Pardonne-moi, Leonard Peacock : un roman de Matthew Quick

pardonne-moiDepuis quelques temps, les maisons d’édition françaises se sont mises à proposer de plus en plus de romans dits « Young adults », une appellation américaine qui désigne des romans s’adressant à un publique de 18/25 ans, même si souvent ces livres peuvent être lus par un lectorat beaucoup plus large. Pour se faire une idée de ce phénomène, la collection R de Robert Laffont offre des titres très intéressants à découvrir. Mais pour se faire une idée vraiment précise, je vous conseille de découvrir le fabuleux roman de Matthew Quick qui est récemment paru dans cette collection : Pardonne-moi, Léonard Peacock. Une perle rare à lire de toute urgence.

Léonard Peacock est un garçon a priori sans histoires : il va au lycée, en veut à sa mère d’être constamment absente, passe des heures à regarder des films à la télé, s’interroge sur la triste vie des adultes… et aujourd’hui, il a décidé de tuer son ex-meilleur ami avant de retourner son arme contre lui pour se suicider. Mais avant de mettre son projet à exécution en fin de journée, Léonard a décidé de dire au revoir à des personnes qui ont compté dans sa vie en leur rendant visite et en leur offrant des objets importants. Une journée à part qui va prendre une dimension singulière au fur et à mesure que Léonard se rapproche du moment fatidique…

A un moment de ma lecture, je me suis souvenue du film Beetlejuice de Tim Burton, dans lequel un personnage disait que la mort n’apportait pas de solution aux problèmes des vivants. Ce n’est qu’une illusion de plus. Le roman de Matthew Quick invite le lecteur à cheminer avec un adolescent de dix-huit ans, dont les problèmes lui semblent tellement insurmontables qu’il préfère en finir. Léonard n’a aucune perspective optimiste dans sa vie, il cherche à échapper à son passé, et espère de toutes ses forces plonger dans un « super rien ».

Résumé comme ça, le roman ne semble pas proposer une histoire particulièrement amusante. Et c’est vrai : ce n’est pas du tout une lecture de divertissement dans le sens où on ne rigole pas vraiment, loin de là. Ce livre est écrit de manière très légère, très fluide, dans le même style très oral que L’attrape-coeur. On plonge facilement dans l’histoire de cet ado à la dérive, on le suit pas à pas et on se prend très rapidement d’affection pour lui. Matthew Quick réussit brillamment à nous le rendre vivant, crédible, et à faire de lui quelqu’un qui compte aux yeux du lecteur. On se revoit adolescent, on imagine des adolescents qu’on connait autour de nous… Ce livre nous touche forcément de manière intime.

Une fois que le lecteur est bien scotché par l’histoire, l’auteur commence à établir son histoire, dévoilant le fond au fil des pages, ménageant pas mal de suspens. Au fur et à mesure qu’on avance, on commence à comprendre que Léonard a été victime de sévices (je ne vous en dit pas plus pour ne pas trop en dévoiler). Et le regard qu’on porte sur lui change ; ce n’est plus un adolescent en pleine crise existentielle, c’est une victime qui veut se venger et qui n’arrive pas à faire le deuil du drame qu’il a vécu, qui ne sais pas comment vivre avec ce qui lui est arrivé.

Ce roman est un bijou, une prouesse de finesse, de compassion, de bienveillance à l’égard de ce personnage principal qu’on a envie de sauver coûte que coûte. J’ai rarement lu un livre dans lequel j’avais autant envie que le personnage s’en sorte. Je le voyais sous mes yeux, j’entendais sa voix… Son devenir m’importait.

Ce roman aborde un sujet extrêmement sensible sans jamais tomber dans la mièvrerie. Matthew Quick invite à découvrir un drame de manière intime, en abordant courageusement la question des adolescents qui se sentent abandonner, rejetés par le système éducatif, qui ne sont pas accompagnés par des parents assez attentifs… On parle aussi dans les pages de ce livre des vertus de l’amitié, de l’importance de l’espoir, de la résilience. C’est un livre très lumineux malgré son sujet grave.

Ce livre possède énormément de vertus et je ne peux que vous encourager à le lire pour les découvrir toutes. C’est vraiment le genre de livres dont on ressort changé. Mais j’en profite aussi pour dire qu’il ne se limite pas à une classe d’âge spécifique. Il peut être lu par un adolescent comme par un adulte car le sujet est universel et l’écriture est de qualité tout en étant très accessible.

C’est un livre sans prétention, mais dont on sent que l’auteur avait l’ambition d’en faire le véhicule d’un message important : la bienveillance dont nous sommes capables les uns envers les autres, ainsi que l’importance de parler et d’écouter, sont deux des choses qui permettent d’éviter des drames. Il ne peut pas y avoir de rémission sans sentiment de sécurité, sans la possibilité de parler à quelqu’un de ce qui nous fait souffrir. Et entendre les cris de détresse des autres, être capables d’empathie envers leur mal-être, ce sont deux choses essentielles qui caractérisent notre humanité. L’imagination nous permet de nous projeter dans une souffrance, une solitude ou une peur, alors même que nous n’avons jamais vécu se genre de situation extrême. L’imagination entraîne la compassion, et en ce là, la littérature prouve qu’elle peut influer sur le cours de nos vies.

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