Qu’est-ce qu’un bon retournement de situation ?

Je me suis récemment posée une grande question existentielle : qu’est-ce qui fait un bon retournement de situation ? Beaucoup de livres essayent de ménager à leurs lecteurs un retournement de situation, mais dans la plupart des cas on le voit venir, et dans le reste des livres cet ultime retournement ressemble plus à une péripétie qu’à une vraie remise en question de l’intrigue. J’ai quand même l’impression qu’un bon retournement de situation, c’est un peu plus qu’un tour de passe-passe d’écriture qui consiste pour l’auteur à sortir un lapin de son chapeau. Je peux me tromper, mais d’un autre côté je pense avoir lu assez de livres pour être un peu exigeante vis-à-vis des livres et des auteurs. Lire un livre signifie que je vais passer plusieurs heures de ma vie en immersion dans une histoire. J’attends de l’auteur qu’il me divertisse avec intelligence et qu’il fasse donc un effort d’originalité. Sinon, j’estime que j’ai perdu mon temps. A toutes fins utiles, j’ai donc décidé de dresser ma liste personnelle des éléments qui font, selon moi, un bon retournement de situation.

Il doit faire grimper les enjeux de l’histoire

La différence entre un simple retournement de situation et un bon retournement de situation, c’est qu’il ne doit pas seulement changer la direction de l’histoire, mais il doit la faire monter d’un cran. Un bon retournement de situation ne se contente pas de vous surprendre : il remet en cause votre perspective de lecteur, il ébranle vos certitudes.

Il doit être imprévisible

L’idéal évidemment, c’est de ne pas se douter que quelque chose va se produire. Mais c’est aussi la nature du retournement de situation qui en fait la qualité. Dans le formidable roman de Christopher Priest, Le Monde inverti, on se doute forcément que quelque chose va être révélé à la fin, mais bon sang : je mets n’importe qui au défi de deviner la révélation finale ! Elle est complètement imprévisible et en lisant le roman, je me revois clairement en train de me cramponner à mon livre et de m’exclamer mentalement : non !!!

Il doit être agréable

J’ai gardé un très mauvais souvenir de ma lecture des Quatre Filles du docteur March pour plusieurs raisons, et surtout à cause de la fin. Non seulement on perd l’un des personnages en cours de route (ce qui est déjà dur à digérer), mais en plus Laurie ne finit pas avec la bonne personne. Je me sentais arnaquée ! Alors certes, le lecteur est forcément surpris, mais franchement la frustration prend vite le pas sur la surprise. J’ai eu la sensation que l’auteure avait fait preuve de sadisme gratuit et je n’ai jamais relu ce livre depuis.

Il doit rester plausible

Autre expérience de lecture de mes jeunes années, je me souviens d’avoir été très dubitative sur la fin de La Petite Princesse. Ah bon : elle hérite miraculeusement, devient très riche et quitte sa pension sordide ? Hum, excusez-moi mais ce simplisme ne me convient pas, et ce n’est pas parce que je suis une gamine de onze ans que je vais me satisfaire d’une ficelle aussi grosse que celle-là ! Ce qui rend un retournement de situation d’autant plus impressionnant, c’est qu’il est capable de faire retomber l’histoire sur ses pieds sans qu’elle perde en crédibilité.

C’est toujours mieux quand il y avait des indices

L’esprit du lecteur est fait de telle manière que nous aimons être floués par un auteur. Et même, nous l’admirons pour ça. J’ai toujours trouvé que Le Crime de l’Orient Express, aussi plaisant soit-il à lire, était un peu faible du point de vue de son intrigue. On découvre trop rapidement que le meurtre est lié à l’affaire Daisy Armstrong, et à partir de là toutes les pièces se mettent en place très rapidement. Du coup, ça affaiblit le mécanisme de l’intrigue. Un bon retournement de situation doit laisser voir des indices avant-coureurs, mais il ne doit pas non plus trop en dire sinon il devient prévisible. Un excellent exemple se trouve dans Le Prestige, autre roman de Christopher Priest, où seulement quelques indices sont abandonnés au lecteur. Mais pendant la lecture, on n’y fait pas tellement attention, et ça rend le retournement final d’autant plus surprenant qu’en y réfléchissant bien, nous avions (presque) toutes les cartes en main pour le deviner.

Et pour vous, amis lecteurs, qu’est-ce qui fait un bon retournement de situation ? Quels ont été les livres qui vous ont le plus bluffé ?

3 réflexions sur “Qu’est-ce qu’un bon retournement de situation ?

  1. Catherine dit :

    Question très interessante et bon article! Je suis d’accord avec toi. Mais néanmois sur certains livres, je crois que je suis peut être trop indulgente et par exemple petite princesse, j’ai tellement aimé princesse sarah (car j’avais commencé petite par voir la série avant de lire le livre) que je ne suis pas objective pour cause affective envers Sarah meme si je comprends tout à fait ton point de vue. Effectivement, les retournements de situations que l’on attend pas et qui nous prennent completement au dépourvu c’est très excitant pour le lecteur. Mais préferes-tu les retournements finaux (dans les quelques pages de la fin) ou bien à mi-chemin (un peu comme dans « les apparences » de Gilian Flynn)?

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    • Alivreouvert dit :

      Sincèrement j’aime les deux. J’ai peut-être une petite préférence pour le retournement final parce que du coup on finit la lecture sur un sentiment « wahou ». Mais d’un autre côté, les retournements à mi-chemin sont souvent plus maîtrisés par les auteurs et ils ne sont pas qu’un simple effet « wahou », justement ils emmènent le lecteur encore plus loin, presque comme s’il s’agissait d’un deuxième livre dans le livre.

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  2. lily dit :

    J’adore les retournements de situation, je ne suis pas aussi exigeante et à « il doit être imprévisible » pour moi c’est assez subjectif ça, car il y a des personnes qui voient vite venir des choses ça même dès le début, moi non je me laisse totalement surprendre et ça même si je li, regarde des thrillers, des polars, c’est beaucoup ceux-là qui me surprennent. « ils doivent faire grimper les enjeux de l’histoire » ça dépend c’est quoi les enjeux et aussi de l’histoire, un retournement de situation dans une romance n’est pas le même que dans un thriller, sinon « il doit être agréable » pas du tout dans mon cas, j’adore les drames aussi, j’adore les retournements de situation dramatiques au contraire et j’aime moins quand c’est trop hyper fleur bleu et « c’est toujours mieux quand il y a des indices » euh non pour ma part, je préfère ne pas avoir d’indice et ne rien voir arriver du tout.

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