Le mois de mars touche à sa fin et, malgré mes gros retards de lecture, j’ai plus ou moins réussi à tenir le cap que je m’étais fixé. Aujourd’hui, ce n’est pas un roman policier qui clôture ce mois dédié au genre, mais une histoire d’amour. Le dernier livre que j’aurais lu en mars est un roman surprenant, le premier écrit par Nicole Ligney. Six mois entre deux rives n’est pas le genre de livre qui vous fait rire et vous redonne la pêche. Mais c’est le genre d’histoire délicate qui vous fait plonger dans une histoire intense et vraie. Une belle découverte qui termine donc en beauté ce mois de mars déjà riche en belles découvertes.

Lili est journaliste à Paris. Entre son travail très prenant et sa relation en pointillés avec Lucas, son compagnon depuis des années, Lili cherche une stabilité qui échappe pourtant à sa vie. L’opportunité d’un changement se présente à elle quand on l’embauche pour faire partie de l’équipe chargée de lancer un nouveau magazine. Enfin un projet enthousiasmant… pas aussi enthousiasmant que la rencontre qui l’attend : pour une interview, elle doit rencontrer Rubene McKye, une romancière américaine géniale mais fragile. Entre les deux femmes, quelque chose se passe lors de cette rencontre. Une fascination mutuelle et persistante. La magie de la rencontre se prolonge jusqu’à ce que Rubene propose quelque chose de fou à Lili : tout plaquer pour venir aux Etats-Unis avec elle. Mais pour s’autoriser à vivre cette histoire d’amour, chacune va devoir lutter contre quelque chose d’intime, la peur comme le doute.

Avec ce premier roman, Nicole Ligney ne s’attaque pas à un sujet facile. Ecrire sur l’amour peut se faire de deux façons : la romance qui fait rêver les lecteurs, ou alors l’analyse quasi psychologique d’une relation. La deuxième option est la plus dure ; c’est celle choisie par ce roman. On est loin des clichés sur le couple, et ce qui semble intéresser l’auteure dans cette histoire, c’est d’observer de près la rencontre de deux êtres qui ont besoin, sans le savoir au départ, l’une de l’autre. Elles vont s’apporter mutuellement quelque chose, et c’est cette dimension presque salvatrice de l’amour qui est interrogée.

L’écriture est subtile, alternant les points de vue des deux femmes pour mieux nous faire pénétrer dans leurs pensées, dans leurs peurs et leurs espoirs. Les subjectivités s’alternent et laissent de la place pour le lecteur et son interprétation. On a vraiment l’impression d’être témoin des différents stades de cette relation, et c’est certainement la plus grande réussite du livre. Ça permet aussi à la narration d’avoir un rythme très particulier. On alterne entre des passages qui vont vite, qui font avancer l’histoire, et d’autres moments plus intimes dans lesquels on découvre des souvenirs, où on s’attarde sur les émotions des deux femmes. Ces passages font avancer notre compréhension des personnages, et ils permettent de les rendre encore plus réels.

Si j’ai été moins convaincue par la toute fin de l’histoire (parce qu’elle m’a un peu laissée sur ma faim), le livre en lui-même est très bien mené. Il suit le cheminement émotionnel de deux personnes et il le fait avec beaucoup de pudeur. Nicole Ligney parvient à restituer avec beaucoup d’authenticité une histoire d’amour de la vie de tous les jours. Pas une histoire de cinéma avec son happy end programmé, mais une histoire sincère qui n’en est pas moins intense. Pour un premier roman, c’est ce qu’on peut appeler une réussite.