Le soleil caraïbéen était déjà haut dans le ciel lorsque Lydia et Kitty Bennet débarquèrent à l’aéroport, leurs valises roses flashy contrastant avec l’élégance tropicale de l’endroit. Excitées comme des puces, elles se précipitèrent en courant presque pour atteindre le taxi qui les attendait.
- Paradise Palm Resort, s’il vous plaît ! lança Lydia au chauffeur avec un grand sourire.
Pendant le trajet, les deux sœurs bavardaient sans arrêt, imaginant la réaction de leur sœur Elizabeth et de Darcy à leur arrivée surprise.
- J’ai hâte de voir la tête de Lizzie ! gloussa Kitty.
- Et celle de Darcy ! renchérit Lydia. Il va sûrement faire cette grimace constipée qu’il a quand il est contrarié.
Elles éclatèrent de rire. Même si elles espéraient bien faire sensation en arrivant sans prévenir, il n’était pas question de passer les vacances auprès de leur grande-sœur et de son petit-ami guindé. Oh que non ! L’objectif était simple : bronzer, faire la fête, et rencontrer quelques beaux surfers.
Elles ignoraient totalement qu’elles n’étaient pas les seules à avoir décidé de perturber les vacances du couple.
Pendant ce temps, à l’hôtel, Elizabeth et Darcy prenaient leur petit-déjeuner sur la terrasse de leur bungalow en savourant la vue sur l’océan.
- Que dirais-tu d’une journée de plongée aujourd’hui ? proposa Darcy, en buvant son café.
Elizabeth hocha la tête avec enthousiasme.
- Ça a l’air parfait ! J’ai toujours voulu essayer ça.
Ils se préparèrent donc pour leur excursion, inconscients du chaos qui se préparait.
Car Lady Catherine, de son côté, peaufinait son plan avec l’aide du malheureux Collins.
- Avez-vous réussi à soudoyer ce serveur ? demanda-t-elle, de son air impérieux le plus effrayant.
Collins acquiesça nerveusement.
- Oui, lady Catherine. Il accepte de nous aider… à saboter leur journée.
Collins n’était clairement pas à l’aise du tout dans le rôle de l’empêcheur de tourner en rond. En même temps, il aurait bien se douter, quand lady Catherine lui a parlé des Caraïbes, que ce ne seraient pas des vacances !
- Excellent, sourit la vieille dame. Maintenant, écoutez-moi bien. Voici ce que nous allons faire…
Alors que la tante de Darcy exposait son plan machiavélique, Lydia et Kitty faisaient leur entrée fracassante dans le hall de l’hôtel.
- Bonjour ! lança Lydia à la réceptionniste. Nous avons une réservation au nom de Bennet.
La réceptionniste, un peu décontenancée par l’énergie débordante des deux jeunes femmes, vérifia son ordinateur. Au moins, ces touristes britanniques étaient nettement plus sympathique que la vieille peau de l’autre jour.
- Ah oui, voici. Chambre 305. Bienvenue au Paradise Palm Resort.
- Merci ! s’exclama Kitty.
Puis, baissant la voix :
- Au fait, pourriez-vous nous dire dans quelle chambre se trouvent Elizabeth Bennet et Fitzwilliam Darcy ?
La réceptionniste hésita. Mais qu’est-ce qu’ils avaient tous, à chercher ce couple ?!
- Je suis désolée, mais nous ne pouvons pas divulguer ces informations…
Lydia fit la moue.
- Oh, allez ! C’est notre sœur ! On veut juste lui faire une surprise.
Après quelques supplications de plus, la réceptionniste finit par céder. Elle n’était pas assez payée pour faire barrage à tous les touristes cinglés qui voulaient épier des couples d’amoureux.
- Très bien. Ils sont dans le bungalow sur pilotis numéro 7.
- Merci, vous êtes un amour ! lui répondit Lydia avec un grand sourire.
Les deux sœurs se précipitèrent vers leur chambre pour déposer leurs affaires, puis se dirigèrent vers la plage. Soit elles y croiseraient leur sœur, soit elles y rencontreraient de beaux garçons bronzés. Dans les deux cas, ce serait un début de vacances parfait.
Pendant ce temps, le couple en question s’apprêtait à partir pour leur excursion de plongée. Après avoir passé leurs maillots de bain et appelé le local de plongée pour réserver du matériel, ils se dirigeaient vers le ponton quand soudain, une voix stridente familière retentit.
- Lizzie ! Darcy !
Elizabeth se figea, n’osant pas y croire. Elle se retourna lentement pour voir Lydia et Kitty qui couraient vers eux, agitant les bras comme des moulins à vent.
- Oh mon Dieu, murmura-t-elle. Darcy, dis-moi que je rêve.
Darcy, tout aussi abasourdi, ne put que secouer la tête.
- J’ai bien peur que non.
Son séjour de rêve venait de tourner au cauchemar.
Lydia et Kitty les atteignirent enfin, essoufflées mais toujours aussi enthousiastes.
- Surprise ! s’écrièrent-elles en chœur.
Elizabeth tenta de sourire, encore sous le choc. C’était typique de ses jeunes sœurs de débarquer à l’improviste au beau milieu de ses vacances romantiques. Hélas !
- Lydia, Kitty… quelle… surprise. Que faites-vous ici ?
- On a trouvé le prospectus de cet endroit chez toi, expliqua Kitty. Et on s’est dit que ce serait génial de venir vous rejoindre !
Darcy, toujours aussi stoïque, réussit à articuler :
- C’est… très attentionné de votre part.
Un observateur qui ne connaissait pas bien Darcy aurait pu penser qu’il faisait du sarcasme. Mais Elizabeth réprima un fou-rire. Elle savait mieux que personne que cet homme merveilleux qu’elle aimait ne savait jamais quoi répondre quand il était mal à l’aise. Ce qui donnait parfois lieu à des réparties cocasses comme celle-ci !
Lydia, qui ne se rendait absolument pas compte du malaise, s’exclama :
- Alors, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ?
Elizabeth échangea un regard avec Darcy avant de répondre.
- Eh bien, nous allions justement partir pour une excursion de plongée…
- Oh, super ! s’écria Kitty. Il y aura forcément des plongeurs sexy dans les parages. On peut venir ?
Avant qu’Elizabeth ou Darcy ne puissent répondre, Lydia enchaîna.
- Oui, ça a l’air trop cool ! On va se mettre nos maillots et on vous rejoint !
Et sur ces mots, les deux sœurs repartirent en courant vers leur chambre, laissant Elizabeth et Darcy bouche bée sur le ponton.
- Je suis désolée, soupira Elizabeth. Je ne sais même pas quoi dire. Ma famille est comme une des plaies d’Egypte : on ne peut pas fuir pour y échapper. Elle nous retrouve toujours !
Darcy prit sa main et la serra doucement.
- Ce n’est pas ta faute. On va gérer ça ensemble. J’espère simplement réussir à me contrôler pour ne pas tenter de les noyer pendant la plongée !
- Et puis voyons le côté positif : tant qu’elles seront sous l’eau, elles ne pourront pas parler !
Pendant que le couple tentait de gérer la situation avec philosophie, lady Catherine observait la scène de loin, un sourire satisfait aux lèvres.
- Parfait, murmura-t-elle d’une voix grinçante. Ces deux écervelées tombent à pic pour servir mes intérêts. Et elles n’en ont même pas conscience. Ah ça : c’est fini le tête à tête romantique entre les deux tourtereaux. Ces deux gamines vont forcément mettre un peu plus de chaos dans les vacances de mon neveu.
Elle se tourna vers Collins.
- Allez, il est temps de passer à la phase suivante du plan.
L’excursion de plongée, comme on pouvait s’y attendre, fut… mouvementée. Lydia et Kitty, enthousiastes mais maladroites, passèrent plus de temps à se débattre dans l’eau qu’à admirer les poissons tropicaux. Elizabeth et Darcy, partagés entre l’exaspération et l’amusement, passèrent la majeure partie de leur temps à s’assurer que les deux sœurs ne se noient pas.
De retour sur la plage, épuisés mais sains et saufs, ils furent accueillis par un serveur portant un plateau de cocktails.
- Avec les compliments de la direction, annonça-t-il avec un sourire.
Reconnaissants, ils prirent chacun un verre. Cependant, à peine Darcy eut-il porté le sien à ses lèvres qu’il le recracha immédiatement.
- C’est salé ! s’exclama-t-il, dégoûté.
Elizabeth goûta le sien et fit la grimace.
- Le mien aussi ! Qu’est-ce que c’est que ce cocktail : une expérience qui a mal tournée ?
Le serveur, qui avait pris un air confus, s’excusa immédiatement et promit de revenir avec de nouveaux cocktails. Lydia et Kitty, quant à elles, trouvaient la situation hilarante.
- C’est comme dans une comédie romantique ! gloussa Lydia. Plein de trucs bizarres qui arrivent aux amoureux !
Elizabeth et Darcy échangèrent un regard perplexe. C’était la deuxième fois que quelque chose d’étrange se produisait avec leurs boissons.
Pendant ce temps, lady Catherine observait la scène de loin avec jubilation. Elle avait réussi à soudoyer le serveur pour qu’il mette du sel dans les cocktails du couple, espérant ainsi gâcher leur petite pause.
Le goût de la victoire fut pourtant de courte durée.
Après un déjeuner sans heurt au restaurant de la plage, les activités de l’après-midi… se déroulèrent sans accroc !
Avec leur enthousiasme débordant, Lydia et Kitty mirent malgré elles en fuite le vendeur ambulant que lady Catherine avait engager pour approcher le couple et lui pulvériser discrètement une substance pour attirer les moustiques.
Et lorsque les quatre touristes allèrent faire une balade sur le sentier touristique, là encore l’excitation spontanée des deux sœurs vint perturber le timing des manigances prévues par la vieille tante.
Collins, qui devait s’arranger pour lâcher un serpent pile au moment du passage d’Elizabeth et de Darcy, failli se faire mordre par la bête. Le vieux comédien engagé pour simuler une crise cardiaque dut faire semblant d’aller mieux devant les tentatives (pour le moins dangereuses) de Kitty de réaliser un massage cardiaque.
Et finalement, lorsque les deux jeunes un peu louches que lady Catherine avait envoyé pour racketer le couple se présenta devant eux, ce fut Lydia qui les mit en fuite grâce à sa formation en krav-maga !
Lorsque Collins revient à l’hôtel faire son compte-rendu à lady Catherine, il vit presque la fumée lui sortir des oreilles.
Le soir venu, alors qu’Elizabeth et Darcy se préparaient pour le dîner, Lydia et Kitty débarquèrent dans leur bungalow sans prévenir.
- On sort en boîte ce soir ? proposa Lydia avec enthousiasme.
Elizabeth, fatiguée mais ne voulant pas décevoir ses sœurs, tenta de trouver un compromis.
- Que diriez-vous plutôt d’un dîner tous ensemble au restaurant de l’hôtel ?
Kitty fit la moue.
- Oh, allez Lizzie ! On est aux Caraïbes ! Il faut en profiter !
Darcy, voyant le dilemme d’Elizabeth, intervint.
- Pourquoi ne pas dîner d’abord au restaurant, puis aller prendre un verre au bar de la plage ensuite ?
Cette suggestion sembla satisfaire tout le monde, et ils se dirigèrent vers le restaurant. Ce qu’ils ignoraient, c’est que lady Catherine, frustrée par les sabotages ratés de la journée, avait déjà mis en place son prochain piège.
Alors qu’ils s’installaient à leur table, Collins, déguisé en serveur (de manière peu convaincante), s’approcha pour prendre leur commande. Elizabeth eut un moment d’hésitation en le voyant, trouvant quelque chose de familier dans sa démarche maladroite.
Mais non, se reprit-elle. Elle ne devait pas commencer à voir des membres de sa famille partout. C’était déjà bien assez d’avoir Kitty et Lydia avec eux. Alors cousin Collins, non merci !
Le repas se déroula sans incident majeur, hormis le fait que la commande de Darcy fut systématiquement mélangée. Il se retrouva avec un plat végétarien alors qu’il avait commandé du poisson, puis avec un dessert aux fruits alors qu’il avait demandé du chocolat.
- C’est vraiment étrange, remarqua Elizabeth. Tu ne trouves pas que ces espèces d’incidents se multiplient ?
Darcy hocha la tête, pensif.
- En effet. C’est comme si quelqu’un essayait de..
Il fut interrompu par Lydia qui se leva brusquement.
- Allez, on va danser maintenant !
Malgré leur fatigue, Elizabeth et Darcy se laissèrent entraîner vers le bar de la plage. La musique était entraînante, les cocktails colorés, et même Darcy finit par se détendre et profiter de l’ambiance. Pas au point de danser, mais tout de même la soirée n’était pas si déplaisante que ça. De plus, il y avait quelque chose d’assez jubilatoire à voir les sœurs d’Elizabeth en train de terroriser d’autres représentants de la gente masculine, pour changer.
Au moment où Elizabeth s’éclipsa pour aller aux toilettes, Darcy se retrouva seul quelques instants pendants que ses belles-sœurs dansaient sur la piste. A ce moment-là, une sublime jeune femme se glissa sur la chaise libre à côté de lui.
- Bonsoir, susurra-t-elle d’une voix sensuelle.
Lady Catherine, persuadée que la jalousie était la bonne solution pour causer une crise dans un couple, avait engagée la jeune femme en fin d’après-midi. Son plan était simple : en voyant Darcy avec une autre femme, Elizabeth sortirait forcément de ses gonds. Et la graine du doute serait plantée.
Darcy, très mal à l’aise, tenta poliment de refuser les avances de la jeune femme.
Heureusement pour lui, Lydia fut plus vive à réagir. A peine vit-elle la femme sur la chaise de sa sœur, qu’elle décida d’intervenir. Non mais qui se permettait de draguer le petit-ami d’Elizabeth ? D’accord, Darcy n’était pas franchement le prince charmant, mais personne n’avait le droit d’essayer de le voler à sa sœur !
Avec détermination, elle marcha jusqu’au bar et attrapa une coupe de champagne déjà servie. Elle marcha d’un pas décidé vers la table de Darcy et, au dernier moment, fit semblant de trébucher. Elle renversa le champagne sur la robe de l’inconnue, qui sursauta aussitôt.
- Non mais vous avez vu ce que vous avez fait à ma robe ?
- Oups…
L’air vaguement désolé de Lydia ne trompa pas Darcy une seule seconde. Pas plus que sa proposition faussement gentille :
- Venez, je vous accompagne aux toilettes et je vais vous aider à nettoyer tout ça.
Tandis que Lydia partait avec la jeune femme qui fulminait toujours, Darcy put enfin lâcher un soupir de soulagement. Qui aurait cru que Lydia pourrait s’avérer aussi utile ?
Frustrée, Lady Catherine observait la scène aux jumelles depuis son balcon. Juste derrière elle, Collins n’en menait pas large.
- Ce n’est que partie remise, marmonna-t-elle. « Demain est un autre jour. Et je ne manque pas d’idées pour réussir à les séparer ces deux-là !
La soirée se termina tard dans la nuit, Lydia et Kitty dansant jusqu’au petit matin tandis qu’Elizabeth et Darcy se retirèrent un peu plus tôt, épuisés mais heureux.
De retour dans leur bungalow, Elizabeth voulu quand même prendre le temps d’écrire une carte postale à sa meilleure amie, Charlotte, restée à Londres. Elle s’installa sur la terrasse, le bruit des vagues en fond sonore, et commença à écrire :
« Chère Charlotte,
Les Caraïbes sont aussi paradisiaques qu’on l’imagine ! Le sable est blanc, la mer turquoise, et les couchers de soleil à couper le souffle. Darcy et moi passons des moments merveilleux, même si nos vacances ont pris un tournant pour le moins inattendu.
Figure-toi que Lydia et Kitty ont débarqué par surprise ! Elles mettent une sacrée ambiance, comme tu t’en doutes. Entre ça et une série d’incidents étranges (cocktails salés, une tentative d’agression et d’autres choses étranges… bref je te raconterai), nos vacances sont tout sauf reposantes !
Mais tu me connais, j’essaie de voir le côté positif. Ces péripéties nous font rire finalement, et je suis sûre qu’on s’en souviendra longtemps.
Darcy est adorable et patient malgré tout. Une qualité très utile avec mes sœurs. Je crois que je l’aime encore plus pour ça. J’espère que tout va bien pour toi à Londres. Tu nous manques !
Bisous ensoleillés,
Lizzie
P.S. : Si tu vois ma mère, ne lui dis surtout pas que Lydia et Kitty sont ici. Je n’ose pas imaginer sa réaction. Je ne voudrais pas qu’elle prenne cette information pour une excuse et qu’elle débarque ici à son tour !
Elizabeth relut sa carte avec un sourire, la glissa dans une enveloppe et se promit de la poster le lendemain.
Elle rejoignit ensuite Darcy dans leur lit, se blottissant contre lui avec un soupir de contentement. Malgré les imprévus et les nouvelles bizarreries de la journée, elle était heureuse. Peu importe ce que le reste de leurs vacances leur réservait, elle savait qu’avec Darcy à ses côtés, tout irait bien.