Moura, la mémoire incendiée : le nouveau roman d’Alexandre Lapierre

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Je n’avais jamais entendu parler de Moura jusqu’à ce que je me retrouve avec le nouveau livre d’Alexandre Lapierre entre les mains. Un pavé à la couverture splendide et au résumé pour le moins intriguant. Qui est cette femme d’origine russe qui a traversé le XXe siècle en côtoyant tant de personnages historiques ? En vivant de l’intérieur tant d’événements majeurs ? Muse, agent secret, aristocrate, éditrice… Difficile de résumer son parcours. Et comme c’est Alexandra Lapierre qui est à l’écriture, on ne peut que parier sur le fait que le sujet va être passionnant. C’est que la romancière française s’est faite une spécialité des femmes d’exception. J’ai donc ouvert ce nouveau livre en me préparant à vivre une aventure. Je n’ai pas été déçue du voyage. Moura, la mémoire incendiée nous emmène loin, dans un voyage dans le temps absolument passionnant.

Quand elle nait en 1893, Moura commence sa vie sous une bonne étoile. Elle est la troisième fille d’un ambassadeur important, un aristocrate riche et bien établi à la cour de Russie. Dans ce système où la naissance conditionne toute une existence, le nom de famille de Moura est un jocker qui donne droit à de nombreux privilèges : une bonne éducation, un cadre de vie très confortable, une place prééminente dans les rangs de la noblesse européenne. Mais tout bascule assez vite lorsque le père de Moura meurt. Elle n’est encore qu’une adolescente et le train de vie de la famille diminue drastiquement. Pour s’échapper, seul un mariage peut offrir un nouveau départ. Le mariage tant espéré arrive sous la forme d’un élégant officier estonien. Mais le bonheur ne dure pas, et l’histoire rattrape rapidement Moura. La révolution bolchévique saccage tout sur son passage et brise la vie de ceux qui n’étaient habitués qu’aux privilèges accordés par leurs noms. Moura, aventurière dans l’âme et résolument tournée vers la modernité, n’est pas contre le changement. Mais quand sa vie et sa sécurité sont en danger, elle ne va pas avoir d’autre choix que s’adapter ou mourir. Pour survivre, il faudra se réinventer et changer de vie plusieurs fois.

De son vrai nom, Moura s’appelait Maria Ignatievna Zakrevskaïa. Et même si le livre d’Alexandra Lapierre n’est pas une biographie au sens stricte du terme, l’auteure n’invente rien car Moura a bien existé, et c’est bien sa vie qui nous est racontée dans ce livre. Si le cours de l’histoire n’avait pas dévié, Moura aurait certainement eu une vie assez ordinaire et serait restée dans son milieu aristocratique. Mais les événements vont en quelle que sorte décider pour elle et la jeter au beau milieu de l’échiquier mondial. Loin de son rang, isolée des siens, à plusieurs reprises en danger, elle va vivre la révolution russe de l’intérieur et en subir les excès. Proche de Gorki, muse de H.G.Wells, Moura va se construire une vie à elle où la littérature va tenir une place importante. Mais la réduire au rang de cliché, de femme séduisante et subversive ne suffit pas pour comprendre sa personnalité. Et tout le projet d’écriture d’Alexandra Lapierre consiste justement à faire voler en éclats les préjugés pour aller au plus près de Moura.

Comme je l’ai dit plus haut, en commençant ce livre je ne savais rien de Moura. Je ne connaissais pas non plus grand-chose à la révolution russe (mes années de lycée commencent un peu à dater) et d’une manière générale j’étais une parfaite candide. Là, le tour de force d’Alexandra Lapierre est à la fois de poser simplement le cadre du récit pour que son lecteur ne soit jamais perdu, et bien sûr de raconter avec passion pour lui donner envie de connaître la suite de l’histoire. Il suffit de lire les premières pages du livre pour comprendre immédiatement pourquoi l’auteure a porté son choix sur Moura pour sujet d’un livre. Comment ne pas être intéressé par ce destin hors normes qui se dévoile au beau milieu de l’un des épisodes les plus chaotiques de l’histoire moderne ? Moura évoque la Russie dans ce qu’elle a de plus fabuleux, de plus fascinant, de plus dangereux. Elle est irrésistible. Bref, le sujet idéal pour un livre.

Pas besoin d’avoir un bagage historique pour suivre cette histoire puisque Alexandra Lapierre nous fait remonter le temps en expliquant parfaitement dans quelles circonstances la révolution bolchévique est arrivée et comment elle s’est mise en place, instaurant au fil des années un régime de terreur et de censure. Mais loin d’être simplement ballottée par les événements, Moura est une femme qui a pris son destin en main et a été capable de se réinventer à plusieurs reprises. Parce que sa survie était en jeu, elle a du changer de vie et c’est notamment grâce à son audace et son intelligence qu’elle a réussi à se sortir de toutes les situations, même les plus dramatiques.

Ce livre n’est pas une biographie, mais on ne peut pas non plus le prendre comme un simple roman. Il se dévore comme un roman… sauf que tout est vrai. C’est à la fois troublant et passionnant. Alexandra Lapierre donne à voir une femme à la personnalité complexe, à la vie incroyable, et elle ne cherche pas à la simplifier. Elle restitue Moura dans toute sa complexité, dans ses forces comme dans ses faiblesses. Elle ne la juge pas et laisse le lecteur avoir sa propre idée sur cette femme unique. Plus qu’une lecture, ce livre est une rencontre.

CONCOURS

J’en profite pour vous prévenir que vous avez jusqu’à dimanche pour gagner un exemplaire de ce livre. J’ai mis en place un concours en partenariat avec les éditions Flammarion. Il vous suffit de vous rendre sur la page Facebook d’Alivreouvert pour participer. Bonne chance à tous !

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