Les Règles d’usage, roman de Joyce Maynard

regles-dusageJoyce Maynard est indéniablement l’une des meilleures romancières américaines contemporaines. Un auteur que j’ai plaisir à suivre de livre en livre et qui jette toujours un regard intéressant sur notre société. Pour cette rentrée littéraire 2016, elle revient en France avec un « nouveau » livre qui n’est pas si nouveau que ça. Le roman Les Règles d’usage a en fait été publié en 2003 aux Etats-Unis, soit juste deux ans après les attentats du 11 septembre. Pourtant, il n’avais encore jamais été publié en France. Heureusement, l’erreur est réparée et les éditions Philippe Rey offrent aux lecteurs français l’occasion de découvrir un roman unique, ambitieux et intime dans laquelle Joyce Maynard aborde deux de ses thèmes de prédilection : l’Amérique et la famille.

11 septembre 2001. Au petit-déjeuner, rien ne semble annoncer une journée différente des autres. Wendy se prépare pour aller au collège, elle prend son petit-déjeuner avec son beau-père et son petit-frère. Sa mère, secrétaire de direction dans l’une des tours du World Trade Center, est déjà partie travailler. La journée commence comme toutes les autres, mais bien vite la ville de New York est secouée par une onde de choc sans précédent. Après la stupeur vient la panique : qu’est-il arrivé à sa mère ? Où se trouve-t-elle ? Dans une ville où il est désormais impossible de circuler, c’est dur d’avoir des informations. Et l’information qui arrive finalement annonce la mort. Complètement déboussolée face à ce drame, Wendy décide de quitter New York pour partir vivre avec son père en Californie. Elle traverse tout le pays pour essayer de trouver un nouveau départ et se reconstruire. Pour l’adolescente, le chemin du deuil va aussi être le chemin qui mène à l’acceptation de soi.

Oui je sais, ce livre n’aborde pas franchement un thème joyeux. Et pourtant, quelle lumière et quel optimisme se dégagent de ce livre ! En choisissant d’aborder les attentats du 11 septembre d’une manière si intime, Joyce Maynard arrive à mettre des mots sur un traumatisme national. Mais elle s’en sert aussi pour livrer une histoire qui ne parle pas de haine ni de politique : seulement de l’amour d’une fille pour sa mère.

L’angle choisi dans ce roman est vraiment, pour moi, celui de la métaphore. A travers l’histoire de Wendy, c’est tout un pan de l’histoire moderne des Etats-Unis qui se révèle, et en particulier celle relative aux attentats du 11 septembre. En lisant Les Règles d’usage, j’ai appris beaucoup de choses sur ce qui s’était passé à New York. Pas sur les attaques mais sur la vie des survivants, des proches des morts. Les quelques jours qui ont suivi l’attaque ressemblaient à la fin du monde. Joyce Maynard décrit les gens qui errent dans les rues, courent dans les hôpitaux, placardent des affiches dans les rues à la recherche de leurs proches disparus. Le manque d’information et le trop grand nombre de corps à identifier ralentit le processus de deuil parce que les gens ne savent même pas si leurs proches sont morts, portés disparus ou en vie, blessés quelque part.

A travers le roman et le regard de Wendy, Joyce Maynard porte un regard sur les attentats et la manière dont les américains les ont vécu. Elle s’attache à évoquer une histoire intime pour ensuite embrayer sur le thème du deuil et de la reconstruction. Et elle fait ça sans jamais donner dans le voyeurisme, sans jamais verser dans le sensationnalisme ou chercher à tirer des larmes faciles à ses lecteurs. Elle raconte son histoire de manière authentique.

Les Règles d’usage porte un message très optimiste : celui que l’être humain peut se relever de tout. Notamment grâce au soutien de la famille, cette cellule qui peut être source de tellement de maux et de colères, mais aussi de tellement d’amour et de compassion. Toute la partie du roman qui se déroule en Californie donne le visage d’une Amérique qui est encore capable de tendre la main vers l’autre, où les gens peuvent aider leur prochain et faire preuve de générosité. Et ces valeurs permettent à chacun de grandir et de s’affranchir de ses faiblesses et de ses craintes.

Les différents personnages de ce livre, et Wendy en particulier, sont très touchants et parfaitement réalistes. Ils sont monsieur et madame tout-le-monde confrontés à la douleur de la perte. Et d’une manière ou d’une autre, ils doivent surmonter ça. Pour Wendy, qui est en pleine crise d’adolescence, l’enjeu est encore plus élevé. Son identité se façonne, sa confiance en elle se construit, et elle doit désormais décider du chemin qu’elle va emprunter pour construire sa vie.

Les Règles du jeu est un roman à l’écriture parfaitement maîtrisé, d’une grande richesse et d’une grande beauté. Je l’ai lu en étant très troublé par la force qui se dégageait de ce livre. J’ai été très émue par son histoire et ses personnages. Il aborde des thèmes universels qui toucheront tous les lecteurs. En même temps, ce roman de Joyce Maynard est un hymne à la vie, un hommage rendu à l’amour et à l’optimisme. Un livre indispensable à notre époque.

4 réflexions sur “Les Règles d’usage, roman de Joyce Maynard

  1. lespagesdesam dit :

    Je suis assez frileuse avec ce thème tragique du 11 septembre et de tout ses fantômes. Pourtant Joyce Maynard a l’air d’avoir écrit un roman très beau et très « vrai ». Philippe Rey est une maison que j’aime beaucoup alors, même si je ne le lis pas, je serais curieuse de le feuilleter et d’en lire quelques passage à la librairie. Merci pour ton article 🙂

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