Je devais lire Ma Sœur serial killeuse, le roman d’Oyinkan Braithwaite, le mois dernier. Mais je n’ai pas eu le temps. Et c’est donc avec plusieurs semaines de retard que je découvre enfin ce livre. Enfin, quand je dis plusieurs semaines… En fait, ça fait maintenant deux ans que j’ai envie de lire ce roman ! Dès sa parution aux Etats-Unis, il a provoqué un grand élan parmi les lecteurs. Ils ont porté ce roman par le bouche à oreille. L’enthousiasme communicatif a rapidement fait de ce livre un des titres les plus aimés de 2017. Alors, est-il à la hauteur ? L’attente en valait-elle la peine ? Le moment du verdict est arrivé !
Korede est une jeune femme sans histoires. Elle est infirmière dans un hôpital de Lagos, au Nigéria. Elle n’a pas de petit-ami mais se laisserait volontiers séduire par le charmant docteur Tade. Elle vit avec sa mère et sa sœur. Bref, rien que de très banal. Sauf qu’il arrive régulièrement à Korede de devoir aider sa sœur à faire disparaître les corps de ses petits-amis ! Ayoola est d’une grande beauté, mais ses relations avec les hommes ont tendance à être chaotique. Et avec maintenant plus de trois cadavres dans son sillage, Korede est bien obligée de voir la réalité en face : sa sœur est une tueuse en série. Est-ce que ça change quelque chose ? Pourrait-elle dénoncer sa propre petite sœur, celle qu’elle s’est jurée de protéger contre tout ?
Je ne sais pas si c’est très clair dans mon résumé, mais sachez que ce livre est une comédie. Oui, une comédie sur une tueuse en série. Enfin, comme on dirais dans le cinéma français, c’est plutôt une « comédie dramatique ». Parce que, même si on rit beaucoup dans ce livre, il y a aussi une profonde gravité dans l’histoire tragique de ces deux sœurs.
Mais revenons au début ! Ma Sœur serial killeuse pourrait s’apparenter à un roman policier… sauf qu’on sait déjà qui est coupable ! Dès le début, Oyinkan Braithwaite nous plonge dans l’intensité de son histoire. Un meurtre vient d’être commis, et il faut tout faire disparaître : le sang, les indices, le corps. C’est un peu déstabilisant parce que ça semble être tout à fait normal pour Korede d’aider sa sœur à faire disparaître un corps. Il faut attendre un peu pour comprendre l’histoire des deux sœurs, et saisir que la réalité est moins évidente qu’il n’y paraît.
Derrière l’idée d’une tueuse en série, la romancière met surtout en scène l’histoire de deux soeurs archi soudées. Deux femmes très différentes, mais malgré leurs caractères aux antipodes, elles sont liées par une enfance commune, par un même traumatisme du passé qui détermine leur relation aux hommes désormais. C’est un sujet très intéressant, très subtile, qui évoque la confiance en soir, les rapports des femmes à leur propre corps, le regard des autres, la notion d’envie, de désir, mais aussi de peur, de manque de confiance en soi, d’insécurité affective…
Evidemment, la romancière pousse l’idée très loin avec sa tueuse en série. Mais c’est ce qui est très réussi dans ce roman. Il joue habilement avec le mélange des genres. Les éléments les plus drôles côtoient les éléments les plus tragiques. Les émotions se mélangent pour mieux bouleverser le lecteur. Et tout ça fonctionne très harmonieusement. Surtout que l’intrigue est palpitante. Jusqu’au tout dernier chapitre, on ne sais pas du tout comment ça va finir. Et l’ultime retournement de situation est formidable !
Si vous avez peur de vous embarquer dans une lecture glauque, sanglante ou teintée d’un humour trop noir, je vous rassure tout de suite. Il n’y a rien qui vous mettra mal à l’aise dans ce roman. C’est un divertissement, mais Oyinkan Braithwaite ne verse pas dans la subversivité. Il n’y a rien qui face peur ou qui soit choquant. C’est écrit avec subtilité, avec beaucoup d’esprit, et une formidable chaleur humaine. Certes le sujet est très original, mais ça fait du bien de lire des romans qui ne ressemblent absolument pas aux autres.
Quel que soit le genre de livres que vous aimez habituellement, laissez sa chance à ce roman. Ma Sœur serial killeuse est un ovni. Et il vous offrira une expérience de lecture aussi pleine de tendresse que de jubilation.