The Grand Budapest Hôtel : mon avis sur l’adaptation

239820Le film est sorti l’année dernière sur les écrans français, entouré par un enthousiasme délirant que méritait amplement le talent de conteur de Wes Anderson. Pourtant, je n’avais pas eu le temps d’aller voir ce film au cinéma. Honte sur moi. Je me suis donc rattrapée pendant ces vacances de Noël. Est-ce que ce film fait Noël ? Pas vraiment à vrai dire, mais il contient tout de même un imaginaire fort qui correspond assez à l’esprit festif de la fin d’année. Une joie de vivre d’autant plus étrange que Wes Anderson affirme s’être inspiré des œuvres de Stefan Zweig pour écrire le scénario de son film. Alors, verdict ?

L’histoire du Grand Budapest Hôtel est intimement liée à son personnel. Et c’est justement de deux membres du personnel dont il va être question. Le concierge et le lobby boy qui étaient là dans les années 1930 n’étaient pas comme tout le monde : habités par un sens du devoir frôlant la monomanie, et en même temps passionné par le bizarre. Le narrateur de l’histoire va découvrir leur histoire lors d’un séjour qu’il fait au Grand Budapest Hôtel dans les années 1960. A cette époque, l’établissement a perdu sa superbe, et il ne reste que les fantômes d’un passé révolu. Mais le propriétaire de l’hôtel va lui raconter comment il est entré en possession de l’établissement, et quel lien cela a à voir avec le fameux concierge et le petit lobby boy. Car une sombre histoire d’héritage, de tableau volé, et de course-poursuite avec une armée nazie (sans compter l’importance stratégique d’un pâtissier local), donnent font de ces péripéties une histoire digne d’intérêt pour tout conteur…

Comme d’habitude chez Wes Anderson, on commence l’histoire en pensant que le film parle de quelque chose, et on s’aperçoit en court de route que le propos n’est pas celui qu’on croyait. Rien n’est normal dans cet assemblement d’aventures menée tambour battant. Et comme toujours, une certaine poésie s’invite dans l’histoire pour lui apporter cette couleur si particulière. On alterne entre le burlesque et des émotions authentiques. Et si ce n’est pas le genre de film qui plaira à tout le monde, il faut au mois reconnaître au réalisateur le talent de ne pas faire les mêmes films que les autres. Un effort méritoire en ces temps où les blockbusters aseptisés règnent sans partage… et sans trop d’imagination.

Je ne vais pas m’éterniser sur la critique du film en lui-même, son propos ou sa technique : je ne suis pas critique de cinéma, et de tout manière j’ai trouvé que tout était très bien. A la place, je vais me focaliser sur une question : qu’est-ce qui vient de la littérature dans ce film ? Car en avouant l’inspiration puisée chez Zweig, Wes Anderson met le spectateur bibliophile en plein devant cette question existentielle. Pour dire les choses clairement, le film n’est pas l’adaptation d’une nouvelle écrite par Zweig. Il n’y a pas, dans la bibliographie du romancier, de texte en rapport avec cette histoire. Alors où est-ce que Wes Anderson est allé pêcher son inspiration ?

Plusieurs éléments peuvent apporter un peu de lumière. D’abord la période historique. C’est vrai que Zweig a beaucoup écrit sur la période historique dont il était le contemporain, sans pour autant aborder pleinement de front le sujet du nazisme. L’art de vivre à l’européenne était l’un de ses cadres fétiches, comme on peut s’en rendre compte en lisant Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. Zweig aimait aussi dépeindre la psychologie de ses personnages, particulièrement pour mettre en lumière les points de rupture qui amènent une personne à basculer dans autre chose. Il aimait s’intéresser aux choses inexplicables, à une folie douce qui pouvait gagner chacun à tout instant.

L’ensemble de ces propos se retrouve par touches dans le film de Wes Anderson. Qu’il s’agisse de montrer les dernières heures de gloire de l’aristocratie européenne, de montrer l’avidité des individus, la violence qui peut très rapidement se déchaîner, l’absurde d’une société régie par des codes archaïques… En ce sens, Wes Anderson signe un film très européen, et c’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il a rencontré un tel succès chez nous.

Et en même temps, je soupçonne que Zweig ne soit pas sa seule source d’inspiration. Et plus largement, je me demande si Grand Budapest Hôtel n’est pas un hommage à la littérature européenne d’une façon plus large. Car on retrouve un certain onirisme qui rappelle Lewis Carroll (Alice au Pays des Merveilles), une poésie baroque comme chez Oscar Wilde, des passages absurdes qui font plus penser à Kafka… Bref, ce film, pour moi, est un hymne à la littérature (la poésie sert d’ailleurs de fil rouge dans l’intrigue du film).

Quoiqu’il en soit, Grand Budapest Hôtel est un très bon film. En temps que fan des premiers Tim Burton (du temps où il était encore inspiré), j’ai retrouvé dans ce film une bonne partie de ce que j’aimais chez Burton. Avec en plus une énergie, un sens du coup de théâtre qui font du bien. Et qui prouvent que quand il est bien fait, le cinéma peut lui aussi proposer une écriture narrative ambitieuse. Un vrai vent de fraîcheur par rapport aux films ordinaires, basés sur des intrigues convenues !

 

8 réflexions sur “The Grand Budapest Hôtel : mon avis sur l’adaptation

  1. Carnet Parisien dit :

    J’avais été super déçue par ce film, contrairement à toi. Je n’avais jamais vu de Wes Anderson et je ne m’attendais pas à ça du tout… c’était tellement loufoque pour moi ! il faudrait peut-être que je le revois, maintenant que je sais ce qu’il contient, pour mieux le savourer… Bises !! 🙂

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