Le Prix Nobel de littérature et la France : une belle histoire d’amour

Médaille du Prix Nobel

Médaille du Prix Nobel

Pendant tout le mois de septembre, je vous ai fait découvrir un peu de notre patrimoine littéraire : les origines de la rentrée littéraire, un panorama des prix littéraires français… et bien sûr les chroniques de plusieurs nouveautés. Je ne pouvais pas boucler ce mois spécial sans vous parler du Prix Nobel de littérature : c’est le prix littéraire le plus prestigieux au monde, et il intimement puisque la France est le pays qui l’a gagné le plus souvent ! Petit retour sur un palmarès unique…

Un peu d’histoire…

Le Prix Nobel de littérature voit le jour en 1901 grâce à Alfred Nobel, chimiste de génie auquel le monde doit l’invention de la nitroglycérine. Mais là n’est pas l’important. Dans son testament, Alfred Nobel décide d’utiliser son argent pour créer des prix qui récompenseront les grandes avancées humaines dans différentes branches du savoir. Deux exceptions notables : le Prix Nobel de la paix (qui récompense une avancée humanitaire et non pas académique) et le Prix Nobel de littérature qui vise à saluer une œuvre « qui a fait la preuve d’un puissant idéal ». Le critère est un peu flou, mais disons qu’il peut s’agir d’une œuvre de fiction ou non, qui s’attache à dépeindre l’humanité. Grâce à la notoriété de l’institution Nobel, le prix est peut-être la récompense la plus prestigieuse à l’échelle mondiale. Elle offre une immense gloire au lauréat, d’autant que le résultat intéresse à peu près toute la planète.

Un prix mondial… enfin, pas vraiment

On dit souvent à tord que le Prix Nobel de littérature est un prix qui récompense la meilleure œuvre mondiale. Ce qui n’est pas tout à fait exact. Au fil des années, de nombreuses voix ont critiqué le prix : les Américains notamment le trouvent trop européen. Un comble quand on sait que chaque fois qu’un auteur américain l’a gagné, la presse américaine a descendu l’auteur ! Laissons de côté les faux débats et venons-en à l’essentiel : si on s’en tient aux statistiques, c’est indéniablement vrai que le prix est très « occidental ». Un fait qui s’explique par plusieurs raisons : d’abord à cause de la culture des membres de l’académie qui sont à dominance européenne ; ensuite parce que seules des œuvres issue de la liberté d’expression peuvent être récompensées. Les œuvres de propagande sont bien évidemment bannies. Dans les faits, il faut garder à l’esprit que beaucoup de pays boycottent la littérature, ou en tout cas limitent grandement la liberté d’écrire : la Chine à elle seule est un excellent exemple de cette politique du muselage. Dans de telles conditions, il est vrai que le Prix Nobel de littérature a parfois pris une dimension politique très importante car il peut saluer le courage de certains auteurs qui s’élèvent contre un régime.

La France, chouchou du prof

S’agissant des liens étroits entre la France et le Prix Nobel de littérature, il faut bien dire que ça a commencé dès le début : le premier auteur à remporter le prix est un français ! C’est le poète Sully Prudhomme qui ouvre la marche. Ses successeurs seront nombreux, et nous arrivons à un total actuel de 15 Prix Nobel de littérature tricolores. Pour vous donner un ordre d’idée, à part l’équipe de France de handball, aucune autre équipe française n’a un palmarès comme la littérature ! (Nota Bene : si on alignait les auteurs français à la prochaine Coupe du monde de foot, on aurait enfin une chance de gagner.) Parmi nos récipiendaires, il y en a même un (Sartre, pour ne pas le nommer) qui le refuse ! Mais cela n’entame pas notre score impressionnant.

Cette statistique est d’autant plus impressionnante que le français arrive en deuxième langue la plus récompensée derrière l’anglais. S’il semble logique que l’anglais soit premier (parce que c’est le bassin linguistique le plus large), c’est plus surprenant que nous soyons en seconde place : on pourrait légitimement s’attendre à ce que l’espagnol ou le russe nous devance, eut égard à la plus grande part de population qui parle ces langues.

Alors comment expliquer ce succès incroyable ?

Ne boudons pas notre plaisir : we are the champions ! Mais comment expliquer ce règne sans partage ? Nous, petit pays de 67 millions d’habitants, que tous nos voisins et pays amis moquent continuellement cause de notre mauvais caractère et de notre chauvinisme, arrivons en tête des littératures mondiales. C’est à n’y rien comprendre…

Sauf qu’il ne faut pas oublier trois choses : la première, c’est que l’histoire de la production littéraire française remonte à très loin (le fameux Roman de Renart date du XIIe siècle, ce qui ne nous rajeunit pas !), ce qui nous donne logiquement accès à un patrimoine littéraire ancien, riche et très varié. Nous puisons dans cette histoire, nous sommes nourris de cette histoire, et elle nous définit en partie. Deuxième élément, c’est que la France est par tradition un pays très attaché à la liberté d’expression. Et s’il nous arrive d’en payer le prix (en janvier dernier encore), cela reste quelque chose de fondamental dans nos moyens d’expression, comme un art de la critique à la française. Nous aimons interroger le monde, aller à contre-courant, interpeller nos contemporains…bref, voir le monde comme il est, l’imaginer comme il pourrait être.

Enfin, mon troisième argument –qui est aussi le plus important, je crois- c’est le dynamisme de notre littérature. Nous sommes un petit pays certes, mais nous sommes une grande nation littéraire, la faute à des grands noms qui ont donné envie aux jeunes générations de les rejoindre sur le piédestal. Il ne se passe pas une génération sans qu’un nouvel grand auteur sorte de la masse. Notre littérature du XXe siècle par exemple a été particulièrement innovante, et ce dans tous les genres littéraires. Nous écrivons des romans, de la poésie, du théâtre, des essais… peu de nouvelles, c’est vrai. Nous aimons le drame, le policier, le romantisme, la science-fiction… Tous les livres trouvent leur place dans nos bibliothèques. Et cette vitalité magnifique n’est pas seulement due aux auteurs mais aussi aux nombreuses maisons d’édition que nous comptons, ainsi qu’à nos librairies et notre réseau de bibliothèques publiques.

Bref, vous l’aurez compris, il fait bon être un bibliophile français ! Mais au-delà de la célébration de notre propre littérature, il est bon de se rappeler aussi qu’il existe d’autres littératures dans le monde. Elles ne gagnent pas forcément des prix, mais elles font entendre leurs voix, et elles méritent également d’être considérées avec respect. Donc même si nous pouvons être très fiers de notre littérature hexagonale, restons curieux des livres étrangers car ils font exister d’autres morceaux du monde… et donc de notre propre humanité.

13 réflexions sur “Le Prix Nobel de littérature et la France : une belle histoire d’amour

  1. Audrey dit :

    Article très intéressant autant sur les faits que tu présentes que ton interprétation. Je ne savais pas que notre « succès  » était aussi important pour ce prix. Mais comme tu le soulignes cela ne m’empêche pas de m’intéresser aux autres littératures 🙂

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      • Alivreouvert dit :

        3 pris Nobel gagnés en l’espace de seulement 17 ans, ça me semble un très bon indicateur de qualité. Par ailleurs, les chiffres à l’export sont globalement très bons aussi puisque nos auteurs sont publiés aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis ou encore en Asie. Il y a donc une adhésion globale du lectorat envers nos auteurs tricolores.

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      • Goran dit :

        Je ne parlais pas du passé brillant, mais du future… Et les bons chiffres à l’export je ne vois pas le rapport d’autant plus que les gros vendeurs sont Musso et Levy…

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      • Alivreouvert dit :

        Il y a effectivement Musso, Levy mais aussi Werber ou encore Maylis de Kerangal dont le roman, Réparer les vivants, a connu un beau succès aux Etats-Unis. Globalement, je ne vois pas de raison de s’inquiéter pour la littérature française. Le secteur du livre s’est stabilisé depuis la crise économique et nous jouissons d’une diversité littéraire rare, pour ne pas dire unique, si on considère que tous les genres littéraires sont représentés chez nous et que nos auteurs contemporains résistent bien à la vague de la littérature anglo-saxonne. A quelles craintes en particulier pensez-vous au sujet de l’avenir de la littérature française ? Parce que par contre, mon inquiétude se situe au niveau du réseau de distribution des livres dans l’hexagone : fermeture de librairies, pas assez de moyens dans les librairies publiques…

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      • Alivreouvert dit :

        Alors là, c’est vrai que c’est toujours très hasardeux de se lancer dans des pronostics sur le Nobel de littérature !! Régulièrement il arrive que les gagnants ne sont pas du tout ceux qu’on pensait ! Je sais que le nom de Houellebecq a beaucoup circulé ces dernières années. Mais quelqu’un comme Virginie Despentes serait aussi une bonne prétendante… C’est très dur à dire, d’autant que nous sommes des contemporains, donc faire le tri n’a rien d’évident. C’est souvent le recul de l’histoire qui permet de déterminer a posteriori l’impact d’un auteur. D’ailleurs, plusieurs auteurs couronnés du Nobel n’ont pas forcément été applaudis à deux mains. Les américains pensaient par exemple que William Faulkner ne le méritait pas parce qu’il n’était pas très connu et qu’il n’avait pas fait ses preuves à l’époque ! En plus, je pense que pour les lecteurs français du XXIe siècle, c’est encore plus dur de juger nos auteurs actuels parce que nous avons eu la chance d’avoir un XXe siècle littéraire exceptionnel en quantité et en qualité. Du coup, on a tendance à comparer les auteurs actuels avec leurs prédécesseurs. Ce qui n’est pas forcément fair play pour eux, vous l’admettrez !

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