La Tresse, roman de Laetitia Colombani

Certains livres ont la chance d’avoir droit à des publications en fanfare : tout le monde en parle, il y a des articles dans les magazines, des interviews de l’auteur dans les médias, des pages de pub, ils sont en tête de gondole en librairie… Mais pour la majorité des livres, la parution ressemble à un largage en plein anonymat. Heureusement, il arrive parfois une chose merveilleuse : le bouche à oreille sort un livre de sa zone d’ombre et le fait connaître au grand public. Lorsque La Tresse est paru, il y a déjà un mois, je n’en ai pas vraiment entendu parler. Pourtant, en peu de temps j’ai croisé des billets enthousiastes sur des blogs et j’ai entendu beaucoup de bien de ce livre, ce qui m’a finalement donné envie de le découvrir à mon tour. Et pour tout dire, je suis assez fière de vous présenter cette chronique aujourd’hui parce que j’ai la sensation de faire partie d’une très belle chaîne humaine qui défend avec passion ce roman absolument sublime.

Elles sont trois mais elles ne se connaissent pas et ne se rencontreront jamais. Pourtant, sans qu’elles le sachent, quelque chose les relie. Smita vit en Inde avec son mari et leur petite fille de cinq ans. Elle appartient à la caste des Intouchables, c’est-à-dire qu’elle est condamnée à une vie de misère. Pourtant Smita est habitée par un espoir farouche : elle veut tout faire pour que sa fille ne connaisse pas le même destin qu’elle-même. Elle veut qu’elle aille à l’école, qu’elle ait une chance de s’en sortir. Et pour cela, Smita est prête à se battre, même si ça veut dire risquer sa vie. En Sicile, bien loin de l’Inde, Giulia se passionne pour l’artisanat de la famille : la fabrication de perruques. Mais quand l’avenir du petit atelier est menacé, Giulia, qui croyait son destin tout tracé, va devoir sérieusement réfléchir à son avenir. Est-elle prête à se battre sans aucune garantie de succès, ou va-t-elle abandonner et choisir une vie raisonnable ? Une vie raisonnable, c’est ce que Sarah a passé sa vie à construire. Pourtant même elle, l’une des avocates les plus respectées de Montréal, ne peut pas tout contrôle. Quand elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer, sa vie bien ordonnée et sa carrière réussie basculent toutes les deux pour la laisser plus vulnérable que jamais. Chacune de ces femmes a le choix entre se rendre ou se battre.

Inutile d’y aller par quatre chemins : ce roman est un chef d’œuvre. J’ai rarement lu des livres aussi puissants, émouvants et authentiques à la fois. La Tresse est un roman lumineux porté par une histoire d’une rare intensité qui évoque avec brio la place des femmes dans la marche du monde.

Dès le début j’ai été saisie par l’histoire. Le premier personnage dont on fait la rencontre, c’est Smita, la jeune femme indienne. Et je ne sais pas si c’est parce que c’est le premier destin qu’on découvre ou si c’est à cause de sa relation avec sa fille, mais c’est celle qui m’a le plus bouleversée. Chacun des trois destins évoqués est intenses et très beau, mais celui-là en particulier m’a fait une très forte impression. On découvre beaucoup de choses sur la société indienne, effrayante dans son fonctionnement de castes, et en particulier sur la place dévolue aux femmes. Sans pour autant se lancer dans un discours militant, le livre dénonce avec simplicité une condition proche de l’esclavage à laquelle personne ne peut échapper. Il y a une violence très forte à l’encontre de Smita car sa condition la condamne à n’avoir aucun droit. Et à sa manière, cette femme courageuse va décider de combattre le système avec un espoir fou porté par une détermination sans faille : elle fera tout pour que sa fille ne connaisse pas le même destin qu’elle.

Les deux autres histoires sont légèrement moins intenses en émotions mais tout aussi intéressantes. Elles sont elles aussi ancrées dans une réalité qui ne fait pas de cadeaux aux femmes et où elles doivent se battre pour assurer leur place. J’ai notamment beaucoup apprécié la manière dont Laetitia Colombani traite le portrait de Sarah, cette avocat qui a fait carrière et qui doit désormais lutter contre la maladie (et surtout contre la réaction de son entourage professionnel face à cette maladie). Le portrait est dressé avec beaucoup de finesse et de justesse, sans jamais verser dans le jugement ni dans l’émotion facile. Et c’est d’ailleurs le secret de ce roman : Laetitia Colombani se place à hauteur de ses trois personnages, sans jamais les juger, mais en les abordant avec honnêteté et bienveillance.

Au final, La Tresse est un roman qui m’a émue comme rarement j’ai été émue par un livre. Malgré les sujets très difficiles abordés, il dévoile un optimisme qui réchauffe le cœur et qui ne manquera pas d’inspirer tous les lecteurs. C’est définitivement un livre à mettre entre toutes les mains. J’espère que vous serez nombreux à découvrir ce roman exceptionnel et à le faire découvrir à votre tour à d’autres lecteurs.

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