Le Goût de la lecture

En prenant le temps de surfer un peu sur mon blog, je me suis rendue compte que je n’avais pas encore traité d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le fait d’aimer lire (ou pas). J’entends parfois des gens qui disent « Moi, je n’aime pas lire ». Et on sent souvent dans leur regard qu’ils sont complètement fermés, qu’ils ont vécu avec les livres une épreuve terrible qui les a convaincus de ne plus jamais ouvrir un livre de leur vie.

A cela, j’oppose deux remarques. D’abord, ça n’existe pas le fait de ne pas aimer lire. Quand vous conduisez et que vous croisez un panneau, vous ne détournez pas les yeux avec dégoût en vous exclamant : « Non, des mots ! Argh, je n’aime pas lire ! » Enfin, j’espère. C’est comme si je disais que je n’aime pas respirer. C’est quelque chose que nous faisons, presque involontairement. Et depuis le jour où vous avez appris à lire, vous savez le faire et vous le faites. C’est plus fort que vous.

Maintenant, j’en viens à mon second point qui s’attaque plus précisément à la littérature de fiction (car c’est elle que visent les gens qui déclarent ne pas aimer lire). Et la réponse est à la fois évidente et effrayante. Ces gens là n’ont tout simplement pas rencontré le livre qu’il leur fallait pour inspirer un déclic. N’ayant pas croisé de livre enthousiasmant dans leurs jeunes années, ils attaquent l’âge adulte en étant persuadé que la lecture est une chose ennuyeuse et sans intérêt.

Une éducation à revoir

J’ai dit que c’était évident, mais aussi « effrayant ». Je pensais au rôle de l’école. Car si les parents ont bien sûr un rôle primordial dans de nombreux apprentissages, il me semble que la lecture reste un domaine propre à l’école. Déjà parce que la lecture est au programme. Dès les petites classes, quand on apprend à lire aux enfants, puis ensuite dans les classes intermédiaires, et enfin au collège et au lycée.

Je me souviens que les livres qu’ont m’a fait lire à l’école ont souvent été les moins intéressants. Il y a heureusement eu des exceptions, et surtout comme j’étais déjà une lectrice passionnée, je me suis toujours accrochée. Mais pour les autres, que s’est-il passé ? J’ai en tête l’exemple de mon frère, qui bien qu’ayant eu à la maison le même accès que moi aux livres, n’a jamais trouvé la voie de la lecture. A l’école, on lui a toujours fait lire des livres difficiles et peu amusants. Si bien qu’il est resté figé sur l’aspect scolaire de la lecture, sans jamais éprouver de plaisir à lire. Or, les livres ne sont pas des prétextes pour des sujets de contrôles ou de dissertation. Ce sont d’abord des histoires qui sont faites pour vous faire passer un bon moment.

D’une manière générale, l’éducation nationale (j’entends les programmes définis par le ministère) n’attache aucune importance à l’aspect divertissement de la lecture. C’est dommage car cette erreur participe pleinement de la désaffection des enfants pour la lecture, et cette faiblesse entre forcément en ligne de compte quand on parle de la progression inquiétante de l’illettrisme en France ces dernières années. Car comment mobiliser l’énergie d’un enfant dans un domaine où il se sent en échec ?

Les méthodes et les choix passéistes de l’éducation nationale amènent à creuser un gouffre entre deux catégories d’élèves : ceux qui ont déjà des facilités dans un domaine d’enseignement (soit parce qu’ils sont naturellement intéressés par un sujet, soit parce qu’ils ont à la maison un soutien scolaire qui leur permet de progresser plus facilement) et ceux pour qui les choses sont plus difficiles à se mettre en place (difficulté à trouver intéressant les sujets de cours, et souvent peu ou pas d’échanges à la maison). Pour les élèves du premier lot, tant mieux. Mais que faire avec les seconds ? Les abandonner ?

Et puis, outre la question de l’enseignement de la littérature (et donc du français) dans les écoles françaises, on peut aussi s’interroger sur l’impact qu’une telle vision produit sur la littérature française. Si on cherche à expliquer le snobisme toujours si présent dans les lettres françaises, et en particulier cette condescendance vis-à-vis de la littérature de divertissement, c’est certainement dans les écoles qu’on peut trouver la raison de cet état de fait.

Si on part du principe que la littérature n’est qu’une affaire sérieuse dans laquelle le plaisir ne rentre pas en ligne de compte, et que l’on apprend cette règle à tous les élèves, il ne faut pas ensuite s’indigner de ce que les jeunes générations ne lisent plus autant qu’il y a encore quelques décennies. Et en particulier, il ne faut pas se révolter que les jeunes préfèrent lire des romans anglo-saxons (qui embrassent pleinement leur rôle de loisir) plutôt que les œuvres des auteurs classiques français.

Des signes d’espoir

Heureusement, tout n’est pas si noir si j’en juge par les témoignages que je recueille auprès d’amies institutrices. J’ai deux exemples : l’une qui vient d’avoir son concours et sera en poste à la rentrée prochaine (elle a fait des études de Lettres Modernes et entend bien laisser une grande part à la littérature dans sa classe) ; et l’autre a fait des études de langues. Cette seconde amie est maîtresse en classe d’école primaire et elle a toujours voulu ménager du temps pour inciter ses élèves à lire.

Cette année, elle a mené un programme ambitieux autour du thème des contes de fée. Une initiative originale qui a enthousiasmé ses jeunes élèves et permis de mettre en place des ateliers d’écriture et de théâtre. Les enfants ont libéré leur créativité et le résultat a été surprenant (dans le bon sens du terme). Ils ont réinventé des histoires, créé de nouveaux personnages en s’inspirant de tout ce qu’ils connaissaient. Des histoires qu’elle m’a fait lire, j’ai particulièrement été frappée par un conte mettant en scène deux super-héros : une manière originale de se réapproprier des histoires dans l’air du temps. Et en guise de spectacle de fin d’année, deux pièces de théâtre ont été montées.

La conclusion de cette année ambitieuse, c’est que les enfants se sont vraiment pris au jeu. Chacun a trouvé un espace pour s’exprimer et aborder sans complexe la lecture. Les livres sont devenus pour eux des compagnons et des complices. Une vraie réussite !

Retrouver le plaisir

On ne le dira jamais assez : la lecture est donc un divertissement et doit le rester. Cela n’empêche pas dans un second temps de s’intéresser à des livres plus cérébraux, moins faciles d’accès… Des livres qui sont plus esthétiques, ou alors des témoignages. On ne peut pas espérer se jeter du premier coup dans Germinal ou Moby Dick. Mais ça ne veut pas dire que l’on n’y viendra pas un jour. N’oublions pas aussi que certaines œuvres les plus célèbres de la littérature française ne sont pas toujours aussi sérieuses qu’on a tendance à le croire. Les Trois Mousquetaires est d’abord un roman d’aventure où l’action attrape le lecteur à chaque page. Le Petit Prince est un conte pour enfants (et grands enfants) teinté d’un onirisme merveilleux. Et on trouve dans Molière des passages d’un comique intemporel, toujours capables de faire rire les élèves du XXIe siècle.

activités-lectureDans cette même veine de retour aux sources du plaisir littéraire, les éditions Nathan viennent tout juste de sortir un livre qui devrait intéresser plus d’un parent : 80 activités pour lui donner le goût de la lecture. Je trouve l’initiative bienvenue et pertinente. Car souvent les parents ont envie d’en faire plus, mais ils se sentent parfois démunis. Comment s’y prendre pour donner envie de lire à un enfant réfractaire ? Ce livre ludique propose donc des activités, des histoires ainsi que des jeux avec les mots pour « faire entrer les livres dans sa vie ». Une excellente idée !

Et pour ceux qui sont déjà adultes, n’oubliez pas qu’il y a forcément un livre pour vous quelque part. Les livres sont comme les films : il y a de mauvais films, des films qui ne nous plaisent pas… Mais ça ne remet pas en cause le plaisir d’aller au cinéma. Et même si c’est un peu facile à dire, n’hésitez pas à faire preuve de curiosité, à vous lancer à l’assaut du monde de papier. Pour ceux qui ont des doutes, rappelez-vous aussi qu’il existe des « anges gardiens » de la littérature : les libraires ! Eh oui, ces professionnels sauront vous conseiller pour trouver enfin le livre qui pourrait vous faire aimer la lecture. Donc n’aillez pas peur de franchir le seuil d’une librairie : vous pourriez bien vivre une aventure qui vous changera la vie !

Vous en pensez quoi ?