion de lire le livre pendant mes vacances d’été, et comme j’avais envie d’en savoir un peu plus sur William Kuhn, je lui ai proposé cette interview. Il a très gentiment accepté de répondre à mes questions. Voici donc l’interview traduite en français ; pour les anglophiles (ou même les anglophones) qui souhaiteraient découvrir l’interview en version originale, sachez que vous pouvez la consulter sur cette page. Très bonne lecture à tous !
Pour commencer, pouvez-vous nous parler un peu de vous, de votre parcours ? Comment êtes-vous devenu écrivain ?
Mon père était professeur de littérature anglaise. Donc quand j’étais petit, j’ai toujours entendu parler des livres et de l’écriture comme étant des choses sérieuses. Ensuite, je suis devenu professeur d’histoire, et j’ai publié mon premier livre Democratic Royalism pour un public d’universitaires. Doucement, j’ai essayé d’opérer une transition et d’écrire pour un public plus large, pas uniquement des univsersitaires. Grâce à une avance d’un éditeur pour mon livre sur la carrière éditoriale de Jacqueline Kennedy Onassis, Reading Jackie, j’ai pu arrêter d’enseigner. Maintenant, mon métier à temps plein c’est d’écrire.
Mrs Queen takes the train est votre premier roman. Comment vous en est venue l’idée ?
J’ai travaillé aux Archives Royales du château de Windsor afin de faire des recherches pour un de mes précédents livres. Ça racontait la vie de deux courtisans, Henry et Mary Ponsonby, qui servaient la reine Victoria au XIXe siècle. C’était drôle de voir tous ces gens normaux et modernes qui travaillaient dans un bâtiment ancien pour une institution médiévale. Les portiers étaient habillés en uniformes rouges, et ils m’ont demandé de les sponsoriser pour leur course de fond. Les dames de compagnie arrivaient en voiture bas de gamme cabossée. Les archivistes gardaient un dragon en peluche dans leur salle de pause. Ça n’avait rien à voir avec ce à quoi je m’attendais.
La reine est une figure historique. Diriez-vous que ça fait d’elle un personnage plus facile à décrire ?
Il y a beaucoup de livres écrits sur elle qui donnent un aperçu de sa personnalité. On la prend en photo à longueur de temps et je trouve que, parfois, on peut arriver à déchiffrer ses expressions. Elle a le même âge que mon père et je pense que les octogénaires ont certaines choses en commun, peu importe qui ils sont ou d’où ils viennent.
Votre histoire laisse beaucoup de place à d’autres personnages auxquels le lecteur vient à s’attacher. Comment avez-vous construit cette narration puzzle ? Était-ce dur de trouver un équilibre entre eux et la reine ?
Beaucoup de lecteurs sur Goodreads.com et ailleurs disent que je parle trop des courtisans, et pas assez de la reine. Je suppose que du fait de les avoir côtoyé, c’était eux qui m’intéressaient le plus. C’est la relation entre la reine et ces gens qui travaillent pour elle qui m’a donné des indices sur la direction qu’allait prendre ce livre.
En lisant votre livre, je me suis sentie comme dans un « road movie ». En même temps, cette histoire raconte surtout les sentiments intimes de sept personnages, leur voyage émotionnel. Comment décririez-vous votre histoire ?
E.M. Forster a eu une phrase célèbre : « Only connect ».Je pense que ce qu’il voulait dire, c’est que notre but dans la vie devrait être d’atteindre et de comprendre les gens que nous rencontrons comme nos amis, nos collègues et nos conjoints. Je dirais que mon livre est à propos de plusieurs personnes, dont la reine, qui découvrent qu’ils ne se sont pas connectés aux autres aussi bien qu’ils l’auraient dû. Et ils vont tous essayer de faire mieux.
En combien de temps avez-vous écrit ce livre ?
Je l’ai écrit assez rapidement, six mois environ je pense. Mais ensuite mon agent m’a demandé de faire quelques ré-écritures, puis ce fut le tour de mon éditeur chez Harper Collins. Donc au total, ç a pris douze mois. Mais ça fait des décennies que je réfléchis sur la monarchie, surtout à cause de mon travail universitaire. Donc c’était là depuis longtemps.
J’ai l’impression que depuis quelques années, les anglais s’intéressent de plus en plus à leur reine. Je pense au film de Stephen Frears, The Queen, ou bien au livre d’Alan Bennett, La Reine des lectrices. Comment expliquer ça ? Diriez-vous qu’il y a un besoin d’en savoir plus sur elle ?
Plus elle devient vieille et plus elle devient sacrée. C’était aussi arrivé avec la reine Victoria. Je ne veux pas dire « sacrée » dans un sens religieux, mais plutôt qu’il y a un certain mystère qui commence à entourer quelqu’un qui est en place depuis si longtemps. C’est ce qui doit expliquer le regain d’intérêt autour d’elle. D’ailleurs, j’ai beaucoup aimé le livre d’Alan Bennett sur elle, et le film The Queen est aussi excellent.
Quel est votre prochain projet ?
Je suis en train de travailler à une fiction historique sur John Singer Sargent et Isabella Gardner. C’était une riche collectionneuse de Boston et elle a remarqué le peintre juste après le scandale qu’il avait provoqué à Paris en 1884, quand il avait exposé un portrait très suggestif de Virginie Gautreau. Ça a détruit sa carrière de portraitiste en France. Il a été obligé de quitter Paris et d’emménager à Londres. Mme Gardner l’a mis au défi de se remettre en selle. C’est-à-dire qu’elle voulait qu’il fasse un portrait d’elle dans le même genre. Il releva le défi et peignit un portrait d’Isabella Gardner qui choqua Boston. Sauf que cette fois, au lieu de ruiner sa carrière, ça a été le succès qui a permis à sa carrière de décoller.
Savez-vous si Mrs Queen takes the train va être traduit en français ?
Ça n’a pas encore été fait. J’espère que ça arrivera. Une parution est prévue en Pologne, et le livre a déjà été publié en Espagne sous le titre La Reina se va de viaje. La Weinstein Company a déjà pris une option pour un film. Si le film est fait, peut-être qu’il y aura une édition française.
Et pour finir, j’aimerais savoir quel a été votre dernier livre coup de cœur.
Une biographie de Rimbaud par un écrivain britannique, Graham Robb.
Un très grand merci à William Kuhn pour avoir pris le temps de répondre à mes questions et de me livrer toutes ces informations. J’espère que cette interview vous donnera envie de découvrir son excellent roman, Mrs Queen takes the train. D’avance, très bonne lecture à tous et à bientôt pour une prochaine interview !
Une réflexion sur “Interview de William Kuhn”