L’Aviatrice, roman magistral de Paula McLain

aviatriceAvoir une mère qui lit beaucoup et dont l’un des films préférés est Out of Africa a certainement été un élément fondamental dans ma passion pour les livres romantiques… et aussi le déclencheur d’un imaginaire qui a pour moi autant d’ampleur que le monde « pour de vrai ». De là à dire que le splendide roman de Paula McLain et moi étions destinés à nous rencontrer, il n’y a pas loin. C’est à cette romancière américaine que l’on doit Madame Hemingway, un livre que je n’ai pas lu mais dont on m’a dit le plus grand bien. J’avais donc un a priori positif pour ce roman. Et pourtant, dès les premières pages, il a été clair pour moi que ce livre serait bien meilleur encore que ce à quoi je m’attendais. Il faut écouter son instinct, parfois il a raison…

« J’avais une ferme en Afrique » sont les premiers mots de Karen Blixen pour décrire sa vie au Kenya à l’orée du XXe siècle. Ces mots, Beryl Markham aurait pu les prononcer… si ce n’est que son père et elle n’avait pas une ferme mais un élevage de chevaux. Au beau milieu du Kenya alors colonie britannique, la petite Beryl grandit dans une liberté qu’elle n’aurait pas connue en Angleterre. Elle vit dans la nature, proches des tribus locales, et, comme un garçon, elle n’a peur de rien. Les chevaux sont la grande passion de sa vie, et les courses sont les rendez-vous qui rythment la vie de son père et elle. Pourtant, les problèmes d’argent de son père vont vite chasser l’esprit impétueux de la petite fille pour laisser la place au pragmatisme d’une jeune femme qui doit trouver sa place. Et dans une société où l’homme blanc règne en maître, une femme ne peut pas espérer grand-chose à part le mariage. Mais la raison ne peut pas rendre Beryl heureuse, elle dont la nature aventureuse la pousse toujours plus près de l’horizon. Elle tracera donc sa propre voie, en tant qu’entraîneur de chevaux d’abord puis pilote d’avion plus tard. Un destin incroyable qu’une simple biographie ne réussirait pas à ressusciter : ça tombe bien, Paula McLain a choisi d’en faire un roman !

De loin en loin, il arrive qu’un livre soit tellement fort qu’on a vraiment l’impression qu’il vous emporte avec lui. J’ai eu la chance de ressentir ce phénomène plusieurs fois cette année, et notamment avec Fleurs sauvages, un superbe roman dont l’histoire se déroulait en Australie. A bien des égards, L’Aviatrice m’y a fait penser. D’abord à cause du dépaysement que ce roman offre à son lecteur ; ensuite à cause du destin de femme forte qui se dégage de ces pages. Et pourtant, les deux histoires sont très différentes. Reste une même sensibilité à la lecture.

Dans ce roman qui flirte avec la biographie, ce qui frappe c’est à quel point le personnage de Beryl prend vie sous nos yeux. Elle est là, bien réelle, rendue palpable grâce à l’imagination et la sensibilité d’une romancière qui maîtrise visiblement son sujet sur le bout des doigts. De l’enfance à l’âge adulte, la vie de Beryl coule à flots ininterrompus sous nos yeux, sans qu’on se lasse jamais. D’ailleurs, comment se lasser d’une femme pareille ? Un sujet en or pour un roman ! Et ce choix judicieux explique en grande partie le plaisir que j’ai pris à lire ce livre. L’autre étant l’excellente écriture de Paula McLain.

La vie de Beryl est moderne à bien des égards… et en toute logique, elle fut jugée scandaleuse à son époque. A la manière d’une Amelia Earhart, elle fut une pionnière dans bien des domaines, se moquant du qu’en-dira-t-on et poursuivant ses rêves sans répit. En cela, elle est formidablement moderne donc, mais aussi attachante. Car on sent bien qu’il est question de liberté et pas seulement de l’envie de faire ce qu’elle veut. Aussi indomptable que les paysages africains qui l’ont vu grandir, Beryl ne peut pas se contenter de jouer un rôle social : elle veut vivre pour de vrai. L’aventure est donc présente à presque toutes les pages, ainsi qu’une certaine poésie véhiculée par des personnages épris de grands espaces qui ont choisi de faire de leur indocilité un mode de vie. Aux côtés de Beryl, les fans d’Out of Africa auront d’ailleurs le grand plaisir de retrouver Denys Finch-Hatton et Karen Blixen, ainsi que d’autres personnages familiers qui reprennent vie dans ce roman à tel point que j’avais parfois l’impression d’entendre la musique de John Barry raisonner à mes oreilles.

Mais une bonne histoire ne serait rien sans une bonne conteuse, et Paula McLain peut se vanter de faire honneur à son sujet. Elle va droit au but, sans tenter de faire de Beryl une héroïne. Elle la montre pour ce qu’elle a été : une femme en quête de sa liberté. Avec ses choix difficiles, ses doutes et ses erreurs, Beryl nous apparaît dans sa complexité, à la grâce d’un récit qui ne tombe jamais dans le jugement. Bien sûr, il est clair que la romancière est dans le camp de son personnage ; et on se doute rapidement que c’est son admiration pour Beryl qui l’a poussé à écrire ce livre. Cette révélation joue encore en la faveur de Paula McLain car je les ai trouvé d’autant plus sympathiques, toutes les deux.

Ce roman est donc une grande réussite. Il est à mettre entre toutes les mains des fans de beaux romans. Les admirateurs de Karen Blixen auront le plaisir de se retrouver en territoire connu et de replonger dans une histoire familière, mais d’un autre point de vue. Pour les autres, ce sera l’occasion d’un voyage au cœur de la lumière africaine : celle qui émane des êtres qui ont gagné leur liberté.

8 réflexions sur “L’Aviatrice, roman magistral de Paula McLain

  1. Blanche Mt.Cl. dit :

    J’avoue que même si ce n’est pas mon type de lecture habituelle, je suis assez fan d’aviation avec une admiration particulière pour Amelia Earhart… Ta critique éveille donc ma curiosité pour cet ouvrage! 🙂

    J’aime

Vous en pensez quoi ?