Charlie Mordecai : adaptation du roman de Kyril Bontifiglioli

MortdecaiC’était l’une des sorties au cinéma que j’attendais le plus au début de l’année, et finalement mon emploi du temps ne m’a pas permis de voir le film sur grand écran. J’ai donc sagement attendu la sortie en DVD pour me faire une idée de ce film avec Johnny Depp dans le rôle titre, qui interprète le personnage des romans de Kyril Bontifiglioli. Entre temps, j’ai pu découvrir les nombreux avis négatifs sur ce film, et du coup, j’ai commencé le visionnage avec une légère appréhension. Bon, finalement, c’était pas si terrible que ça, même si clairement le film aurait pu être mieux.

Charlie Mortdecai est un marchand d’art anglais et véreux… deux qualités qui font forcément de lui un personnage déjanté et hautement sympathique, chez qui la propension burlesque n’a d’égal que le don d’arriver premier dans les concours de circonstances. Poursuivis par les collectionneurs qu’il a escroqué et les forces de l’ordre (envers lesquelles il n’est pas forcément très en règle non plus), il doit aussi faire face à des problèmes domestiques. Les choses prennent un tour inattendu lorsqu’une restauratrice d’oeuvres d’art est assassinée alors qu’elle travaillait sur un tableau de Goya. Ni une ni deux, les forces de l’ordre font appel à Mortdecai et à ses connaissances douteuses pour retrouver la trace du tableau (qui lui-même peut mener son propriétaire sur les traces d’un trésor de guerre nazi). Pour réussir cette périlleuse mission, Mortdecai peut compter sur son manque total de discernement et sur son fidèle serviteur Jock, majordome/garde du corps/bête de sexe.

Le personnage de Mortdecai est malheureusement très peu connu en France, vraisemblablement parce que les lecteurs français ne sont pas assez friands de l’humour burlesque anglais (du genre de Wodehouse) et peut-être aussi parce que le personnage n’est apparu que dans trois romans… pas franchement de quoi faire se lever les foules en délire. C’est dommage car en Angleterre le personnage jouit d’une plus grande renommée, ce qui explique qu’il ait fait l’objet d’une adaptation au cinéma.

Mortdecai, c’est un personnage principal gentiment cinglé, rarement du bon côté de la loi, avec des répliques cocasses, un style unique et un mariage réussi entre roman d’espionnage et comédie débridée. C’est aussi un univers farfelu aux personnages secondaires complètement barrés et aux intrigues toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Autant d’éléments qui sont les secrets de l’amour que les lecteurs vouent au personnage et à ses aventures. Malheureusement, l’adaptation a loupé le coche et est un peu passé à côté de son sujet.

Déjà, le casting n’est pas une réussite. Johnny Depp dans le rôle d’un personnage délirant et original, on l’a déjà vu mille fois et le ressort est cassé. Dans le film, il fait le service minimum, mais c’est poussif et il ne m’a pas fait rire. Ce qui est un peu dommage étant donné que l’humour du film est quand même largement sensé reposer sur sa personne. Un choix d’autant plus étrange que l’Angleterre regorge littéralement d’acteurs capables de restituer toute la dimension burlesque du personnage tout en faisant honneur à son côté charmeur. Tom Hiddleston par exemple (je pense à lui à cause de sa ressemblance fascinante avec Gene Wilder) aurait été parfait dans le rôle. Ensuite Gwyneth Paltrow, comment dire… C’est comme d’arriver en robe de soirée pour une partie de bowling : il y a un décalage flagrant. Elle est beaucoup trop guindée dans le film, pas assez fofolle si je puis dire. Une Emily Blunt aurait été exubérante à souhait, mais là ça tombe à plat. Je passe sur Ewan McGregor qui est bien sans être transcendant.

En revanche, la très bonne surprise du film, c’est la présence de Paul Bettany dans le rôle de Jock, un acteur que j’aime beaucoup et qu’on n’a peu (pas du tout même) l’habitude de voir dans des comédies. Dans ce film, il révèle un vrai talent comique, et je dois dire qu’il m’a énormément fait rire. Son personnage est un peu simplet, mais quand il s’agit d’action, il est prêt à tout ! Sauf qu’avec la maladresse de son maître, il se retrouve souvent dans de fâcheuses postures… pour le plus grand plaisir du spectateur !

Du côté de l’histoire, le film est l’adaptation du premier roman de la trilogie Mortdecai, ce qui est un choix judicieux car cela permet de bien rentrer dans l’univers et de découvrir en douceur les personnages. Sauf que justement c’est un peu trop doux, et le film ne décolle jamais vraiment. Il cherche trop à être fidèle à l’histoire et aux personnages, ce qui alourdit l’ambiance générale. Le film est mal rythmé, l’ambiance fait très « second degré », et la plupart des gags ne font pas autant rire qu’ils le devraient.

J’ai bien aimé les transitions stylisées d’une ville à l’autre. Avec ces transitions, l’équipe du film a mis le doigt sur le côté burlesque de l’histoire. Mais cette dimension est absente du reste de l’esthétique du film. Je dirais donc que le film n’arrive jamais à atteindre sa réelle dimension de comédie policière. Les ficelles sont trop grosses, les acteurs pas à leur place, et du coup le spectateur (qu’il connaisse ou pas les romans) reste sur sa faim. C’est d’autant plus dommage que cette adaptation était une bonne idée sur le papier.

Si vous en avez l’occasion, voyez ce film car on passe un bon moment, même si on en ressort avec comme sentiment général un « sans plus ». Par contre, je ne saurais trop vous encourager à lire les livres. Si vous êtes fan d’humour anglais, c’est la bonne pioche assurée. Lors de la sortie du film en janvier dernier, les éditions du masques avaient eu l’excellent idée de proposer une édition incluant les trois romans en un seul livre. Il s’intitule sobrement Mortdecai, la trilogie. L’occasion idéale pour rencontrer le chaînon manquant entre Wodehouse et Ian Fleming !

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