L’actualité cinématographique du début d’année 2014 a été portée par une surprise de taille : l’adaptation du conte La Belle et la Bête par Christophe Gans. Un film français avec des ambitions à l’américaine, marchant sur les traces de Walt Disney et de Cocteau, rien que ça ! Sceptique, je n’étais pas allée voir le film au cinéma. A ce moment-là, il y avait déjà sur les écrans la suite des Trois frères, et j’avais pensé qu’il y avait des limites à la souffrance et à la déception que le cinéma français pouvait infliger à ses spectateurs. Hélas pour moi, je suis passée à côté de quelque chose ! Car autant vous le dire tout de suite, ce film est rien de moins qu’une merveille.
Hantée par la curiosité de ce film, j’ai finalement décidé de le regarder. L’histoire est celle d’un riche marchand veuf dont les trois bateaux font malheureusement naufrage, entraînant ainsi sa ruine. Sans le sou, il quitte la ville pour aller s’installer dans une petite maison à la campagne avec ses six enfants. Une nuit, de retour d’un voyage en ville, il perd son chemin et trouve refuge dans un château abandonné où il découvre des malles remplies de trésors inespérés. Emportant les malles, il est prêt à partir mais aperçoit sur son chemin un splendide rosier. Bien décidé à faire plaisir à la plus jeune de ses filles, Belle, qui aime les roses, il en cueille une. Mais son geste réveille la colère du propriétaire des lieux, qui apparaît alors devant lui : la Bête. Puisqu’il a cueilli une rose sans permission, il devra la payer de sa vie et rester prisonnier au château. La Bête permet au marchand de rentrer dire au revoir aux siens avant de revenir honorer sa dette. Mais Belle, qui se croit responsable à cause de la rose, décide de prendre sa place. Une fois prisonnière du château, elle va peu à peu découvrir l’histoire de la Bête, qui fut jadis un homme amoureux…
Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur l’histoire de La Belle et la Bête, car si vous aviez vu le dessin animé de Disney, l’histoire racontée ici en est très éloignée. Plutôt basé sur le conte écrit initialement, ce superbe film s’inscrit dans la lignée onirique du film de Cocteau. Respectueux de l’histoire originale, Christophe Gans invite ici le spectateur à un voyage unique et fascinant. Le ressort narratif est ingénieux et fait penser aux Mille et une nuits : chaque nuit quand elle dort, Belle découvre un nouveau morceau de l’histoire de la Bête. Et le jour, elle erre à travers le château, découvrant des lieux envoûtant où la magie est présente partout.
On relèvera plusieurs points forts dans ce film. Tout d’abord, l’histoire et les personnages sont passionnants à suivre. Belle est forte, lumineuse, assez courageuse même face à la Bête. Léa Seydoux offre des traits angéliques à ce personnage plein de fougue. Elle incarne à la fois l’innocence, l’espoir, l’énergie de la jeunesse et une certaine forme de mélancolie. Autant d’éléments qui en fon un personnage en relief, bien loin de l’image lisse de la princesse Disney. A ses côtés, Vincent Cassel prête ses traits et sa voix à la Bête. Dans son ancienne vie d’homme, on découvre un prince riche et puissant, qui croit que le monde est à lui et qu’il n’y a pas de limite à sa force. Sous les traits de la Bête, il livre son humanité perdue : ses regrets, le vide laissé par la femme aimée, le cynisme devant la vie qu’il mène, enfermé dans une prison dont il était jadis le maître. Condamnée à hanter les vestiges de son propre passé, la Bête est une créature à la beauté romantique, à la fois fascinante, touchante et vénéneuse. Vincent Casse distille un charme attendrissant à son personnage solitaire, et il fait aussi montre d’une force singulière pour imposer le charisme de ce monstre à tête de lion.
Outre un casting judicieux, je ne peux m’empêcher de m’attarder sur les magnifiques décors de ce film. Chaque image est une splendeur, où on découvre avec plaisir (et fierté) que le cinéma français, lorsqu’il fait montre d’ambition esthétique, n’a rien à envier à son confrère américain. Visuellement, ce film est très abouti. L’ambiance du film est plantée en quelques scènes seulement, et dès que l’on pénètre dans le château, on est pris au piège de la beauté troublante des lieux. Chaque étape narrative à laquelle est confrontée Belle lors de ses songes se trouve dans un nouveau lieu. Et chaque lieu est encore plus beau que le précédent. Les costumes sont eux aussi splendides, et les robes portées par Léa Seydoux (une différente chaque jour, offerte par la Bête en personne) m’a tout de suite fait penser au Peau d’âne de Jacques Demy.
A mon sens, la seule faiblesse de ce film, c’est sa bande originale. La musique est beaucoup trop discrète, pas assez grandiloquente. Et si je peux comprendre le parti prix de rester dans l’ambiance feutrée du rêve et de ne pas trop en faire, il me semble quand même que parfois il faut savoir « sortir les violons ». Il manque à ce film un grand thème musical, quelque chose qui soit constitutif de son identité, qui mette l’émotion en exergue et offre une dimension supplémentaire au magnifique décor. Mais comme il s’agit vraiment de la seule faiblesse que j’ai notée dans ce film, ça ne m’a pas empêché de profiter de ce film. *
C’est un spectacle comme on n’en voit pas si souvent au cinéma, une fresque ambitieuse qui réussit le pari risqué de revisiter une histoire que l’on croit connaître. Christophe Gans offre une très belle relecture, chargée de magie, de rêve et de sensualité… Une véritable réussite que vous pouvez désormais voir en DVD.
Une réflexion sur “La Belle et la Bête, très beau film adapté du conte”