Hollywood Boulevard, roman de Melanie Benjamin

Quand je ne suis pas en train de lire, j’adore regarder des films, et particulièrement des vieux films. Au gré des découvertes, j’ai ainsi fait la connaissance de tout un tas de personnages fascinants, hauts en couleurs malgré les films en noir et blanc, habités par des acteurs passionnés même si la plupart étaient morts avant même ma naissance. Cette passion pour le cinéma me vient de très loin, et avec le temps j’ai réussi à tirer un trait avec ma passion pour la lecture : il m’arrive fréquemment de lire des livres sur le cinéma. Un vrai bonheur ! Alors évidemment, quand les éditions Albin Michel ont publié, fin avril, le nouveau livre de Melanie Benjamin, Hollywood Boulevard, je l’ai aussitôt mis sur ma liste de livres à lire. Car ce n’est pas tous les jours qu’un roman vous invite à plonger au cœur de l’histoire des pionnières du cinéma américain !

Qui se souvient encore de Mary Pickford, l’actrice la plus aimée en Amérique dans les années 1910-1920 ? Et qui se souvient que Frances Marion est à ce jour la seule femme scénariste à avoir remporté deux Oscars ? Si leurs noms semblent avoir été effacés de la mémoire des fans de cinéma, ces deux femmes sont pourtant toujours bien vivantes en cette année 1969 où Frances vient rendre visite à sa vieille amie Mary. L’occasion de se remémorer un passé glorieux où tout était encore à inventer, où l’industrie hollywoodienne n’était pas encore un business tenu par des directeurs de studio omniprésents. Mais les glorieuses carrières de ces deux femmes extraordinaires ont eu un prix : chacune d’elle, au cours de sa vie, à dû se confronter à la souffrance, aux obstacles et aux coups du sort…

Dès la parution de ce livre, j’ai frétillé d’impatience à l’idée qu’un roman puisse enfin raconter la passionnante histoire de Mary Pickford et de Frances Marion. Si leurs noms ne sont plus très connus du grand public aujourd’hui, elles ont pourtant tenu le haut de l’affiche et aidé à créer le Hollywood que nous connaissons tous aujourd’hui. Et d’ailleurs, si vous avez eu la chance de voir l’excellent documentaire des sœurs Kuperberg, Et la femme créa Hollywwood, alors vous savez déjà l’essentiel sur ces deux femmes remarquables.

Dans la vraie vie, Mary Pickford et Frances Marion ont effectivement été les meilleures amies du monde, se côtoyant pendant plusieurs décennies, travaillant plusieurs fois ensemble, et elles sont même parties en lune de miel ensemble… avec leurs époux respectifs ! De quoi nourrir le mythe hollywoodien et apporter pas mal de matière pour le roman de Melanie Benjamin, qui se fonde d’ailleurs sur de nombreuses archives.

Outre la trajectoire fascinante de ces deux femmes, l’une actrice et l’autre scénariste, ce que Melanie Benjamin nous donne à voir, c’est la naissance d’une industrie assez peu respectable au départ. Les joyeux jeunes gens qui inventaient le cinéma en Californie étaient considérés comme des personnes dangereuses et inconsidérées par tout Los Angeles, et il fallait forcément avoir un esprit aventureux pour se lancer dans ce métier, dont l’avenir semblait alors peu prometteur. Paradoxalement, c’est ce manque de respectabilité et d’intérêt financier qui permettait aux femmes de se faire une place dans cet art naissant. Et Melanie Benjamin le montre bien : Mary Pickford et Frances Marion ont pu mener de formidables carrières car, au tout début du cinéma, il était encore permis aux femmes d’avoir de l’ambition.

Au fil des pages, on croise d’ailleurs beaucoup d’autres pionnières du cinéma, toutes plus fascinantes les unes que les autres : Lillian Gish (l’autre très grande star de l’époque), Anita Loos (la scénariste à qui on doit Les Hommes préfèrent les blondes), Loïs Weber (l’une des toutes premières réalisatrices)… Les hommes ne sont pas en reste puisqu’on part à la rencontre du redoutable D.W. Griffith (réalisateur de génie mais homme difficile), Charlie Chaplin (bien sûr !), Douglas Fairbanks (star des films d’action avant l’heure et second mari de Mary Pickford)… Melanie Benjamin convoque les fantômes du passé et fait littéralement revivre le vieil Hollywood sous nos yeux. Grâce à son écriture fluide, elle nous embarque pour un voyage dans le temps et nous fait faire le tour d’un musée à ciel ouvert où les légendes se pressent pour nous faire un signe de la main.

Le roman en lui-même ne repose sur aucune intrigue. Désolée de le dire, mais pour une fois je m’en fiche parce que tout l’intérêt de ce livre est simplement de suivre les carrières et les vies de Mary et de Frances. Si vous aimez les romans à suspens, ce livre n’est pas pour vous ! Mais si vous aimez les portraits de femmes, alors vous êtes au bon endroit. Car ce qui est intéressant, c’est que malgré leurs points communs, Mary et Frances étaient fondamentalement différentes, et ce décalage s’est manifesté dans la manière qu’elles ont eu de mener leurs carrières respectives ainsi que leurs vies privées.

En refermant ce livre, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que Melanie Benjamin avait choisi un sujet en or, et que probablement elle était aussi passionnée par l’histoire du cinéma américain que moi. On sent une vraie tendresse dans les deux portraits croisés qu’elle dresse sous nos yeux. On la sent investie dans son histoire, qui n’est pas seulement celle d’une amitié entre deux stars, mais qui retrace plus largement le rôle central joué par les femmes dans l’invention du système Hollywoodien. Avec beaucoup de subtilité, Melanie Benjamin redonne vie à deux femmes qui n’ont rien perdu de leur modernité, et qui ne manqueront pas de toucher tous les lecteurs, même ceux qui ne connaissent absolument rien à ces pages de l’histoire hollywoodienne.

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