Tous les auteurs français que nous ne lisons pas

Je profite de cette rentrée littéraire pour lire un récit biographique consacré à Romain Gary. Le livre est sorti il y a déjà quelques mois, mais je n’avais pas eu le temps de le lire. Et comme je connais mal la vie de l’auteur de La Promesse de l’aube et des Racines du ciel, j’étais très curieuse d’en apprendre enfin plus sur lui. Au fil de ma lecture, une évidence m’a frappée. Je lis peu d’auteurs français. Surtout, je lis peu d’auteurs classiques français. Pourquoi ? Est-ce un rejet développé pendant mes années à l’école ? Quand j’étais étudiante en Lettes Modernes, j’ai étudié assez peu d’auteures français. Oui, j’ai vu Victor Hugo, Verlaine (belge !), Corneille, et quelques autres. Mais pas tant que ça. Et cet apprentissage n’a pas donné lieu à un élan pour découvrir vraiment les autres. Plus tôt dans ma scolarité, pareil : j’ai lu Zola, Molières, Baudelaire, Mirbeau… Il y a tellement d’auteurs français à découvrir ! Et pourtant il y a tellement d’auteurs français que nous ne lisons pas.

Les auteurs français font-ils peur aux lecteurs ?

A un moment, il faut bien poser la question ! Peut-être que nos romanciers, réputés pour leur génie et le brio de leurs œuvres, sont trop intimidants pour le lectorat actuel ? Quand je discute avec d’autres personnes autour de moi et qu’on parle de lecture, les gens me citent toujours plein de romanciers, y compris des auteurs français, mais jamais des auteurs classiques. Qu’il s’agissent de classiques anciens genre Victor Hugo ou Molières) ou de classiques modernes (Sartre ou Duras), les auteures français brillent souvent par leur absence dans les conversations.

Les rares fois où le sujet des auteurs français classiques est sur la table, c’est quand les gens se plaignent d’avoir détesté les lire à l’école. Je ne peux pas leur donner tord. Même si j’ai toujours aimé lire, je dois admettre que les programmes de l’éducation nationale ne favorisent pas le goût de la lecture et la curiosité pour la chose écrite. Je me souviens encore avec fébrilité et dégoût de la scène d’accouchement à la fin de Pot-Bouille, indéniablement le roman d’Emile Zola que j’ai le moins aimé !

Les autres français sont-ils vraiment ennuyeux ?

Outre l’horreur de la contrainte liée à la lecture scolaire, beaucoup de gens me disent qu’ils n’aiment pas les auteurs français classiques parce que ce qu’ils écrivent est ennuyeux à lire. Je veux bien admettre que certaines œuvres sont ardues et demandent un effort, mais je ne peux pas admettre l’argument de l’ennui. Oui, il y a des romans ennuyeux (j’ai détesté L’Education sentimentale), mais il y a aussi de belles choses à découvrir. Surtout qu’on trouve pas mal de littérature de divertissement parmi les auteurs classiques.

Si vous aimez l’action et le suspens, alors vous pouvez lire Le Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas. Si vous aimez la romance classique, vous pouvez lire Au Bonheur des dames, d’Emile Zola. Si vous aimez l’aventure, vous pouvez lire Le Tour du monde en 80 jour, de Jules Verne. Si vous aimez les récits de voyages, vous pouvez lire Terre des hommes, d’Antoine de Saint-Exupery. Si vous aimez les romans féminins, vous pouvez lire Un Barrage contre le Pacifique, de Marguerite Duras.

A condition d’être accompagné par quelqu’un qui vous recommandera des livres susceptibles de vous plaire, il y a de belles découvertes à faire. Et je vous garantis que vous ne vous ennuierez pas !

Les classiques de la littérature française sont-ils dépassés ?

Je sens déjà que cette question va soulever le débat ! Je sais que certaines personnes tiennent absolument à défendre bec et ongles les classiques, qu’ils soient anciens ou modernes. D’après eux, ils font partie de notre patrimoine, et c’est une raison suffisante de les défendre. Au risque de froisser quelques susceptibilités, je ne suis pas d’accord. Dire qu’il faut les lire sous prétexte que les générations précédentes les ont lu, ce n’est pas un argument pertinent. Pour moi, ce quoi prime dans un roman, c’est qu’il doit faire sens.

Madame Bovary a fait scandale à son époque  parce qu’il osait présenter une image moderne et progressiste de la femme. Cette vision est-elle encore subversive et pertinente aujourd’hui ? Je ne suis pas sûre. Aujourd’hui, les problématiques en lien avec la place de la femme dans la société sont très différentes. Et Madame Bovary n’apporte aucune réponse, aucune piste de réflexion sur ces problématiques actuelles. C’est un livre qui est un témoignage du passé. C’est tout son intérêt. Mais du coup je comprends pourquoi des lecteurs actuels pourraient ne pas le trouver intéressant. Il rend compte d’un monde qui n’existe plus.

Et je crois, après avoir longuement réfléchi sur le sujet, qu’on touche là au cœur du problème. Les classiques de la littérature sont largement dominés par des sujets perçus comme trop datés pour être intéressants. Le lectorat actuel les voit comme des documentaires : intéressants, mais pas assez divertissants pour mérités qu’on s’y attarde. C’est un raccourci trompeur : il y a beaucoup de romans classiques qui sont soit très divertissants, soit encore pertinents dans les problématiques soulevés. Mais nous ne les voyons pas.

Du coup, est-ce que ça vaut le coup de lire les auteurs français ?

Oui ! Ma réponse est un peu hypocrite étant donné que moi-même j’en lis assez peu. Mais à présent que j’ai vécu cette petite prise de conscience littéraire, je pense faire un effort pour (re)découvrir la littérature française. J’ai envie de remonter le temps et de voir ce qu’il y a à puiser dans les auteurs classiques. Je ne compte pas me coltiner les livres ennuyeux (au revoir Flaubert !), mais j’aimerais beaucoup faire l’effort de m’aventurer en terre étrangère, de remonter le temps, et de laisser une chance à ces auteurs d’un autre temps.

Et vous, quel rapport avez-vous avec les auteurs français classiques ? Vous en lisez ? Vous les aimez ? Ou ça vous donne envie de vous enfuir en courant ?

19 réflexions sur “Tous les auteurs français que nous ne lisons pas

  1. Mario Thibault dit :

    Ton article (toujours aussi passionnante) tombe de juste car je commence La chartreuse de Parme de Stendhal, je veux me sortir totalement de ma zone de confort livresque et voir où va me mener cette lecture.

    J’aime

  2. cloedominatibouchevreau dit :

    J’adore ! Ton article est vraiment très intéressant, ça fait du bien de voir que quelqu’un aborde enfin le sujet 😉

    C’est vrai que « à cause » de l’école, on a une idée un peu restreinte sur la littérature française. Mais, non seulement nos contemporains égalent bien les américains (je prends appui sur la Passeuse de Mots, ou la Passe-Miroir, par exemple) mais en plus j’ai déniché des pépites vraiment mal connus dans la littérature française ! Si le sujet t’intéresse, je te conseille très largement Genius, de Sophie Gallois 🙂

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  3. topobiblioteca dit :

    Il est vrai que les heures passées en classe ne sont pas toujours de bons souvenirs et il est difficile de passer outre ce sentiment pour aller soi même chercher autre chose. Je suis une grande lectrice et pour autant je ne lis plus de classique depuis des années, car je ne me retrouve ni dans les histoires ni dans le style. Mais il y a de beaux et bons classiques, il ne faut pas les oublier c’est notre patrimoine…

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    • Alivreouvert dit :

      Merci beaucoup pour ton commentaire, c’est exactement le ressenti de beaucoup de lecteurs. Et je peux facilement le comprendre : même quand on aime lire, les classiques demandent un effort particulier. Et quand on rentre de sa journée de boulot et qu’on veut juste passer un bon moment avec une lecture relaxante, on ne se dit pas « Allez, je vais me lire Germinal, ça va me booster le moral ! ».

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  4. L'ourse bibliophile dit :

    Personnellement, j’adore les classiques. Pas tous, Flaubert me tombe aussi des mains. Mais je prends un plaisir incroyable à lire Hugo, Zola, Dumas et compagnie. Mon problème n’est pas le manque d’envie (j’ai sans doute eu la chance de ne pas être dégoûtée par les lectures scolaires tout simplement parce que j’ai lu peu de classiques pendant ma scolarité (alors que j’aurais bien eu envie !)), mais le fait de ne pas toujours prendre le temps. Je voudrais vraiment prendre le temps de redécouvrir Balzac, Molière, Dumas justement et d’en découvrir tant d’autres, mais je ne le fais pas toujours.
    Après, j’admets que des auteurs très intellectuels comme Camus ou Sartre me font un peu peur car j’ai peur d’être hermétique à leurs écrits… alors que je trouve Stendhal ou Zola parfaitement accessibles et lisibles.
    En tout cas, ton article est très intéressant et soulève des questions passionnantes ! Je te rejoins tout à fait sur le fait que de bons conseils peuvent aider à trouver le classique qu’il nous faut (et c’est d’ailleurs valable pour la littérature en général quand on est face à quelqu’un qui n’aime pas lire).

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    • Alivreouvert dit :

      Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je ne sais pas si cette astuce peut t’être utile, mais j’ai remarqué que quand je suis en vacances, j’arrive plus facilement à me lancer dans des lectures défis, qui exigent plus de concentration. Il y a déjà quelques années, j’ai lu Guerre et Paix pendant mes vacances d’été. J’avais la chance d’avoir 4 semaines d’affilée, et c’était idéal parce que je pouvais vraiment me concentrer sur ce que je lisais, lire à mon rythme, et prendre du plaisir dans ma découverte. Je pense que pour des lecteurs un peu exigeantes, c’est le bon plan parce que sinon, dans le rythme de la vie quotidienne, c’est vraiment très dur de se ménager du temps pour ce type de lectures.

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