Les Nouvelles Aventures d’Arsène Lupin, Les Héritiers : roman de Benoît Abtey et Pierre Deschodt

LupinJe ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais il semble qu’Arsène Lupin bénéficie d’une sorte de retour en grâce. Après le roman d’Adrien Goetz paru l’année dernière chez Grasset, c’est au tour de Benoît Abtey et Pierre Deschodt d’allier leurs forces pour proposer aux éditions XO une nouvelle aventure de notre très célèbre gentleman cambrioleur : Les Nouvelles Aventures d’Arsène Lupin, Les Héritiers. Il faut dire que je ne m’en plains pas, bien au contraire ! Arsène Lupin, c’est un peu ma madeleine de Proust. Et je ne pouvais pas laisser passer ce nouveau roman sans le lire et replonger un peu dans le passé…

La fin du XIXe siècle français est un peu chaotique… c’est le moins qu’on puisse dire ! Les vieux héros ne font plus recette, et l’avenir semble appartenir aux jeunes ambitieux : les politiques et les financiers. L’heure n’est plus au panache mais au cynisme. Arsène Lupin est-il même encore aux goûts du jour. C’est un nom qu’on murmure, mais il n’est plus l’homme des coups d’éclat. D’autant que son nom est maintenant associé à des scandales dans la presse, comme un incendie à Paris où de nombreuses personnes trouvent la mort. Lupin serait-il devenu un vulgaire bandit, un meurtrier, un traitre ? Pour rétablir la vérité, le gentleman cambrioleur devra jouer une partie très serrée contre des adversaires redoutables.

Avant de vous donner mon avis sur ce nouvel opus des aventures de Lupin, je vais un peu vous raconter les relations que j’entretiens avec ce personnage. J’ai commencé à lire ses aventures quand j’avais 13 ans. A l’époque, je lisais les livres de la bibliothèque verte (monument adoré de la littérature jeunesse en France), et Lupin était dans mes yeux un héros. Le génie de Maurice Leblanc ne faisait aucun doute pour moi, et il avait toutes les qualités : l’intelligence, l’énergie, l’humour, le charme…En grandissant, j’ai lu les véritables éditions des aventures d’Arsène Lupin, et j’ai surtout découvert toute la deuxième partie de l’œuvre, celle d’après la Première Guerre mondiale, plus noire, plus cocardière, moins drôle et moins légère. Tout ça pour dire que je connais bien mon sujet. Et c’est cette vieille passion qui m’a poussé à m’intéresser de prêt au nouveau roman qui vient de paraître.

Le fait que de nouveaux auteurs reprennent un ancien personnage n’est pas forcément une mauvaise chose. En roman, les exemples n’ont pas souvent été concluants (peut-être aussi parce que les lecteurs ne sont pas toujours de bonne foi). Dans la BD en revanche, c’est monnaie courante et il y a beaucoup de très bons exemples pour prouver que l’esprit de l’œuvre peut être ravivé par d’autres plumes que le créateur d’origine.

Dans cette nouvelle aventure, on sent bien qu’on a à faire à des lecteurs d’Arsène Lupin car on retrouve tout de suite l’ambiance de l’époque, l’esprit du personnage. On se sent tout de suite en territoire familier. En même temps, la couverture annonçait la couleur : une silhouette en chapeau haut de forme, suivie par une voiture. Il suffit de cette ombre pour deviner immédiatement Lupin prêt à bondir hors des pages.

Globalement, les deux auteurs ont bien respecté le « cahier des charges Lupin ». On retrouve de nombreux éléments qui viennent de son univers, à commencer par son caractère, son intelligence, son courage, sa manière de procéder en se travestissant, en ayant recours à l’aide de sa bande… Personnage insaisissable, il glisse dans l’intrigue avec beaucoup de fluidité et d’agilité. Autour de lui, l’histoire est façonnée par des éléments canoniques rassurants pour le lecteur : des histoires de corruption et d’ambition, des traîtrises, beaucoup de rebondissements et de suspens, des personnages détestables pour jouer les antagonistes, quelques personnages féminins… et bien sûr la présence des forces de l’ordre qui sont ici incarnées par Georges Clémenceau en personne. Autant dire qu’avec autant d’ingrédients d’origine, ce roman se place bien dans la tradition du personnage.

En ce qui concerne l’écriture, je l’ai trouvé très agréable, et c’est surprenant de savoir que ce livre a été écrit à quatre mains car ça ne se voit pas du tout. Tout est fluide, l’histoire est bien maîtrisée, et la stratégie narrative est très efficace puisqu’elle réserve des surprises jusqu’à la toute fin du livre. J’ai un peu moins accroché au rythme ; à certains chapitres, la narration prend un peu trop de place au détriment de l’action. Autre détail qui m’a fait tiquer : certains dialogues sont un peu trop « ampoulés ». Ils sont tout à fait dans l’esprit de l’époque, mais considérant le fait que nous sommes en 2016, je ne pense pas qu’il était nécessaire d’écrire les dialogues de cette façon. Mais là, c’est vraiment une histoire de ressenti et de goût personnel…

Au final, non seulement ce roman policier est de très bonne facture, mais il réussit à faire revivre l’esprit d’Arsène Lupin. Le souffle de l’aventure exhale à toutes les pages, et notre héros bondissant n’a rien perdu de son charme. Toujours aussi habile à se sortir de toutes les situations et à résoudre les affaires les plus complexes, il navigue ici entre tradition et modernité, retrouvant une deuxième jeunesse. Le roman devrait autant plaire aux fidèles lecteurs de Lupin qu’aux curieux qui ont envie de le découvrir pour la première fois.

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